1.3.2. Le prisme d'identité de Kapferer (1997)
La gestion de la marque a jusqu'à présent
été gouvernée par les études d'image. La
préoccupation est de savoir comment l'on est perçu. Le marketing
au contraire, fait de l'identité le concept central de la gestion de
marque : avant de savoir comment 1'on est reçu, il faut savoir qui 1'on
est (Kapferer, 2007). Seule l'identité fournit un cadre de
cohérence (multi-produits, multi-pays), et de continuité
temporelle, source de capitalisation.
Alors qu' Aaker (1996) propose que l'identité de la
marque soit au centre stratégique du positionnement de l'entreprise,
Kapferer (1997) voit dans l'identité de la marque un outil fortement
utile pour créer et conserver une bonne image de la marque dans l'esprit
du consommateur par rapport à la stratégie de positionnement.
Kapferer (1998) souligne en effet les limites du positionnement qui selon lui
ne retranscrit pas toutes les potentialités ni toute la richesse de la
marque. Aussi il observe que le positionnement ne définit pas la
communication à adopter alors que l'identité de la marque peut
guider les modes d'expression de la marque.
Figure 4 : Le « prisme d'identité
» Kapferer, 1997
Kapferer (1997) propose un outil pour façonner
l'identité de marque, « le prisme d'identité »
(Figure 4). Comme pour Aaker, la construction de l'identité de marque
est
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pour Kapferer une volonté stratégique de
l'entreprise. Elle ne s'arrête pas à l'identité visuelle
(logo, charte graphique...) considérée pendant longtemps comme
l'essentiel de l'identité de marque. Il souligne le rôle
prépondérant que joue l'identité de marque pour orienter
la communication de l'entreprise notamment dans cette époque de
surabondance des messages diffusés. Comme la figure
géométrique, le « prisme d'identité »
de Kapferer se construit autour de six facettes.
Les six facettes du « prisme d'identité
» s'organisent en deux groupes :
(1) les facettes sociales de la marque se trouvent dans la
partie gauche de la figure et se composent du physique, de la relation et du
reflet. Il s'agit des facettes qui font référence à
l'extériorisation de la marque.
(2) à droite de la figure, on retrouve les facettes
d'intériorisation de la marque qui sont : la personnalité, la
culture et la mentalisation
Décrivons les facettes liées à
l'extériorisation :
- Le physique : il renvoie à la catégorie de
produit, au packaging et aux attributs tangibles du produit mis en avant dans
la communication. Comme pour une personne, le physique est extérieur
à la marque. C'est un ensemble de caractéristiques objectives
saillantes ou au contraire latentes, émergées. La marque se
construit d'abord un physique, un socle. Mais le physique n'est pas
suffisant.
- La personnalité : il s'agit de l'ensemble des traits
de la personnalité humaine qui définissent le caractère de
la marque, son style, son attitude (Azoulay, Kapferer, 2003 ; Vernette, 2006).
La personnalité de la marque est intérieure à la marque et
comme pour un être humain, elle se caractérise par un certain
nombre de traits de personnalité. Les consommateurs consomment les
marques pour nourrir la personnalité à laquelle ils aspirent
(Vernette, 2006). Pour décrire la personnalité humaine, on peut
se référer comme de nombreux psychologues à l'approche des
« Big Five » (modèle OCEAN - Encadré 4) de Sternberg,
à savoir que les cinq facteurs principaux de la personnalité sont
:
o la Stabilité émotionnelle (Neurotiscm),
o l'Extraversion (Extraversion),
o l'Ouverture (Openness),
o l'Agréabilité (Agreableness)
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o et le Caractère consciencieux (Conscioustness).
Encadré 4 : Les cinq facteurs de la personnalité de
marque Sternberg, 1995.
- La culture : « par culture il faut entendre
système de valeurs, source d'inspiration de la marque »
(Kapferer, 2005). Une troisième facette est constituée par
l'univers culturel dans laquelle la marque évolue et se
développe. La culture représente un système de valeurs
dans lequel la marque prend ses racines. La culture se ressent dans les
produits et les communications de la marque. Louis Vuitton par exemple nourrit
la culture du voyage à travers ses produits comme sa
célèbre malle à la toile Monogramme ou dans ses campagnes
publicitaires comme celle de 2013 intitulée «L'invitation au
voyage» dans laquelle l'héroïne s'envole dans une
montgolfière, survole la capitale française pour atterrir
à Venise lors du Carnaval. La marque ancre son identité dans le
voyage en éditant des guides touristiques de grandes villes. La marque
Chanel par exemple puise ses racines dans l'imaginaire de sa créatrice
Gabrielle Chanel et sa soif d'émancipation et de liberté.
Les facettes liées à l'intériorisation :
- La relation : la marque est une relation. L'aspect
relationnel de la marque est essentiel pour comprendre les liens qui sont
tissés entre une marque et ses clients. Dans les entreprises de service,
cet axe est essentiel. Kapferer indique que « les marques sont souvent
l'occasion d'une transaction, d'un échange entre les personnes
».
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- Le reflet : le reflet représente ce que la marque a
souhaité montrer d'elle. Il prend le visage de la cible
recherchée et se retrouve dans les communications de la marque. La
marque doit renvoyer un reflet valorisant ses clients.
- La mentalisation : si le reflet est le miroir externe de la
cible, la mentalisation en est le miroir interne. Grâce à
certaines marques, nous entretenons un certain type de relations avec
nous-mêmes. C'est l'idéal qu'aimerait atteindre le consommateur en
devenant consommateur de cette marque.
En somme, pour construire une marque forte, cela passe par la
construction d'une identité forte. Il s'agit d'une décision
stratégique qui va guider la marque tout au long de sa vie. D'autres
objectifs sont visés par la construction d'une identité de
marque. Nous les explorons ci-après.
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