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L'effectivité de la répression du détournement de deniers publics au Gabon.


par Junior Arnaud Landry ONDO NDOUTOUMOU
Université de Yaoundé II/Soa - Master professionnel en Droit Contentieux Fiscaux, financiers et des Comptes Publics 2015
  

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2. L'encadrement du remboursement des avoirs incriminés

Selon le philosophe Michel FOUCAULT « poser que toute peine, quelle qu'elle soit, aura un terme, c'est à coup sûr s'engager sur un chemin d'inquiétude (...), une pénalité qui prétend prendre effet sur les individus et leur vie ne peut éviter de se transformer perpétuellement elle-même »195. Le détournement de deniers ou de « biens publics est une infraction pouvant être qualifiée de délit ou de crime selon la fourchette de la valeur des biens objet du détournement. C'est sans nul doute cette nature criminelle qui explique à suffisance la réaction virulente de nationalistes qui plaident en faveur de la rétention d'une telle qualification »196. En effet, au vue de la gravité de l'infraction, il est judicieux pour freiner la propagation de la désobéissance pénale de prévoir la peine privative de liberté, dans le but de punir le contrevenant et d'en faire un exemple pour ceux qui auraient muri le désir de limité. Ceci est de plus nécessaire étant donné qu'il incombe à l'Etat « la tâche de mettre en oeuvre une violence rationnalisée » aux fins de répression de l'infraction dont se serait rendu coupable un justiciable. En jetant un regard sur la pratique de la répression de l'infraction de détournement de deniers publics au Gabon, la peine privative de liberté retenue par l'article 141 du Code pénal semble être difficile à être exécuté. La preuve jusqu'à lors aucun fonctionnaire n'a fait l'objet d'une condamnation mais des milliards détournés ne cessent d'être attribuer en trophée à un tel ministre ou à un tel autre directeur général. Pour nous, la prison c'est-à-dire la peine privative de liberté ne devrait plus à elle seule être retenu comme solution aux fins de résoudre le litige qui pourrait opposer l'Etat gabonais à un de ses agents publics. Selon la pensée post-moderne du droit pénal, cette dernière ne se donne plus pour seul objet de sanctionner celui qui a violé la règle. La crise de la surpopulation du milieu carcéral est une des raisons de repenser la politique criminelle. Dans le cas de l'infraction qui éveil notre attention, certes la prison reste « le centre de pénalité » mais il laisse baillant le problème des sommes pharamineuses arrachés à la réalisation du bien-être des populations. A titre de rappel, « selon nos estimations, la restitution des avoirs volés par une trentaine de dirigeants au cours des dernières décennies pourrait représenter entre 105 et 180 milliards de dollars pour les pays du Sud, soit plusieurs fois ce qu'ils reçoivent chaque année au titre de l'aide des pays riches »197. Pour être plus précis, un chiffre qui équivaut à 20 à 40% des flux

195 Cfr. Le suicide en prison : mesure, dispositifs de prévention, évaluation, Min.de la justice, direction de l'Administration pénitentiaire française, Paris, n°78, 2013, p.216.

196 E. KENGUEP, E. FOKOU, l'infraction d'atteinte au patrimoine des entreprises publiques et parapubliques dans l'espace OHADA, l'ERSUMA, 6 janvier 2016, p.169.

197 En 2007, l'aide publique au développement mondiale atteignait officiellement 103 milliards de dollars, selon l'OCDE, mais l'aide qui parvient réellement aux pays en développement en représente moins de la moitié, selon

Présenté et soutenu par Mr. ONDO NDOUTOUMOU Junior Arnaud Landry Page 74

LA REPRESSION DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS AU GABON

de l'aide au développement officielle198. Ahurissant ! Je vous le concède quand on pense aux courbettes effectuées par nos dirigeants pour avoir accès aux prêts internationaux de ces pays occidentaux qui « profitent de l'argent d'un petit nombre de personnes peu soucieuses du bien-être de leur population »199. La prison oui, mais elle ne règle en rien le problème de l'argent détourné qui est pour nous une forme « de crime contre l'humanité ». Le revers d'une fréquence élevée des détournements des deniers publics est qu'ils peuvent pousser à la mort des populations entières. Car certains ne pourront pas se soigner faute de médicaments. D'autres n'auront pas accès à l'éducation faute d'école, à l'eau potable etc. Selon l'article 141 du Code pénal gabonais, l'amende fixée dans le cadre du détournement de deniers est au « maximum du quart des restitutions et indemnité et le minimum le douzième ». En effet, si un agent public détourne 100.000.000 FCFA en sus de la réclusion criminelle à perpétuité dont il fera l'objet, il paiera au maximum au Trésor public 2.500.000

FCFA ). Ne serait -il pas plus juteux pour les caisses de l'Etat de pouvoir

recouvrer en échange de liberté du prévenu la restitution de la somme querellée ou même la moitié. Ces avoirs pourront permettre de relancer l'économie et le processus de développement du pays au lieu de se cantonner à une peine de prison qui appauvrirait un peu plus l'Etat car les potentiels prisonniers sont nombreux. Sans cela, il serait opportun d'envisager l'agrandissement ou la construction de nouvelle prison, là encore pour les agents publics qui ont déjà fait l'objet d'instruction pour détournement de deniers publics. Dans ce cas de figure serait encore le contribuable qui va perdre de l'argent pour la construction de ces nouvelles prisons. En plus, au regard de la réalité gabonaise, ce sont ceux qui n'ont pas encore fait l'objet d'instruction qui sont malheureusement les plus nombreux protégé par des intérêts occultes. La peine privative de liberté semble ne plus être le meilleur moyen de résoudre des affaires criminelles au regard de l'évolution de la criminalité actuelle ou les évasions de prison ne sont pas à exclure. L'encadrement du recouvrement des deniers publics dont il est fait allusion, pourra ainsi comporter le remboursement et la perte pour le prévenu de possibilité d'exercer une fonction publique aux fins de préserver l'obligation de probité200 consacré par le Statut de la fonction publique. La crise qui frappe le Gabon à l'heure actuel n'est que la résultante de la gestion poreuse de l'argent public, qui laisse libre cours aux vices

les travaux de Coordination SUD et AidWatch. Cfr. A. DULIN, J. MERCKAERT, « Bien mal acquis à qui profite le crime » édition CCFD- Terre solidaire, 2009, p.15.

198 World Bank, Stolen Asset Recovery (StAR) Initiative: Challenges, Opportunities, and Action Plan (Washington, DC, 2007), 9. J-P. BRUN, L. Gray Clive Scott, K.M. Stephenson, Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis, The World Bank, 2010, p.18.

199 Préface de G. AURENCHE, in « Bien mal acquis à qui profite le crime », op. Cit., p.6.

200 Art.43, tiret 6 Loi n°1/2005 du 4 février 2005 portant statut général de la Fonction publique.

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LA REPRESSION DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS AU GABON

chez les jeunes qui ont du mal à s'émouvoir après les études fautes d'emploi ou de grèves à répétition dans le monde éducatif. Dans un tel environnement, il n'est pas étonnant que le Gabon soit champion d'Afrique de consommateurs d'alcool par habitant201. Il est temps de prendre au sérieux les conséquences néfastes de ses soustractions des fonds publics au sein de l'administration étatique car aucun pays ne peut se développer sans avoir la maitrise de ses finances publiques. D'être sûr d'une bonne utilisation des sommes d'argent qui sortent du Trésor Public programmé pour un but précis. Le juge quant à lui ne saurait faire son travail comme il se doit s'il est « oppressé » par l'oeil de l'Exécutif qui est en même temps le responsable de son organisation. Une telle situation demande une réorganisation de la justice gabonaise si on veut arriver à assurer l'indépendance des magistrats.

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