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Rapport au savoir chez les enfants Ba-Bongo du village Matagamatsegue. Enquête sociologique en milieu rural au Gabon.


par Guy Laroche Mombo
Université Omar Bongo - Master II en sociologie 2019
  

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Chapitre III

EXPERIENCE SCOLAIRE DES CHEFS DE FAMILLE

Pour mieux saisir le rapport au savoir, des élèves du village Matagamatsengue, nous avons choisi d'interroger aussi les parents d'élèves pour cerner leur rapport social au savoir. Car « le rapport au savoir est un rapport social en ce qu'il exprime les conditions sociales d'existence des individus (...) leur attente face à l'avenir et à l'école exprimant les rapports sociaux qui structures notre société »48

Cette deuxième catégorie d'enquêtés de notre échantillon est composée de 9 hommes et 2 femmes dont l'âge varie entre 21ans et 62 ans.

Section 1 : représentations sociales de l'école et histoire scolaire des chefs de familles Tableau n°10: Niveau d'études des parents

Niveau d'étude

effectifs

H

F

CP1/ CE1

5

0

CE2/ CM2

2

0

6ème

0

1

Sans

2

1

Total

9

2

Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2019

Sur 11 chefs de familles, 5 ont un niveau inférieur ou égal au CE1, 2 ont un niveau inférieur ou égal au CM2, une a un niveau 6ème et 3 n'ont jamais fréquentés l'école. De manière générale, on se rend bien compte que le grand nombre des parents d'élève a un niveau d'étude inférieur ou égal au CM2.

48 Beautier, E., Charlot, B, et Rochex, J, Y (2000). « Entre apprentissages et métier d'élève : le rapport au savoir » VAN ZANTEN, A. (Dir). L'école : l'état des savoirs. Paris, la Découverte 179-188.

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1.1. Représentation sociale de l'école

Pour les parents d'élèves, l'école est ·quelque chose de bien·, de ·grand · et ·d'important · dans la mesure où elle offre la possibilité de sortir d'un état difficile. Pour d'autre l'école c'est la réussite, car on peut avoir un emploi en cas de réussite. Ils voient dans la scolarité de leurs enfants un moyen de changer leur position dans la société.

«L'école c'est la réussite, si tu réussi c'est le travail )) (Enquêté P2)

«L'école c'est quelque chose de bien, c'est le moyen pour vivre alaise et de sortir d'un état difficile )) (EnquêtéP9).

«L'école c'est la réussite )) (EnquêtéP7)

Notons que pour ces chefs de familles, lorsqu'ils fréquentaient encore l'institution scolaire, ils ne réalisaient pas en ce temps son n'importance, mais ce n'est qu'au fil du temps qu'ils ont commencé à donner de l'intérêt au fait d'aller à l'école. C'est-à-dire à construire du sens au fait d'apprendre. C'est pourquoi certains nous confient :

« Nous avons observé comment les autres envoyaient leurs enfants à l'école et nous aussi on avait décidé de le faire pour qu'ils se transforment aussi » (chef du village MATAGAMATSENGUE)

«Je pense aujourd'hui que c'est quelque chose de bien avant je ne le savais pas )) (EnquêtéP4)

« C'est aujourd'hui que je vois que c'est quelque chose de bien, quand je vois certaines personnes avec les véhicules, les bureaux )) (Enquêté P6).

En outre, la grande partie des responsables de familles Babongo voudraient que leurs enfants puissent réussir à l'école, c'est-à-dire avoir des diplômes pour qu'ils se démarquent d'eux. Et aussi pour la possibilité d'obtention d'emploi ; car l'école pourrait permettre grâce à la mobilité ascendante un ascenseur social.

«Je l'envoie à l'école pour qu'il soit transformé comme les autres )) (EnquêtéP11). « Ils vont à l'école pour devenir des personnes »(EnquêtéP10).

« Pour évoluer afin de devenir un blanc comme les autres ». (EnquêtéP9)

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« Le premier problème est celui de moyen, nous n'arrivons pas à tous les inscrire et il y'a eu encore augmentation de la mutuelle scolaire. Celui qui a 5 enfants ne peut pas supporter cette charge donc ceux qui restent vont avec nous au champ. Plus difficile encore celui qui est au collège il y a la chambre à payer en tant que cultivateur nous ne pouvons pas. On a un problème de route et de commerçant pour écoulé le manioc ou la viande. S'il était possible de donner le manioc ou le poison à l'école nos enfants feraient l'école sans problème. L'autre problème est celui des papiers, il y a des enfants non déclarés et qui non pas d'acte de naissance. », (Président de l'association des parents d'élèves)

Une autre partie inscrit leurs enfant dans l'optique d'apprendre au moins à lire et écrire leur nom, pour ne plus qu'ils soient des sujets de moquerie comme eux ils l'ont toujours été. Mais de manière générale, les parents souhaitent voir leur enfant travailler plus tard, quel que soit l'endroit. Leur souci fondamental est l'instruction et le salaire qui viendraient couronner leurs études et leurs permettraient de venir en aide aux familles. Le but du savoir scolaire est donc ici de préparer l'avenir de l'enfant, dans la mesure où ces familles associent l'importance de l'apprentissage scolaire à la finalité de l'école.

« Mon coeur a changé, je ne veux plus qu'ils soient comme moi, je les inscris pour connaitre au moins écrire leur nom »(EnquêtéP4)

« Pour qu'ils réussissent et ne deviennent pas comme moi ? Et pour ne plus que l'on se moque encore d'eux comme nous» (EnquêtéP7)

« Pour que lui aussi devienne quelqu'un de grand différent de moi » (EnquêtéP6). 1.2. Histoire scolaire des chefs de famille

L'histoire scolaire des parents se caractérise par une confrontation à plusieurs épreuves. Après leur sédentarisation à Matagamatsengue, ils ont davantage été amenés à fréquenter le milieu scolaire par l'influence des peuples bantou environnant, cependant, ils ignoraient en ce temps l'importance de cette institution.

« (...) nous avons commencé à aller à l'école parce que nous voyons les autres envoyer leurs enfants à l'école » (chef du village Matagamatsengue)

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Les règles et les principes de fonctionnement de l'école étaient opposés à leur mode de vie en ce qu'elle impliquait une présence totale de leur part. Or cela rentrait en contradiction avec le rythme de vie qui était le leur.

« Nous on vivait à l'époque seulement à l'aide de la forêt, s'il fallait rester toute une semaine à la maison juste pour aller à l'école nous devons mourir de faim et perdre nos champs »49(EnquêtéP6)

« Oh l'école était pour le blanc, nous on allait comprendre ça ! »50 (EnquêtéP4).

Sur les onze chefs de famille interrogés, neufs (9) ont été les premiers dans leur famille à avoir été à l'école, mais aucun d'eux n'a pu dépasser le cap du CM2. Par conséquent ils ne bénéficiaient d'aucun suivi scolaire à la maison et le seul savoir dont ils pouvaient jouir était celui que détenait l'enseignant. De manière générale, la volonté d'apprendre qu'ils manifestaient afin d'être comme les enfants des nouvelles communautés voisines se heurtait au problème de langue : c'est-à-dire que la langue qui est légitimé par l'institution scolaire ne leur permettait pas l'accès au bien qu'offre l'école (l'instruction, les diplômes etc.) et leur intégration. Pour y parvenir, il fallait selon eux « penser à son avenir ».

Au-delà des difficultés d'intégration liées au conflit de langue et au mode de vie, s'ajoutaient ceux liés au capital économique et les symboles en milieu scolaire.

Le capital économique. Selon nos enquêtés, les frais de scolarité en leur temps se levait à 1000franc et en ce temps, avoir cette somme c'était extrêmement compliqué et les parents n'y parvenaient pas à la réunir.

« (...) l'école était dure et le français aussi mais le manque de soutient nous a fait défaut, la scolarité était 1000franc et c'est cette somme que les parents ne parvenaient pas à payer (...) l'école c'est vraiment important aujourd'hui »51 (EnquêtéP8).

« Je trouvais l'école et parler français difficile, j'ai arrêté au CM2 n'ayant plus de moyens pour continuer mais en réalité j'ai envie de repartir à l'école pour faire des

49 Bessa la fuadeng moyi ndi na pindi, sal va nzo tsone yodji ndi mu lu coli mbe la kua na ma nzale na ma nougi bongna

50 O lucol labadga ikumbu cha ibambe bess lambé tchikss biéna !!

51 Ifuale na lucole a ba bunône ba sucki à ba tchavè lufunu la lucoli à ba ndi lukumi la-dol ngaga mè issatoge fute badole vè. Lole lucol ikumbe cha i buè

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formations car cela m'intéresse davantage en voyant ce que deviennent les autres » (EnquêtéP9)

La poursuite des études au collège n'était pas chose facile dans la mesure où cela impliquait aux rares cas qui obtenaient leur Certificat d'Etude Primaire (CEP) de « prendre totalement leur vie en mains ». C'est le cas d'une jeune femme qui avait décroché en 6ème faute de moyen.

« Ici on peut se forcer d'apprendre, mais quand on va au lycée, on se retrouve sans famille ni moyen pour vivre et louer. J'ai bien voulu continué mon école mais le manque d'argent ma ramené au village parce que là-bas il faut donc prendre totalement sa vie en mains » (EnquêtéP7).

Les symboles en milieu scolaire. En milieu scolaire la distinction des bons et des mauvais élèves se faisait par l'utilisation des symboles tel que : les chênettes faites à base de tête ou de dents d'animaux, celle-ci a été à l'origine de leur rapport conflictuel avec l'école et leur intégration. En effet, il était imposé à tous ceux qui s'exprimaient en langue vernaculaire en classe de porter des chênettes et de l'avoir à l'école et en dehors dans la perspective de faire savoir aux camarades et aux parents que la langue vernaculaire n'était pas légitimée à l'école.

« Quand on accompagnait les autres à l'école, c'était interdit de parler le nzébi en classe, celui qui sortait un mot en nzébi l'enseignant lui portait la chênette qui avait la tête ou les dents des animaux pour montrer aux autres et aux parents que la langue que l'école utilise c'est le français et non le nzébi. Pour ne plus la porter j'avais lavé les main52. (EnquêtéP5).

Par ailleurs, les chefs de familles Bakongo avaient une relation conflictuelle avec l'institution scolaire. Ce conflit était principalement lié à l'obligation de l'apprentissage du français qui leur permettrait de communiquer avec les autres et de se faire comprendre par ces derniers. Ainsi, l'apprentissage du français se présentait en ce temps comme le moyen fondamental d'intégration et de considération sociale. Cependant, au-delà des souvenirs

52 Va la tosnge bambegi gu lucole bo inzebi yambele vè wa poss libige ru inzebi, mulongchi a ka luatesse ndè mulong mutsuè kè mine ma niame. Wé ka lénge na ndè mu muess ba mbegi na ngaga ti ndaga y ba yambela ru lucole ifuale a inzebi vè. Mu kol bié luata me na réte.

négatifs de leur fréquentation scolaire, ils souhaitent néanmoins que leur progéniture fasse mieux et cela se justifie par le fait qu'ils ont tous décidé que leurs enfants aillent à l'école.

Ainsi, quelles sont leurs stratégies d'encouragements et les perspectives professionnelles qu'ils souhaitent pour leurs enfants.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci