L'exercice de la contrainte par l'union africaine sur ses états membres.par Aubain Wilfried NGOULOUGOU Université de Douala (Cameroun) - Master 2 recherche en droit public international 2020 |
B. LES ÉCUEILS DES FACTEURS EXOGÈNES À L'UNION AFRICAINEL'implication des intervenants extra-UA est prévisible lorsqu'il s'agit pour l'Union de résoudre certaines difficultés dont elle ne possède pas les solutions.À cause de ce fait, certains de ces intervenants exercent leur influence à partir de leur légitimité établie. Ce qui n'empêche quand même pas la contribution des autres. Il sera ainsi analysé, l'influence de l'ONU (1) et la contribution d'autres organismes (2). 1- L'INFLUENCE DE L'ONU L'ONU possède une légitimité universelle originelle334(*) en vertu de laquelle ses organesagissent immuablement à l'exemple de son CS qui a des pouvoirs exorbitants en matière de maintien de la paix. D'ailleurs, le CS est responsable, à titre principal, du maintien de la paix et de la sécurité internationales. En effet, il détient le monopole du droit de recourir à la force335(*). D'après Jean CHARPENTIER, « l'ONU est ouverte à tous les États remplissant les conditions d'admission »336(*). À partir de cette affirmation, il faut comprendre que les États membres des organismes régionaux sont à la fois membres de l'ONU337(*). Par conséquent, en vue d'atteindre ses objectifs visés par l'article 1er de sa Charte, l'ONU garde la primauté sur tous les autres organismes de plus petit ordre. En revanche, l'ONU s'implique dans la gestion de ces derniers toutefois que cela lui semble nécessaire, lorsqu'il s'agit des questions sécuritaires. Dès lors, l'ONUmaîtrise non seulement l'élaboration du schéma opérationnel mais également la mise en oeuvre de la force à travers son CS. Ainsi, pour Laurence BOISSON DE CHAZOURNES,le CSpeut décider de « l'utilisation de la force et [ou de]délégue[r] le pouvoir d'exécution à un Organisme régional ». Au final, il va de soi que les relations entre l'ONU et les organisations régionales sont en général aménagées de telle enseigne que la première conserve une main mise sur les secondes. Mais en parlant spécifiquement à l'ordre africain, l'implication de l'ONU sur son territoire participe de l'effritement de l'efficacité de ses mécanismes. De surcroît, l'ONU n'est pas la seule organisation à jouer une partition contributive dans la sphère régionale africaine. 2- LA CONTRIBUTION D'AUTRES ORGANISMES La contribution d'autres organismes dans l'espace UA, il faut le reconnaître, est d'une importance capitale eu égard aux difficultés qu'a l'UA à faire plier ses membres, qui de plus, sont davantage soumis à d'autres protagonistes qu'à l'UA elle-même. Unedistinction entre ces acteurs sera faite selon que certains sont extra-africains et d'autres intra-africains. La première catégorieprovient principalement des partenariats. De manière plus générale, l'UE etl'UA entretiennent de vieilles338(*) relations reposant sur des liens économiques, commerciaux, historiques, politiques et sécuritaires.LaStratégie commune « EU-UA »339(*) et les Sommets UE-UA consolident ces relations.Le Sommet de 2017 par exemple,a été un grand moyen de consolidation des liens entre les deux continents. Les priorités y présentées par les représentants des deux groupes sont « l'avenir des relations entre l'UE et l'Afrique, et l'investissement dans la jeunesse ». Ce sont parmi tant d'autres, des priorités pour le continent africain, dont 60 % de la population ont moins de 25 ans340(*).D'autres priorités ont été examinées au cours de ce sommet, en occurrence :la paix et la sécurité, notamment face aux menaces terroristes qu'affronte le G5 Sahel, la Force multinationalemixte341(*) et face à la crise migratoire en Europe. Y a été examinée la gouvernance, notamment la démocratie, les droits de l'Homme, les migrations et la mobilité. Y ont encore été étudiés les investissements et le commerce (un certain nombre d'Accords commerciaux sont déjà en place dans le cadre du partenariat Afrique Caraïbe Pacifique (ACP)-UE à l'issue de l'Accord de Cotonou). L'Accord de Cotonou de 2000 qui fut « conclupour une période de vingt ans à compter du 1er mars 2000 »342(*) est plus restreint. Alors qu'il s'agit plus précisément d'un Accord de partenariat entre les membres du groupe des États ACP343(*) et, la Communauté européenne et ses États membres, il comporte plutôt une contrainte intransgressible pour les États ACP. Néanmoins, il y en est en dehors de l'UA, qui puisse faire plier les États africains en dépit de leur souveraineté. La seconde catégorie quant à elle se rapporte aux Communautés économiques régionales (CER), et aux nouveaux acteursafricains.Les CER sont des regroupementsrégionaux d'États africains et des piliers de l'UA en ce sens qu'elles ont toutes été constituées avant l'UA puis, se sont développées individuellement344(*). Elles ont donc des rôles et structures différents. Les CER sont des pièces de base pour l'UA au regard de leur capacité à contraindre leurs membres respectifs. Ils ontà cet égard,pour but de faciliter l'intégration économique régionale entre les membres de chacune des régions et au sein de la grande Communauté économique africaine (CEA). Par ailleurs, les CER ont le souci de préserver la paix en Afrique. Elles ont à cet effet, passé un Accord entre l'UA et les mécanismes de coordination des brigades régionales en attente de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique du Nord dont le Protocole a été adopté et est entré en vigueur en 2008. Le G5S345(*) est un cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération régionaleen matière de géopolitique, de développement et de sécurité346(*). Il s'inscrit dans une forte tradition d'intégration régionale en matière de développement économique et de lutte contre le terrorisme. Son objectif principal est la lutte contre les groupes djihadistes, mais il s'est également chargé d'intervenir contre le trafic de drogue, d'armes et de migrants. Malheureusement, leG5S ne possède pas une autonomie suffisante pour mener à bien ses actions347(*). Même sa force conjointe (FCG5S)348(*)manque de financement et de soutien. Par contre,son consciencisme et ses objectifs font le voir comme un organisme prometteur en Afrique. Au demeurant, la dialectique de l'efficacité des mécanismes d'exercice de la contrainte par l'UA sur ses États membres entrave la réalisation des objectifs. Pour atteindre ces objectifs en toute sureté, l'on proposera une élaboration des mécanismes de contrainte qui auraient une efficacité absolue. * 334 Depuis le moment de sa création, les 51 États (membres originaires ayant participé à la Conférence de San Francisco en vertu de l'article 3 de la Charte) lui ont assigné une compétence universelle. * 335 Le monopole du recours à la force reconnu au CS est limité pas la légitime défense consacrée par l'article 51 de la Charte de l'ONU. * 336 Voir Jean CHARPENTIER, Institutions internationales, 14e édition, Paris, DALLOZ, 1999, pp. 142, spéc. p.54. * 337 Il faut néanmoins noter que les pays du monde ne sont pas tous membres de l'ONU. Car ce dernier compte à nos jours 193 membres contre 197 pays dans le monde entier. * 338 Les premières relations entre l'Union africaine et l'Union européenne remontent à l'OUA, qui a précédé. En effet, celle-ci a entamé des négociations avec la Communauté économique européenne au nom des États Afrique-Caraïbes-Pacifique. Ces négociations ont conduit à l'adoption de la première convention de Lomé en 1975. La mission permanente de l'OUA, aujourd'hui UA, à Bruxelles, a été établie en 1979. * 339Voir SEBASTIEN BERGEON, «Le Partenariat Stratégique «UE-Afrique » face aux « situations de fragilité » », Juin 2009. * 340 Voir « 5e sommet Union africaine-UE, 29-30 novembre 2017 », Secrétariat général du Conseil européen. Voir aussi Jean-Claude Juncker (Président de la Commission européenne) et Moussa FAKI (Président de la Commission de l'Union africaine), « L'UE et l'Afrique disposent d'une occasion unique de commencer à façonner un avenir commun », Le Monde. * 341 « Force multinationale mixte (FMM) de lutte contre Boko Haram », africa-eu-partnership.org (consulté le 16 décembre 2019). * 342 Voir l'article 95 (1) commun, à l'Accord de Cotonou de 2000, à sa première révision du Luxembourg du 25 juin 2005 et à sa deuxième révision d'Ouagadougou du 22 juin 2010. * 343 Il ne s'agit pas pour autant des acteurs exclusifs du côté africains. Car, l'article 6 dispose que : 1. Les acteurs de la coopération comprennent: a) les autorités publiques (locales, régionales et nationales), y compris les parlements des États ACP; b) les organisations régionales ACP et l'Union africaine; dans le contexte du présent accord, la notion d'organisation régionale ou de niveau régional inclut les Organisations sous régionales ou le niveau sous régional; c) les acteurs non étatiques: -- le secteur privé, -- les partenaires économiques et sociaux, y compris les organisations syndicales, -- la société civile sous toutes ses formes selon les caractéristiques nationales. * 344Bien que les CER soient antérieures à l'UA, celle-ci demeure le plus grand Ordre juridique africain. Il appartient par conséquent à l'UA le monopole de faire la reconnaissance des CER sur le territoire africain. Ainsi, elle y reconnaît huit (8) notamment : L'Union du Maghreb arabe (UMA) Marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA) Communauté des États Sahélo Sahariens (CEN-SAD) Communauté d'Afrique de l'Est (CAE) Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC) Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) Autorité Intergouvernementale sur le Développement (IGAD) Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC). * 345 Le G5S est créé lors d'un sommet du 15 au 17 février 2014 par cinq États du Sahel : Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad. Il s'est doté d'une Convention signée le 19 décembre 2014 et le siège de son Secrétariat permanent est en Mauritanie. * 346Par exemple, en décembre 2014, le G5S demande au Conseil de Sécurité de l'ONU la mise en place, en accord avec l'Union africaine, d'une force internationale en vue de « neutraliser les groupes armés, d'aider à la réconciliation nationale et mettre en place des Institutions démocratiques stables en Libye ». Voir «Le G5 Sahel demande une intervention de l'ONU en Libye, en accord avec l'Union africaine », sur Zone Militaire / Opex360 du 20 décembre 2014. * 347Le G5S n'a jamais pu « mener seul une opération militaire contre les forces djihadistes ». Pourtant, le refoulement des djihadistes est sa priorité. Par contre, « Le 1er novembre 2017, le G5 Sahel lance sa première opération militaire baptisée Hawbi plus de 350 soldats burkinabés, 200 maliens, 200 nigériens et 180 français effectuent une démonstration de force dans la région de N'Tillit. Elle s'achève le 11 novembre ; selon le général malien Didier DACKO : « Beaucoup de difficultés sont apparues, des difficultés de coordination, et des moyens de communication à parfaire encore, et des délais de mise en place à parfaire encore pour que les prochaines opérations soient mieux conduites » ». Source internet, https://fr.wikipedia.org /w/index.php?title=G5_Sahel&oldid=164319741, consulté le 16 décembre 2019. * 348 La Force conjointe du G5 Sahel (FCG5S) est une force militaire anti-terroriste conjointe entre les États du G5 Sahel. Elle, est née le 6 février 2017. |
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