Paragraphe II : La dépendance organisationnelle du
pouvoir judiciaire
A la suite de ce qui a été dit plus haut, la
dépendance au niveau organisationnel du pouvoir judiciaire rend la
répression du détournement de deniers publics difficile à
mettre en oeuvre sur le plan pratique. Afin d'en découvrir les tenants,
cette partie mettra en lumière les conséquences du rôle du
Président de la République en tant que chef de l'exécutif
du CSM (1) et pour finir celle de la garanti de l'indépendance du
pouvoir judicaire (2) qui lui est attribué par la Constitution.
1. Le Président de la République, chef de
l'exécutif du Conseil Supérieur de la Magistrature
L'organisation du pouvoir judiciaire trouve par le biais du
Conseil Supérieur de la Magistrature l'organe qui consacre son
organisation. Le CSM est régi par la loi organique n°2/93 du 14
avril 1993 modifié par la loi n°8/94 du 17 septembre 1994 fixant sa
composition, son organisation et son fonctionnement. Le 28 décembre 2010
il connut une modification dans sa composition. Le CSM est l'organe qui veille
à la bonne administration de la justice165. Le
problème que cette institution pose est le fait que cette
dernière est présidée par le Président de la
République. En effet, selon l'article 3 de la loi portant composition,
organisation et fonctionnement du CSM « Le Conseil Supérieur de la
Magistrature est présidé par le Président de la
République ». Ce dernier est assisté depuis la modification
de ladite loi en 2010 par le Ministre de la Justice en qualité de
Vice-président. A la lecture de cette loi on peut aisément
comprendre que l'administration de la justice est sous l'égide du
pouvoir Exécutif. Ce qui relègue les magistrats qui sont
censés être les premiers acteurs de la bonne administration de
leur fonction au rang de « sujet » des deux membres du pouvoir
Exécutif que sont le président de la République et le
Ministre de la Justice Garde des Sceaux166. En
165 Article 2 de la loi n°2/93 du 14 avril 1993 fixant la
composition, l'organisation et le fonctionnement de la CSM : « Le conseil
supérieur de la magistrature veille à la bonne administration de
la justice ».
Il statue de ce fait sur tes intégrations, les
nominations, les affectations, les avancements et la discipline des
magistrats.
166 Article 70 nouveau de la loi n°1/2018 du 10 janvier 2018
portant révision de la Constitution : « Le Conseil Supérieur
de la Magistrature est présidé par le Président de la
République.
Présenté et soutenu par Mr. ONDO NDOUTOUMOU Junior
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LA REPRESSION DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS AU GABON
d'autres termes, l'organisation de la justice dépend de
la politique qui sied à sa hiérarchie. Le fait qui vient
d'être exposé plus haut, est l'une des raisons de la
stérilité jurisprudentielle en matière de
détournement de deniers publics. En effet, les plus concernés aux
regards des récentes informations et parodies d'exercice de
l'activité judiciaire aux fins de faire justice à la
société, sont des anciens ministres, directeurs
généraux, etc... proches hier des arcanes du pouvoir qui sont
mise en cause. Ayant constitué le sciage politique du pouvoir en place,
ces anciennes hautes personnalités de l'Etat peine à faire
l'objet de condamnation définitive depuis plusieurs années. Cette
situation est la résultante du regard trop accru de l'Exécutif
dans le traitement des affaires de détournement de deniers publics. Cet
état des faits est troublant étant donné que l'armature
juridique en la matière est assez bien fournie. A ce sujet, il nous ait
choix de noter que l'article 67 de la constitution que vient corroborer
l'article 2 de la loi sur la CSM tant, au travers du regard trop accru de
l'Exécutif être l'expression une violation du principe de
séparation des pouvoirs. Ceci ne peut donc permettre de rendre justice
au peuple gabonais. La séparation des pouvoirs au dessein de Montesquieu
promeut une séparation entre les trois pouvoirs qui constituent le point
central de l'organisation de l'Etat. Bien qu'il soit reconnu une certaine
collaboration entre les différents pouvoirs, néanmoins il est
risqué de voir l'organisation d'un organe aussi important que le CSM
être présidé par le PR. Ceci est une concentration de
pouvoir qui nuit au développement de la justice comme c'est le cas
aujourd'hui. Hors, il est admis que « L'indépendance des
magistrats, conséquence nécessaire de la séparation des
pouvoirs, suppose, d'une part que les décisions des juridictions ne
puissent être revues que par les magistrats bénéficiant de
la même indépendance, d'une part, que la carrière
des juges et les sanctions qu'ils encourent le cas échéant soient
protégés de choix arbitraires émanant du pouvoir
exécutif, d'autre part »167. A la lecture de ce
qui précède il est n'est pas de bonne augure d'entrevoir
l'organisation du pouvoir judiciaire sous l'influence d'un autre pouvoir. Au
Gabon, on ne l'entend pas de cette oreille étant donné que la
Constitution elle-même consacre cette immixtion du Président de la
République dans l'organisation du pouvoir judiciaire. Au lieu de
préserver l'indépendance des différents pouvoirs d'une
influence que pourrait avoir l'un sur l'autre, elle donne corps à un
rassemblement de pouvoirs autour du Président de la République.
L'intérêt guidant l'agissement humain en général, il
n'est donc pas étonnant de
La première Vice-présidence du Conseil
Supérieur de la Magistrature est assurée par le Ministre de la
Justice, Garde des Sceaux.
La deuxième Vice-présidence est assurée
de façon rotative par les présidents de la Cour de Cassation, du
Conseil d'Etat et de la Cours des Comptes ».
167 Sous la direction d'Alain RENAUT, « Institutions »,
Hermann, Tome II, Paris, 2008, p.89.
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constater que les arrestations observées jusque
-là semble téléguidé par l'exécutif que par
un devoir de justice envers le peuple dont doit s'atteler le pouvoir
judiciaire. Une institution ne peut se consacrer correctement à la
réussite de sa mission s'il est sous influence d'une autre institution.
Ceci est un des prémices de la démocratie tel que conçu
par les fondateurs de cette gestion politique de la société. Sans
nul doute, la mauvaise idée d'un PR à la tête du Conseil
Supérieur de la Magistrature est à évincer de la norme
suprême gabonaise en prenant pour exemple la modification
constitutionnelle en France de 2008 en la même matière. Etant
donné que nous comprenons toujours très tard ce que les autres
ont compris très tôt, faute à un ?amour viscéral ?
et démesuré du pouvoir. Même son de cloche en ce qui
concerne de la garanti de l'indépendance du pouvoir judiciaire.
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