Section II : L'avilissement de la sanction par le
manque d'indépendance du juge
L'indépendance d'un organe aussi sensible que l'organe
judicaire est d'une extrême importance aux fins de consolidation de
l'Etat de droit. C'est à travers le juge répressif que la
sanction de la société à la suite d'une infraction d'un de
ses membres prend corps. Dans le cas du Gabon, on vient à regretter
l'avilissement de la sanction pénale en matière de
détournement de deniers publics, faute à une dépendance
fonctionnelle (paragraphe I) et organisationnelle du pouvoir judiciaire
(paragraphe II) vis-à-vis de l'exécutif.
Paragraphe I : La dépendance fonctionnelle du
pouvoir judiciaire
Le terme dépendance qui vient du verbe dépendre,
s'entend ici comme le lien entre une chose et ce qui la
régit153. Le travail qui sera le nôtre se fera un
devoir d'éclairage de cette analyse. La bonne administration de la
justice au Gabon est la prérogative du le Conseil Supérieur de la
Magistrature154 par l'entremise de son président. Cette
dernière veille à une bonne gestion du corps judiciaire en
l'organisant et en permettant un accès facile pour la population
à la justice. Malheureusement, la capacité pour les institutions
judiciaires d'assurer l'accessibilité à la justice pour la
population demeure problématique. Pour comprendre comment une telle
situation existence dans l'environnement de la justice gabonaise notre
151 Au sujet de la plainte déposé par le
mouvement ?Stop pillages ?, Marc ONA ESSANGUI et MOUKAGNI IWANGOU contre Marie-
Madeleine MBOURANTSUO. Le procureur général près de la
cour d'Appel au d'office procureur général près de la
Haute Cour de justice ayant le pouvoir de demander à l'autorité
compétente de convoquer les magistrats pour la comparution de
l'accusé, trouva plus aisé de dire que la HCJ n'est pas une
juridiction ayant un siège permanent et que sa mise en oeuvre ne
dépend pas de lui. Comment entrevoir une telle ironie étant
donné que le Ministère public dont il a autorité (Art.31
du Code de procédure pénal) peut se saisir d'office. Ceci est
encore plus évident étant donné que l'accusé a fait
l'objet d'une mise en examen par la justice française pour les
mêmes faits en avril 2017. Par cette démarche, le procureur
général près de la Cour d'appel pense-t-il que les charges
retenues contre l'accusé en France ne sont pas d'application suffisante
en droit gabonais pour demander la mise en place de la HCJ. Cet argumentaire
semblerait peu de valeur étant remarqué que le droit gabonais est
d'inspiration française et le détournement de deniers publics
pour ne citer que cette charge, est conçu entendu de la même
manière par le Code pénal gabonais et français.
152 152 J. OWONA, Droits Constitutionnels et institutions
politiques du monde contemporain, op. Cit., p.651.
153 Dictionnaire Larousse, Maxi poche 2010, p.386.
154 Art.2 Loi organique n° 2/93 du 14 avril 1993 fixant
la composition, l'organisation et le fonctionnement du conseil supérieur
de la magistrature, op.cit.
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LA REPRESSION DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS AU GABON
analyse nous permettra de voir de prime abord la gestion du
pouvoir de nomination des magistrats (1) in fine l'assujettissement du pouvoir
judiciaire (2).
1. La gestion du pouvoir de nomination des
magistrats
La Constitution gabonaise prévoit que la gestion de la
justice est fixée par une loi organique155. En effet,
l'article 2 de la loi organique fixant la composition, l'organisation et le
fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature citée plus
haut confie la gestion de la justice à cet organe décisionnel
précité. Dans le cadre de cette étude le terme gestion
peut - être considérer comme étant « l'action (...)
d'administrer 156». Ladite administration de la justice
consiste pour le Conseil de la Magistrature de statuer « sur tes
intégrations, les nominations, les affectations, les avancements et la
discipline des magistrats ». C'est dire que cette institution
détient la lourde charge d'assurer une organisation efficiente de la
justice au Gabon. En effet, la Constitution gabonaise permet d'assurer une
certaine autonomie de gestion de la justice par le Conseil. En pratique, cette
existence constitutionnelle de cette prérogative accordée au
Conseil dont le Président de la République en sa qualité
de président dudit Conseil semble desservir la justice et d'autre part,
rendre impossible l'accès de la population à la justice dans
certaine situation. En effet, tout d'abord, le rôle du pouvoir judiciaire
est de rendre justice à la société l'aisée par la
violation d'un individu de la loi en vigueur. Mais depuis la mise en place de
la première organisation de la justice au Gabon157 en
matière de détournement de deniers publics, il n'existe aucune
jurisprudence sur laquelle s'appuyer ou connue pour permettre de mieux
édifier le fonctionnaire ou tout citoyen sur la
sévérité de la loi pénale mise en pratique. Ceci
est incompréhensible dans la mesure où il existe un arsenal
juridique suffisant pour poursuivre et privé de liberté tout
contrevenant. Il existe un difficile « accès de la population
gabonaise aux décisions de justice et à l'information judiciaire
de manière générale 158». Comment donc
concevoir une justice qui ne produit de jurisprudence qui est censé
être « le témoignage juridique » de l'activité de
la justice dans une société. En sus, le bon usage du pouvoir de
nomination des magistrats dont bénéficie le pouvoir
exécutif (dès l'instant qu'il est détenu par le
Président de la République)
155 Art. 72 de la Constitution du 26 mars 1991 « La
composition, l'organisation et le fonctionnement du Conseil Supérieur de
la Magistrature sont fixés par une loi organique ».
156 Dictionnaire Larousse, Poche 2011, p.368.
157 Organisation qui date de 1970, bien que la loi
constitutionnelle n°68-60 du 14 décembre, affirme
déjà l'existence d'un pouvoir Judiciaire indépendant et
que le décret-loi n°001/PR du 13 décembre 1960 organisait
les juridictions de la république gabonaise. Fautes de cadres
judiciaires compétents, le jeune Etat n'a pas assumer à ce
moment-là pleinement sa souveraineté judiciaire (vis -à-
vis de l'ancienne métropole). V. A. NKOUROUNA, Organisation judiciaire
au Gabon, Op.cit., pp.3-4.
158 Rapport de la B.A.D, profil de Gouvernance (Bureau
régional de Libreville), Octobre 2005, pp.35-36.
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est un frein à une liberté de la justice. En
France, depuis la loi du constitutionnelle du 23 juillet 2008, il est mis fin
à la présidence du Conseil Supérieur de la Magistrature du
Président de la République pour le remettre à un
magistrat, en l'occurrence le premier président de la Cour de cassation.
Par ce fait, l'administration de la justice en France est remise aux mains des
acteurs du pouvoir judiciaire. Ceci permet donc à ceux qui sont les
premiers bénéficiaires d'une bonne gestion de la justice de
procéder à la réalisation de cette dernière. Hors,
dans le cas du Gabon, la répression du détournement de deniers
publics peine à être effective à cause de l'inaction de
celui qui détient le pouvoir de mettre en place la juridiction qui en a
compétence, en ce qui concerne les membres du Gouvernement, les hauts
fonctionnaires des institutions et le Président de la République
(en cas de haute trahison). Cet état des choses permet indirectement de
voir ces justiciables exemptés de possibilité de condamnation
définitive quel que soit la responsabilité dont ils sont sujet
dans une affaire de détournement de deniers publics. Dans un semblant de
réponse aux cris d'injustice du peuple aux fins de tentative de redorer
le blason d'une justice perçue comme partisane. Depuis, plusieurs mois,
des anciens membres du gouvernement et de hauts fonctionnaires
soupçonnés de détournement de deniers publics demeurent
sous mandat de dépôt159 . Bémol, ils demeurent
sans possibilité de voir leur culpabilité retenue ou levé
par la justice lors d'un procès équitable. C'est pour cela que
certaines des affaires pendant devant la justice reste au poids-mort à
cause de l'ombre de l'Exécutif qui plane aux fins d'assujettir la
justice à sa volonté.
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