L'effectivité de la répression du détournement de deniers publics au Gabon.par Junior Arnaud Landry ONDO NDOUTOUMOU Université de Yaoundé II/Soa - Master professionnel en Droit Contentieux Fiscaux, financiers et des Comptes Publics 2015 |
2. L'assujettissement du pouvoir judiciaireL'idée de la liberté de la justice est l'impératif d'une société qui aspire à la manifestation de la vérité dans le rendu de la décision du juge à la suite d'un litige. Dans le cas du Gabon, en matière de détournement de deniers publics l'impératif de célérité semble reléguer en arrière-plan, oubliant que « le temps qui passe, c'est la vérité qui s'enfuit »160. En effet, selon un adage élogieux sur la célérité du procès pénale « la justice tardive équivaut à une injustice »161 car plusieurs éléments peuvent s'évaporer suite à l'écoulement du temps. C'est le cas de la précision des informations que peuvent apporter un témoin dans une affaire. La précision des évènements dont il a souvenance peuvent être édulcoré par le temps et adjoindre ou exempté un élément important qui pourrait soit concourir à la liberté du prévenu 159 G. CORNU, Vocabulaire juridique, op.cit., p.638 : « ordre donné par un magistrat au chef d'un établissement pénitentiaire de recevoir et de détenir une personne qui est déjà entre les mains de la justice ». 160 S. YAWAGA, Avancées et reculades dans la répression des infractions de détournement de deniers publics au Cameroun : regard critique sur la loi n°2011/028 du 11 décembre 2011 portant création d'un Tribunal Criminel Spécial, Juridis Périodique, n°90 161 J. PRADEL, Procédure Pénale, 15 éd., n°377. Présenté et soutenu par Mr. ONDO NDOUTOUMOU Junior Arnaud Landry Page 57 LA REPRESSION DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS AU GABON ou sa condamnation injuste. En ce qui concerne le Gabon, la lenteur ou parfois même le silence observé dans le rendu des décisions judiciaire est souvent due à l'implication anticonstitutionnelle de l'Exécutif sur le judicaire. Nous en avons pour preuve la sonnette d'alarme tirée par les acteurs de la justice gabonaise. En effet, « les magistrats gabonais ont longtemps dénoncé une situation s'apparentant presque à de l'assujettissement. Le constat est pertinent et mérite d'être relevé dans la mesure où la relation entre le Parquet et le Ministère de la Justice n'est que rarement à la limite de la subordination du premier par le dernier. Une situation inconcevable qui ne manque pas d'entacher le traitement objectif des dossiers impliquant des personnalités politiques proches du pouvoir »162. Ce qui jette un voile sur l'indépendance des juridictions répressives dans leur capacité à dire droit aux fins de résolution d'un litige. L'influence de l'Exécutif est encore plus visible dans le monde judiciaire au travers de la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature. En effet, le CSM est présidé par le Président de la République, assisté par le Ministre de la justice, Garde des Sceaux comme vice-président. Les présidents des Cours assurent la deuxième vice-présidence. Le parlement est représenté par trois députés et deux sénateurs. Le Ministre du Budget dont la participation et les voix ne sont que consultatives163. Ce qui précède est l'expression de la pression qu'exerce le pouvoir exécutif sur l'organisation même de la justice gabonaise. Le fait que le Chef de l'exécutif soit à la tête de cet organe qui est censé assuré l'indépendance du magistrat est la preuve d'un regard malsain entériné par la constitution du pouvoir exécutif dans l'accomplissement de l'exercice de la fonction du juge. De ce fait, le magistrat devient le « sujet 164» au regard de la hiérarchie au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature qui est l'organe exécutif qui organise non pas l'exercice d'une fonction de l'Exécutif mais celle du Judiciaire. Comment alors évité que le Magistrat dans le rendu de certaines décisions qui touche aux proches du pouvoir ne prenne pas le pou de l'Exécutif aux fins de dire pas le droit édicté, mais celui qui convient au pouvoir. Il n'est donc pas étonnant que depuis l'accession à la magistrature suprême à nos jours la justice gabonaise aux travers des juridictions compétentes en matière de détournement de deniers publics demeure « stérile » en matière jurisprudentielle. Les éclats médiatiques de l'opération mains-propres ressemblent à une machination dépourvue de toute logique juridique dans le traitement et la conduite des investigations des affaires opposant l'Etat Gabonais aux hauts fonctionnaires 162 Pôle Juridique du Collectif des Jeunes Démocrates, Mercredi 6 Août 2014, publié par Gabonlibre.com. 163 Cfr. Art. 3 de la loi organique n° 2/93 du 14 avril 1993 fixant la composition, l'organisation et le fonctionnement du conseil supérieur de la magistrature. 164 Le terme « sujet » a attrait à la dépendance à une autorité supérieure du magistrat au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature dans lequel ce dernier est sous l'autorité hiérarchique du Président de la République qui préside ledit Conseil. Présenté et soutenu par Mr. ONDO NDOUTOUMOU Junior Arnaud Landry Page 58 LA REPRESSION DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS AU GABON incriminés. Au vue ce constat regrettable de manque de rigueur du souffreteux système judiciaire on en vient à se demander comment sortir du gouffre. Une justice ne se construit pas avec des discours mais de décision rationnelle dans le but d'accorder la plénitude de l'indépendance aux Magistrats dans l'exercice de leur fonction. Quid de la dépendance organisationnelle du pouvoir judiciaire ? |
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