Section II: La réforme du cadre légal de
la répression du détournement de deniers publics
L'effectivité ou l'efficacité de la
répression d'une infraction aussi grave que le détournement de
deniers publics est étroitement lié à la politique
criminelle instauré à travers la loi pénale qui en est le
testament. En effet, il est notable, dans le cas de la répression de
cette infraction au Gabon que la loi pénale semble avoir pris un coup de
vieillesse. Il serait donc important afin de mieux lui permettre de
répondre aux nouveaux problèmes que pose la répression du
détournement de deniers publics de revoir son cadre légal. Pour
ce faire, dans le cadre de cette partie à venir, nous formulerons le
souhait d'une modification de la loi pénale. Elle partirait
d'éléments qui nécessitent une modification de la loi
pénale (Paragraphe I) avant de l'achever par une réorganisation
de la justice gabonaise (Paragraphe II).
Paragraphe I: La modification de la loi pénale en
matière de détournement de deniers publics
La répression du détournement de deniers publics
au Gabon ne pourra connaitre une effectivité si l'on ne débute
pas par lui donner un cuire de jouvence. Ce toilettage concerne la loi
pénale sur laquelle s'appuie le juge pour condamner un individu. En
effet, pour nous, il serait fort important d'entrevoir le débat du
prolongement du délai de prescription en matière de
détournement de deniers publics (1) et l'encadrement du remboursement
des avoirs incriminés (2).
1. Le prolongement du délai de prescription en
matière de détournement de deniers publics
Selon Portalis « une loi est un acte de
souveraineté, une décision n'est qu'un acte de judicature ou de
magistrature »187. C'est-à-dire que la loi doit
permettre d'assurer une sécurité juridique à la personne
inculpée mais aussi à toute la société. En effet,
« Il appartient au
187 J. HAUSER, le juge et la loi, le Seuil du / Pouvoirs, 2005, n
°114, p.141.
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pouvoir législatif de définir les comportements
qu'il juge antisociaux, et d'organiser l'identification, l'appréhension,
la poursuite et le jugement de leurs auteurs, le tout selon des
modalités bien précise »188. La modalité
précise est la procédure à entrevoir en matière de
poursuite de l'auteur d'une infraction. Le code de procédure
pénal gabonais qui encadre la procédure a adoptée en
matière pénale dispose qu' : « En matière de crime,
sauf en ce qui concerne ceux déclarés imprescriptibles par la
loi, la prescription de l'action publique est de vingt années
révolues à compter du jour où le crime a été
commis, si dans cet intervalle il n'a été fait aucun acte
d'instruction ou de poursuite »189. C'est dire qu'un
crime perpétré à une date X s'il n'a pas fait l'objet
d'acte d'instruction ni de poursuite en l'espace de vingt ans, l'auteur ne
pourra plus être poursuivi par une juridiction pénale. Dans le cas
du Gabon, c'est une grande porte ouverte à l'impunité de ceux qui
sont proches du pouvoir quand on se refaire à la longévité
du pouvoir qui est en moyenne de 19 ans pour le moment. En effet, il reconnut
la possibilité pour le Chef de l'Exécutif de se
représenter aux élections présidentielles autant de foi
qu'il lui sera possible190. Cette impunité est plausible
étant donné que l'indépendance de la justice est un
débat houleux dans notre pays. Nous en avons pour preuve le rappelle
fait par le Président de la République en sa qualité de
président du Conseil Supérieur de la Magistrature en ses mots
« le magistrat doit être un homme libre au service du droit et de
l'Etat »191. Si les hommes chargés de rendre justice ne
sont pas libres d'exercer leur fonction est-ce la répression de l'auteur
de détournement qui n'est qu'une tâche qu'ils sont à
accomplir qui sera empreint de liberté ? Nous ne pensons pas. En
moyenne, sur les trois présidents qui se sont succédé au
pouvoir, hormis le tout premier qui a pris le pouvoir trop vieux donc l'a
laissé très tôt192. Ces successeurs l'ont acquis
très jeune d'où la longévité du
second193 soit 42 ans et la possibilité de voir une imitation
de celui qui est à la magistrature suprême en ce
moment194. Le problème avec la longévité du
pouvoir en Afrique est l'aspect pervers de l'abus de ce pouvoir par ceux qui en
ont la charge. Tant que le Président au pouvoir sert de bouclier pour
certain homme politique ils ne seront jamais inquiétés. Les
exemples commencent à être légion en la pratique au Gabon.
Pour nous, au fin de ne point voir l'impunité « des Barons »
aux pouvoirs depuis 2009 coupable de la gestion calamiteuse
188 F. DESPORTES et L. LAZERGES « Traité de
procédure pénale », Economica, 2009, p.1.
189 Art 4 du code de procédure pénal du 25 novembre
2010.
190 Article 9 de la Constitution de
1991(L.13/2003 du 19 Août 2003) : « Le
Président de la République est élu pour sept (7) ans, au
suffrage universel direct. Il est rééligible
».
191 Allocution du Président Ali BONGO le 7 septembre
2017 lors de la session du Conseil Supérieur de la Magistrature qu'il
préside.
192 Léon MBA premier président de la
République gabonaise de 1960-1967.
193 Omar BONGO ONDIMBA président de la République
gabonaise de 1960-2009.
194 Ali BONGO ONDIMBA président de la République
gabonaise depuis 2009.
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du Gabon actuel, qui n'ont pas encore fait l'objet
d'instruction ou poursuite pour détournement de deniers publics. Pendant
que les fortunes de ces derniers ne cessent de rivaliser avec le Milliards. Ils
peuvent s'en sortir grâce à la prescription du crime de
détournement de deniers publics qui s'achèvera au
crépuscule de 2029 si le crime a été commis en 2009 sans
qu'il est connu une instruction . L'une des solutions idoines seraient
de fixer la prescription du détournement de deniers publics
à 30 ans au moins. En effet, les données
démocratiques en Afrique et au Gabon en particulier connaissent depuis
quelques années un vent de changement, il serait peu évident de
voir un Président resté au pouvoir plus de 30 ans.
C'est-à-dire pendant plus de quatre législatures de quatre fois
sept ans dans le cas du Gabon. A l'état actuel du statut
réservé au magistrat, il serait mieux de contourner son manque
d'indépendance actuel par un prolongement de la prescription en la
matière. Ceci ne serait utile que si des mécanismes fort et
accrus étaient utilisés pour obliger la répression du
détournement de deniers publics dans un pays comme le Gabon ou
malheureusement les accointances politiques font encore la loi. D'autre part,
le détournement de deniers publics doit être perçu comme un
véritable crime contre le développement et
l'épanouissement de l'homme dans la société. Il ne serait
pas redondant de rappeler que les dispositions constitutionnelles
protègent l'accès pour la population à un emploi,
l'instruction aux soins de santé. Comment assurer tout cela à sa
population quand on croupit sous le poids de la dette à cause des
multiples détournements de deniers publics décrier ci et
là. Plus grave ces milliards détournés feront le bonheur
du patrimoine de ces hommes vicieux qu'hériteront leur
progéniture pendant que la grande majorité du peuple et leurs
enfants à venir souffriront des frasques de la crise économique.
Si la justice ne s'éveil pas c'est toute la société qui
sombrera dans les querelles ethniques et politiques à un moment ou
à un autre. Ce sera les riches contre ceux qui revendiqueront une
justice sociale car comme on le dit en Afrique « ventre affamé n'a
point d'oreille ». Chaque jour un peu plus la crise économique
depuis 2009 ne cesse de s'accroitre. Les victimes de cette dernière
demeure les plus pauvres pendant que pour d'autres ne cessent de s'enrichir. Il
est tant pour la justice d'embrasser le problème à bras le corps
aux fins de rétablir la prestance et la confiance du peuple en la
justice. Le contexte économique actuel et le développement de la
pensée pénale pose la réflexion de la
prééminence du remboursement des deniers publics
incriminés. Ceci permettra d'éviter un sureffectif
carcéral inutile pour cause d'emprisonnement aux bénéfices
des générations avenirs comme autre voie de solution.
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