2. La commission d'une infraction pénale
Dans l'édification de notre définition du
détournement de deniers publics, ce dernier a fait l'objet d'une
qualification dénommée infraction pénale. Une infraction
s'entend d'« un comportement actif ou passif (action ou omission)
prohibé par la loi et passible selon la gravité d'une peine
principale, soit criminelle, soit correctionnelle, soit de police,
éventuellement assortie de peines complémentaires ou accessoires
ou de mesure de sûreté »94. A l'expression du
droit gabonais, une infraction pénale ne peut être
dégagée que par une juridiction répressive. Plus
précisément, « la qualification de faits comme constitutifs
de détournement de deniers publics relève de la compétence
exclusive des organes juridictionnels, en particulier des juridictions
répressives »95 elle est l'exclusivité de la
juridiction répressive. Le caractère criminel de cette
irrégularité trouve racine dans les manoeuvres frauduleuses dont
s'est rendu coupable l'auteur du détournement de deniers publics afin de
réaliser son forfait contre la fortune publique. En détournant le
bien public censé suivre un chemin bien déterminé,
l'auteur de l'irrégularité s'approprie un bien qui ne lui est pas
dû. Il profite de sa fonction pour le détourner à son
profit. Par ce fait, il viole le caractère sacré96 de
la chose publique. La société se verra donc obligé de
mettre en oeuvre sa responsabilité pénale car « tout
fonctionnaire, en tant que citoyen, mais également par les dispositions
du Statut de la fonction publique, en sa qualité d'agent public est
pénalement responsable de ses actes, à partir du moment où
il ne peut se retrancher pour les justifier ». C'est dire qu'un comptable
public désigné comme coupable de détournement de
deniers
94 G. CORNU, Vocabulaire juridique (Association
Henri CAPITANT), PUF, 10 éd.2014.
95S. AKONO ONGBA, la distinction entre la faute de
gestion et le détournement de deniers publics en droit Camerounais,
op.cit., p.277.
96 Le Professeur Maurice KAMTO Souligne à
cet égard : « Il y a une sacralisation de la chose publique dans la
doctrine du droit public qui vient sans doute que cette chose publique est
conçue comme la chose de tous, donc du peuple tout entier et non plus
seulement celle du monarque et que toute atteinte à cette chose est
perçue par chacun, en l'occurrence chaque citoyen comme une spoliation
personnelle ». KAMTO (M), « la chose publique », RASJ, vol.2,
n°1, 2001, pp.1-18, Spéc., p.11.
Présenté et soutenu par Mr. ONDO NDOUTOUMOU Junior
Arnaud Landry Page 33
LA REPRESSION DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS AU GABON
publics peut décliner sa responsabilité du fait
reproché s'il fait la preuve que cette faute est indépendante de
sa volonté. C'est le cas par exemple, d'un ordre manifestement
illégal reçu de sa hiérarchie dont il était tenu ou
de son obéissance à une sortie de fonds exigée par
l'autorité hiérarchique attestée par un document. Le juge
pénal qui est le juge par excellence en la matière, en
connaissance d'une affaire de cet acabit va procéder tout d'abord
à l'analyse de l'affaire par rapport aux dispositions de la loi en
vigueur aux fins de donner à l'affaire la qualification qui sied.
Ensuite, il va procéder aux poursuites du présumé avant de
pouvoir établir sa responsabilité conformément à la
loi lors d'un procès car « les juges ne sont soumis, dans
l'exercice de leurs fonction, qu'à l'autorité de la loi ».
La connaissance par le juge judiciaire du détournement de deniers
publics trouve son fondement dans le fait selon lequel « la Constitution
est le texte majeur qui érige l'autorité judiciaire en gardienne
de la liberté individuelle ». Nous pouvons le vérifier aux
termes de l'article 1er §23 in fine de la Constitution
gabonaise qui dispose que « le pouvoir judiciaire, gardien de la
liberté individuelle, assure le respect...» des principes
fondamentaux « ... dans les délais fixés par la loi ».
L'autorité judiciaire est donc le garant des libertés
fondamentales, qu'il s'agisse des libertés des citoyens que ceux de la
personne publique. En droit gabonais, le juge judiciaire est issu de l'ordre
judiciaire qui est reparti en juridictions de trois degrés comportant
plusieurs formations. Les arrêts qui sortiront des juridictions
citées plus haut « sont revêtus de l'autorité de la
chose jugée ». C'est pourquoi, le détournement de deniers
publics à travers son caractère infractionnel est du ressort du
juge pénal. Par ailleurs, il est a précisé qu'en droit
gabonais, il est prévu par le nouveau code de procédure
pénal que « tout agent public ayant commis des détournements
ou des soustractions au sens de l'article 141 du code pénal,
supérieur à en valeur à 250.000 francs est traduit devant
la Cour criminelle spéciale97». Cette dernière
est une juridiction pénale d'exception dont nous ferons l'étalage
des compétences dans les lignes avenirs. Pour l'heure, place au
rôle de protection des intérêts publics par le juge.
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