L'effectivité de la répression du détournement de deniers publics au Gabon.par Junior Arnaud Landry ONDO NDOUTOUMOU Université de Yaoundé II/Soa - Master professionnel en Droit Contentieux Fiscaux, financiers et des Comptes Publics 2015 |
DEUXIEME PARTIE :INSUFFISANCE DE LA REPRESSION DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS AU GABONPrésenté et soutenu par Mr. ONDO NDOUTOUMOU Junior Arnaud Landry Page 45 Présenté et soutenu par Mr. ONDO NDOUTOUMOU Junior Arnaud Landry Page 46 LA REPRESSION DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS AU GABON Au regard de sa production juridique, il semble évident ou certain que le droit gabonais est armé pour combattre la délinquance financière sur toutes ses formes. La répression du détournement de deniers publics plus précisément est consacrée par le code pénal à travers l'article141 et par d'autres lois en vigueur. De plus des juridictions spécialisées ont été déclinées par la constitution du 26 mars 1991 dans le but de sévir avec la plus grande énergie cette irrégularité qui porte atteinte à la fortune publique. Malheureusement, étonnant est de constaté qu'en pratique, depuis bien des lustres aucun agent public n'a été jugé à titre définitif pour détournement de deniers publics. Ceux , malgré les soupçons et le train de vie insolent que mène certains agents publics une fois nommé à un poste de responsabilité qui donne accès à la gestion des deniers publics. Ce malaise devient chronique chaque jour un peu plus car la fonction publique au Gabon semble être érigé en mine d'or à l'écoute des sommes pharamineuses soustraites par des agents publics dans les caisses de l'Etat. Comment concevoir qu'une telle impunité puisse exister dans une société dans laquelle il existe des juridictions capable de mettre en oeuvre la responsabilité de ces délinquants en col blanc. De prendre des décisions de justice aux fins de condamnés ceux qui sacrifient l'essor de toute une population pour leur épanouissement personnel. Quelles peuvent bien être les raisons pour lesquelles il semble souffler un vent de connivence entre les autorités publiques et la justice dans la manifestation de la vérité en matière de détournement de deniers public ? Pour y répondre notre développement avenir aura pour sacerdoce de mettre à nu l'utopie de la sanction dans la répression du détournement de deniers publics (Chapitre I) avant de nous attelé à entrevoir les solutions allant dans le sens de la mise en oeuvre pratique de la répression du détournement de deniers publics au Gabon (Chapitre II). Présenté et soutenu par Mr. ONDO NDOUTOUMOU Junior Arnaud Landry Page 47 LA REPRESSION DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS AU GABON CHAPITRE I : L'UTOPIE DANS LA SANCTION DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICSL'efficacité d'une juridiction réside dans sa capacité à réprimer le tort causé par un justiciable à la société. En ce qui concerne la juridiction de l'ordre pénale, la vocation de la répression pénale est bien d'organiser la réaction pénale contre la criminalité131. C'est dans cette optique la peine privative de liberté prévue par le code pénal en son article 141 est l'une des réactions pénales prévues par la loi. Dans le cas de la pratique gabonaise, les textes qui justifient la répression semble être ignoré au regard de la liberté dont jouissent certains fonctionnaires ayant fait l'objet de mise en cause dans des affaires de détournement de deniers publics ou des arrestations sans suite dont d'autres font l'objet. Est-ce la justice qui se trompe sur la culpabilité des prévenus à chaque fois ? Ou sommes-nous simplement face à une connivence qui ne dit pas son nom, rendant ainsi la répression ineffective. Ainsi, afin de mieux cerner les raisons de l'utopie de la répression du détournement dans la pratique judiciaire gabonaise, cette partie sera axée sur le laxisme dans la sanction du délinquant en matière détournement de deniers publics (Section I) et sur l'avilissement de la sanction par le manque d'indépendance du juge (Section II). Section I : Le laxisme dans la sanction du délinquant en matière détournement de deniers publicsAu cours de ce développement, il sera pour nous l'occasion ici, de comprendre le phénomène qui conduit à l'ineffectivité de la répression de l'infraction de détournement de deniers publics dans le cas du Gabon. Pour ce faire, le substratum de ce travail à cette échelle aura pour point focaux le manque de volonté politique de répression du détournement de deniers publics (Paragraphe I) et pour finir le laxisme du juge dans la répression du détournement de deniers publics (Paragraphe II). 131S. ENGUÉLÉGUÉLÉ, Politiques publiques et criminalité quelques hypothèses pour l'analyse de la construction des politiques pénales, reprise d'une communication faite dans le cadre du Séminaire annuel de l'Institut d'Histoire du Temps Présent (IHTP) (Justice et politique) le 29 janvier 1996, p.229. Présenté et soutenu par Mr. ONDO NDOUTOUMOU Junior Arnaud Landry Page 48 LA REPRESSION DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS AU GABON Paragraphe I : Le manque de volonté politique de répression du détournement de deniers publicsL'Etat aux fins d'assurer la protection des deniers publics à mise en oeuvre plusieurs politiques de contrôle permettant à l'Administration de veiller la gestion efficiente de l'argent public. En effet, des mécanismes de contrôle de protection des finances publiques sont nécessaires depuis l'Administration en passant par l'action de contrôle du Parlement sur la gestion du gouvernement. De ce fait, cette étude nous emmènera à nous demander si ces mécanismes de contrôle mises en place portent les fruits escomptés. Pour en savoir d'avantage, nous allons donc nous appuyer sur l'absence de mesure de censure du gouvernement par le parlement (1) et sur le problème de l'efficacité de ces mécanismes de contrôles de protection des finances publics (2). 1. L'absence de mesure de censure du gouvernement par le parlementLa bonne gouvernance en matière des finances publiques consiste en la réalisation des services publics par « des dépenses publiques qui sont accessibles, transparentes et responsables et financent les priorités gouvernementales, sans gaspillage »132. En tant que représentant du peuple, le Parlement possède la prérogative de procéder au contrôle de la gestion par le gouvernement de l'argent public. « Le Gouvernement est responsable devant l'Assemblée Nationale »133 de la conduite de sa politique. Il doit s'assurer que « la gestion des affaires publiques se fait en toute transparence et dans le respect des lois et autres textes en vigueur »134. L'expérience montre que la gouvernance des finances publiques peut- être compromise par la faible indépendance du Parlement par rapport à l'exécutif135. En effet, dans le cas du Parlement gabonais, ce dernier est composé en grande majorité d'élus issu du parti au pouvoir. Cette majorité absolue semble rendre difficile l'indépendance du Parlement dans son rôle de contrôle de l'action gouvernementale en matière de gestion du budget assigné au Gouvernement. En pratique, le Parlement se doit de veiller à la bonne utilisation de l'argent public conformément aux lois de finances. Une gestion efficiente et transparente donne lieu à la validation de la gestion du Gouvernement. Dans le cas contraire, le Parlement par une « Motion de censure » se doit de rejeter la gestion du Gouvernement à la suite d'une gestion non conforme à l'objectif assigné lors du vote de la loi des finances de l'année concernée. On 132 M. MOINDZE, Le Parlement et le processus budgétaire dans les pays en développement, p.2, 2011. 133 B. CHANTEBOUT, Droit constitutionnel et Science politique, Armand COLIN, Paris, 11éd, 1994, p.570. 134En septembre 2005, les présidents de parlement de toutes les régions du monde présent au siège de l'ONU ont déclaré avec force que dans une démocratie, le Parlement « est l'institution essentielle par laquelle la volonté du peuple s'exprime et les lois sont votées. C'est aussi l'institution à qui le Gouvernement rend comptes ». 135 M. MOINDZE, Le Parlement et le processus budgétaire dans les pays en développement, op. Cit, p.2 Présenté et soutenu par Mr. ONDO NDOUTOUMOU Junior Arnaud Landry Page 49 LA REPRESSION DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS AU GABON entend par motion de censure la procédure par laquelle une assemblée parlementaire met en jeu la responsabilité politique du gouvernement par un blâme motivé à l'adresse de ce dernier136. La motion de censure est considérée comme « l'arme classique de l'assemblée à l'encontre du gouvernement dans les régimes parlementaires »137. La bonne utilisation des deniers publics mise à disposition du gouvernement peut être l'objet de la mise en cause de la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement138. Comment concevoir le silence du Parlement face à la gestion calamiteuse du Gouvernement à travers son manque de rigueur dans la protection des deniers publics, ceux depuis plusieurs années. En effet, au regard de l'actualité les nombres d'accusations ou de soupçons de détournements de deniers publics d'agent public ne cessent de s'agrandir. Rien qu'en 2017, trois anciens membres du gouvernement ont été mise en accusation pour détournement de deniers publics. Leurs actes en s'appropriant les fonds publics laisse inachevé des projets de politiques publiques et ceux depuis des années à la lecture de la période où se sont déroulés les faits reprochés aux présumés dans ces affaires. L'article 61 de la Constitution prévoit que : « les moyens de contrôle du législatif sur l'exécutif sont le suivants : les interpellations, les questions écrites et orales, les commissions d'enquêtes et de contrôle, la motion de censure exercé par l'assemblée Nationale ». Si les trois moyens de contrôle énumérés en premier sont exercés assez régulièrement, la motion de censure reste loin d'être une pratique usuelle du parlement gabonais. La lutte contre le détournement de deniers publics ne peut se faire sans rigueur dans le contrôle de la gestion du gouvernement par le représentant du peuple. Le manque d'action allant dans l'optique d'engager la responsabilité de ceux qui ont la charge de mener la politique financière de l'Etat, laisse entrevoir un laxisme de la part du Parlement affaibli sans doute par la majorité écrasante dont jouit le pouvoir en place, qui est à la tête de l'exécutif. Inaudible depuis sa création en 2003, la CNLCEI a publié un communiqué dans lequel elle reconnait l'existence de détournements massifs. Entre 2006 et 2011, plus de la moitié du budget a disparu dans la nature (lequel s'élevait en 2012 à environ 2760 milliards FCFA). Selon un audit de la Direction Générale du Budget et de Finances Publics (DGBFP), 600 milliards ont été frauduleusement payés aux fournisseurs par l'Etat. Ceci serait le fait de surfacturations et d'arrangement occultes139. Comment penser un Parlement au service du 136 Lexique des termes juridiques, op. Cit, p.110 137 P. PACTET, Institutions politiques Droit constitutionnel, Armand COLIN, Paris, 15 éd, 1990, p. 447. 138 Art. 64 al.3 de la Constitution : « l'Assemblée Nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d'une motion de censure. Une telle mesure n'est recevable que si elle est signée par au moins un quart des membres de l'Assemblée Nationale ». 139 M. MOUISSI, Gabon : plus de la moitié du budget de l'Etat détourné en 7ans selon la CNLEI article de presse, africapostnews.com, consulté le 25 mars 2017. Présenté et soutenu par Mr. ONDO NDOUTOUMOU Junior Arnaud Landry Page 50 LA REPRESSION DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS AU GABON peuple restant sous silence à la suite de telle révélation d'un organe dont on peut croire le sérieux (CNLEI). La protection des finances publiques devrait concerner toute les institutions qui ont un regard un rôle à jouer en matière afin de court-circuiter la commission du crime avant qu'il n'est lieu. Ceci passe par un contrôle accru de la gestion de l'argent public d'où la nécessité de l'efficacité des mécanismes de contrôle des finances de l'Etat. |
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