2. La Haute Cour de Justice : une juridiction sans
magistrats
La constitution gabonaise du 26 mars de 1991 érige HCJ
en juridiction pénale d'exception aux fins de ventiler l'activité
judiciaire. Malgré cela, cette activité semble comporter des
imperfections qui laissent la répression du détournement de
deniers publics stagné aux voeux textuels. « Si le droit se
réclame laïc, ce n'est pas seulement pour avouer ses imperfections
que la pratique judiciaire doit autant que faire se peut, tenter de
corriger125 ». En effet, la justice gabonaise est vouée
à plusieurs imperfections parmi lesquelles la crédibilité
ou la lenteur de la justice qui se doit d'être résorbée
pour une meilleure gestion de l'activité judiciaire. En parlant de la
crédibilité du pouvoir judiciaire, comment concevoir qu'une
juridiction inscrite dans l'environnement judiciaire depuis 1991 pour ne citer
que la constitution de 1991, soit encore en manque de magistrat. Etonnant !
C'est le moins qu'on puisse dire au vue de la réalité gabonaise.
La Haute Cour de Justice est juridiction intronisée par la Constitution
gabonaise du 26 mars 1991, vingt-six (26) ans plus tard aucun magistrat n'est
désigné par les autorités compétentes malgré
les actes de détournement de deniers publics enregistrés ci et
là. Selon l'article 81 de la constitution « Les règles de
fonctionnement de la Haute Cour de justice, la procédure applicable
devant elle et la définition des crimes reprochés au
Président de la République sont fixés par une loi
organique ». Cette loi organique est la loi n°49/2010 du 25 septembre
2011 qui détermine la composition et le fonctionnement de la Haute Cour
de Justice. Malgré l'existence de cette loi aucun magistrat n'est
nommé en son sein et cette dernière « n'offre aucune
disposition supplétive, permettant à titre transitoire, de
recourir à un juge d'appui pour connaitre du contentieux relevant des
missions de cette juridiction. Il s'en suit une impasse intolérable, qui
couvre du sceau de
124 Actuelle Présidente de la Cour constitutionnelle du
Gabon.
125 A. ONDO MVE, le code gabonais intégré des
procédures civiles et présentation générale de
l'acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de
recouvrement, Multipress, 2000, p.3.
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l'impunité, tous les membres du régime au
Pouvoir »126. La conséquence de ce « manque de
volonté » des autorités compétentes de mettre en
place cette juridiction qui permettra de punir les hauts fonctionnaires de
l'administration qui se feront coupable de détournement de deniers
publics et d'autres crimes contre le bien public est le sentiment
d'impunité dont parle le Monsieur MOUKAGNI plus haut.
En effet, depuis plusieurs années les crimes
financiers, parmi lesquels le détournement de deniers défrait la
chronique au Gabon. Des « arrestations et interpellations à
répétition suscitent la curiosité...on parle de 500
milliards pour le seul Magloire NGAMBIA 127». Malgré ces
interpellations aucune mise en cause de responsable devant ladite Cour car il
n'existe aucun magistrat pour procéder au jugement des personnes qui
incriminées. Des mises en examens à n'en point finir sont
observés c'est le cas avec Magloire NGAMBIA (ancien ministre de
l'Economie, du Commerce, de la Promotion de l'Investissement) le 10 janvier
2017. Celui de Désiré GUEDON 128 et Etienne
NGOUBOU129. A la suite de telles interpellations comment comprendre
le fait que cette Haute Cour de Justice censé juger les membres du
gouvernement qu'ils étaient au moment de commission des faits
reprochés, responsables du non-respect des règles de finances
publiques plus précisément de détournement de deniers
publics. Règles qui préconisent une gestion efficiente et
transparente des deniers publics. Les avoirs de l'Etat étant une
propriété de tous, il serait incongru que certains citoyens en
usent comme leur patrimoine personnel. De ce fait, il semble raisonnable que la
pensée populaire se résigne à croire à l'existence
d'une connivence entre la justice et les autorités publiques dans leurs
malversations financières quoiqu'elles portent atteinte à la
personne publique. Ce sentiment d'impunité semble être
relayé par le magistrat MOUKAGNI-IWANGOU quand il dit que « le fait
que cette juridiction ne soit pas effective
126J-D-D. MOUKAGNI-IWANGOU, Magistrat hors-
catégorie dans sa correspondance adressée à Son Excellence
Ali BONGO ONDIMBA, Président de la République, Président
du Conseil Supérieur de la Magistrature, ayant pour objet la nomination
des Magistrats devant siéger au sein de la Haute Cour de Justice, en
date du 20 juin 2016, publiée dans l'hebdomadaire l'aube.
127 R. BOUENGUIDI, in politique, 13 février 2017,
diffusé par Gabonreview.
128 Ancien ministre de l'énergie « Il avait la
lourde charge de faire construire des infrastructures hydroélectriques
dans de nombreuses localités du pays. Entre autres projets, la
construction à Ntoum d'usine de production d'eau potable pour la ville
de Libreville ; la construction d'une microcentrale hydroélectrique de
1,40 MW à Malinga ; la construction d'une microcentrale de 0,450 MW)
à Iboundji... en somme, près de six marchés pour un
montant global de 58.215.496.745 FCFA... preuve que le
financement de décaissé par l'Etat gabonais n'a jamais
été utilisé à ces fins. Le 22 mai 2014,
Désiré GUEDON, dans une correspondance adressée au
secrétariat d'Etat au Commerce du royaume d'Espagne, sollicite à
nouveau des financements pour les projets précités ». Les
Colonnes du journal L'Union et de la Loupe du 3 janvier 2017, relayé par
Gabon Média Time du 4 janvier 2017 à 0h29mn.
129 Ancien ministre de l'énergie écroué
au sujet du problème d'adduction d'eau pour ravitailler Libreville,
Ntoum et autres de plus de 110 milliards de francs ont
été décaissés du temps de GUEDON et Etienne
NGOUBOU. S'ils ont échoué, c'est à eux, ainsi que les
autres ministres financiers de l'époque de rendre comptes », LEMBET
(H), Gabon Média Time du 4 janvier 2017.
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est une impasse intolérable, qui couvre du sceau de
l'impunité, tous les membres du régime au Pouvoir, en
commençant par vous-mêmes, qui êtes les principaux
justiciables de cette juridiction »130. Ce serait d'une
utilité indéniable de tenir des discours ou de créer des
lois nouvelles dans l'optique de décourager tout citoyen de se rendre
coupable de détournement de deniers publics une fois « aux affaires
» si le respect de la loi n'est pas un sacerdoce venant des plus hauts
décideurs, qu'ils ventilent à la plus petite catégorie
d'agent de l'administration gabonaise. Ceci laisse entrevoir une certaine
fragilité dans l'échelle des valeurs sociales où certains
individus semblent en effet se situer au-dessus de l'Etat en s'appropriant
indûment la chose publique. Il devient donc impératif d'envisager
une justice qui se respecte, ?digne de foi ? pour les populations et capable de
faire respecter la loi face à tout citoyen. Si rien n'est fait dans ce
sens on risque de voir naitre ?des rancoeurs cancérogènes ?
néfaste pour la cohésion sociale. Pour ce faire, il serait
judicieux de mettre hors d'état de nuire l'ivresse du pouvoir et l'odeur
de connivence qui semble s'échappé des relations entre la justice
et les autorités publiques aux regards de l'impunité dans
laquelle beigne certains hauts fonctionnaires de l'Etat. Aux risques de voir le
peuple perdre confiance en la justice qui doit être le garant du respect
de la loi par tout assujetti au sein de la société. Cette
situation laissée en l'état peut laisser cours à
l'exercice de la justice populaire venant de ceux qui souffrent à
l'endroit de milliardaires spontanés après quelques mois
seulement passés à la tête ou à un poste influent au
sein de l'administration publique.
130 MOUKAGNI-IWANGOU Jean De Dieu, Ibid.
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CONCLUSION PARTIELLE
Le droit gabonais consacre la répression du
détournement de deniers publics à travers sa nomenclature
juridique. Cette nomenclature juridique constituée par les
recommandations internationales à part entière, permet la
répression de ce crime à la lecture de la loi pénale
corroboré par d'autres lois comme celles qui encadrent l'exercice de la
fonction publique. Au travers de ce qui a été dit dans le
développement de cette partie, la sévérité de la
loi pénale N°21/63 du 31 mai 1963 est témoin de la
répression sans faille au Gabon du détournement de deniers
publics. L'érection de juridiction spécialisée est un
autre exemple qui consacre l'effectivité de la répression de ce
crime sur le plan textuel. Au regard de tout ceci, nul doute que le droit
gabonais est bien armé sur le plan textuel pour combattre et
procéder à la répression de toute infraction
encadré par la loi en particulier du détournement de deniers
publics. Mais ceci semble peu suffisant pour caractériser
l'effectivité la répression d'un tel crime.
LA REPRESSION DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS AU GABON
![](L-effectivit-de-la-rpression-du-dtournement-de-deniers-publics-au-Gabon4.png)
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