Section II : Le trait spécifique de la loi
pénale en matière de détournement de deniers publics
A l'instar de toute norme, la loi pénale possède
une identité particulière qui tend à la
différencié des autres normes existant au sein de la
société dans laquelle elle a été
édictée. Il va donc s'agir pour nous de mettre en lumière
le particularisme de la loi pénale gabonaise en matière de
détournement de deniers publics. Pour se faire, nous prendrons appui sur
la sévérité de la loi pénale en matière de
détournement de deniers publics (Paragraphe I) et sur la mise en oeuvre
de la responsabilité de l'auteur (Paragraphe II).
Paragraphe I : Une loi sévère en
matière de répression du détournement de deniers
publics
Une loi sévère est considérée
comme une règle rigoureuse suite à la commission d'un acte
qu'elle réprime. La sévérité de la loi
pénale gabonaise repose sur la dureté de la loi pénale
applicable en matière de détournement de deniers publics (1) et
sur la déchéance dont fera l'objet l'auteur du
détournement de deniers publics (2).
Présenté et soutenu par Mr. ONDO NDOUTOUMOU Junior
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LA REPRESSION DU DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS AU GABON
1. La sévérité de la loi
pénale applicable en matière de détournement de deniers
publics
Le détournement de deniers publics au Gabon est
incriminé par le Code pénal en son article 141. L'alinéa
173 dispose que : « Tout fonctionnaire ou agent de l'Etat ou
des collectivités publiques qui aura détourné ou soustrait
des deniers publics ou privés, ou effets actifs en tenant lieu, ou des
espèces, titres, effets ou objets mobiliers dont il était
dépositaire à l'occasion de ses fonctions, sera puni de la
réclusion criminelle à perpétuité si les choses
détournées ou soustraites sont d'une valeur supérieure
à 250.000 francs ». A la lecture de cet article qui montre le
caractère sévère de cette loi pénale provient de
prime abord de la peine qui découle du détournement de deniers
publics.
En effet, l'article 141 prévoit à l'endroit de
l'auteur : « la réclusion criminelle à
perpétuité ». La réclusion criminelle est
une peine criminelle de droit commun, perpétuelle ou temporaire de
trente, vingt, quinze ans au plus, dont l'objet est la privatisation de
liberté du condamné74. C'est donc une peine privative
de liberté de trente ans au plus. Le terme «
perpétuité » quant à lui s'entend de ce qui a une
durée infinie ou sans limite. En nous appuyant sur les
définitions déclinées précédemment nous
pouvons considérer la réclusion criminelle à
perpétuité comme étant une peine privative de
liberté pour une durée sans limite. C'est la peine que
retient la loi pénale à l'encontre de l'auteur de
détournement de deniers publics. Il nous semble clair que le crime dont
il est fait allusion est une violation grave au travers de laquelle peut
découler la déstabilisation d'une société tout
entière. Une somme d'argent amputée dans le budget d'un
hôpital public censé couvrir les besoins de matériaux de
pointes de ce dernier peut générer une incapacité pour le
personnel soignant de sauver la vie de plusieurs citoyens. Le contrevenant se
verra donc punir sévèrement au travers de la disposition
susmentionnée. Dans le cas français, le Code pénal
français en la même matière puni le délinquant
à dix ans de prison et 150.000 euros d'amende75.
Comparativement à celle du Gabon cette loi semble moins
sévère. La loi pénale gabonaise est d'une
sévérité qui semble suivre la pensée d'Albert CAMUS
en parlant de l'attitude de la société au 20ème
siècle au travers de sa justice au sujet de la peine de mort, «
...Elle brandit la tête pour que les candidats au meurtre y lisent leur
avenir et reculent »76 . Cette pensée est l'expression
du rôle de la loi pénale qui est d'abord
dissuasive. C'est-à-dire au travers de sa
sévérité elle diminue
73 Art 141 du C.P al.1 (modifié par les
lois n° 16/70 du 17 décembre 1970, 42/87 du 31 décembre
1987, et 19/93 du 27 août 1993).
74 Lexiques des termes juridiques, op. Cit, P.598.
75 Art.432-15 du Code pénal français.
76 A. CAMUS, Réflexions sur la peine capitale
(Arthur KOESTHER), Pluriel, 1979.
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les candidats à sa désobéissance à
cause de la peine à encourir. En sus, la loi pénale en cas de
violation de sa disposition procède à la
répression afin de réparer le préjudice
causé à la société. A la suite de ceci, nous notons
la sévérité de l'article 141 du Code pénal au
regard de la « somme incriminée ». Ainsi,
tout fonctionnaire qui se serait rendu coupable de détournement ou de
soustraction de deniers publics « sera puni de la réclusion
criminelle à perpétuité si les choses
détournées ou soustraites sont d'une valeur
supérieure à 250.000 francs ». Pour un
détournement de biens ou valeurs d'une personne publique
supérieure à 250.000 francs, il est retenu une réclusion
criminelle à perpétuité. Par cette disposition le code
pénal gabonais est le « porte-étendard » d'une
sévérité sans faille dans la répression de cette
irrégularité néfaste pour le développement d'une
nation.
Au regard de cette disposition, nul doute, à travers le
Code pénal gabonais, la répression du détournement de
deniers publics est effective sur le plan textuel. De ce fait, la
société va donc engager la responsabilité du fonctionnaire
fautif aux fins de protéger et de faire justice à la personne
publique victime de l'irrégularité commise. Il est pensé
que « la responsabilité est l'essence même de l'homme libre
qui doit assumer les conséquences de ses faits »77. Ne
pas punir cette injustice dont la personne publique est la victime à
travers son patrimoine spolié serait faire entorse à l'Etat de
droit basé sur l'obligation de respect par tous des lois de la
cité. Quid de la déchéance qui découle de la
désobéissance de l'auteur du détournement de deniers
public ?
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