L'exercice de la contrainte par l'union africaine sur ses états membres.par Aubain Wilfried NGOULOUGOU Université de Douala (Cameroun) - Master 2 recherche en droit public international 2020 |
PARAGRAPHE 2 : L'AFFIRMATION D'UNE EFFICACITÉ AMENUISÉE DES MÉCANISMES DE LA CONTRAINTEL'homologue UE de l'UArayonne par sa bonne organisation, son bon fonctionnement et son autonomie absolue, eu égard à ses mécanismes très efficaces. Il s'agit d'une réussite qui lui permet de servir d'organisation régionale et communautaire exemplaire à toutes les autres. L'UA par contre, présente encore des failles dans ses mécanismes (A) qui l'exposent à l'influence des facteurs externes (B). A. LES FAILLES DE L'EFFICACITÉ DES MÉCANISMES D'EXERCICE DELA CONTRAINTE LIÉES AUX FACTEURS ENDOGÈNESEn réalité, il y a deux atouts qui font défaut à l'UA : l'activation des juridictionset l'unanimité des États (lorsqu'il s'agit de prendre certaines décisions parfois cruciales). Ceci mènera àl'identificationdes failles telles que, l'incubation juridictionnelle (1) et les oppositions entre les membres (2). 1- L'INCUBATION JURIDICTIONNELLE DE L'UNION AFRICAINE Théodore POMTE-LE fait une bonne description de la « démarche prometteuse mais encore inachevée ou instable »327(*), quimet en évidence l'inexistence matérielle des juridictions en Afrique, hors mise la CrADHP. C'est ce que le Professeur Aaron LOGMO MBELEK a appelé « l'hibernation du pouvoir juridictionnel »328(*). Ceci constitue une grossière faille pour l'UA, eu égard au défaut de sanctions pénales. Serait-ce dû aux contrastes étatiques intra-africains ? 2- LES OPPOSITIONS INTRA-AFRICAINES : UNE ENTORSE AU PANAFRICANISME Le panafricanisme est un idéal que l'UA a hérité de l'OUA. Aussi, les désaccords entre les États africains ne datent pas de l'UA. Ils remontent à l'OUA, au moment de sa création, où s'affrontent la conception fédéraliste et la conception souverainiste329(*). L'on est même tenté de conclure queles désaccords au sein de l'UA sontune coutume africaine. Ces désaccords sont illustrés, d'abord à la lumière de laZone d'exclusion aérienne en Libye, qui reste incontestablement le plus grand symbole de l'ine?cacité des mécanismes de l'UA qui trop souvent désunie sur de nombreuses questions sensibles. En effet, alors que l'UA avait désapprouvé l'adoption par le CS, d'une Zone d'exclusion aérienne contre le régime du Président KADHAFI en 2011, plusieurs pays membres de l'UA (dont le Botswana, le Gabon et la Zambie) ont ouvertement exprimé leur soutien à la résolution onusienne. De plus, alors que le CPS avait opposé un véto à la reconnaissance du Conseil national de transition (CNT) comme autorité gouvernementale de la Lybie, plusieurs États membres de l'UA reconnurent plutôtce CNT au mépris de la décision du CPS330(*). Ensuite, ces désaccords seront étayés à la lumière des cas plus récents. Il s'agit notamment du cas de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) conduite par l'Afrique du Sud, qui avait bloqué les initiatives prometteuses de Paul KAGAME. En occurrence, la taxe à 0,2 % sur les importations, ainsi que la possibilité pour l'UA de parlerd'une seule voix dans le cadre des négociations internationales331(*).Il y a par ailleurs le refus du Nigéria332(*) de signer l'Accord sur la ZLECAf. Un tel refus n'avait pas été sans conséquence : le ralentissement de l'entrée en vigueur pour 2019333(*). Ce contraste consensuel entre les États ou pire, cette incapacité de l'UA à se prononcer d'une seule voix au sujetde la gestion des crises qui surviennent sur le continent,fragilisesérieusement l'idéal panafricain. Cet état des choses a généralement pour conséquence, la supplantation d'autres organisations ou coalitions d'États sur le territoire africain. * 327 « Restée longtemps sans organe juridictionnel, l'UA optera pour la juridictionnalisation institutionnelle du continent en créant la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples puis la Cour de justice de l'UA pour finir par les fusionner en une seule Cour : la Cour africaine de Justice, des Droits de l'Homme et des peuples (CAJDHP). Celle-ci est créée par le Protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'Homme adoptée le 1er juillet 2008 et, alors qu'il n'est pas entré en vigueur, un autre Protocole portant amendements au Protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'Homme sera adopté le 27 juin 2014. Lui aussi n'est pas encore entré en vigueur. » Cf. Théodore POMTE-LE, op. cit., pp. 263 et 264. * 328 Voir supra Aaron LOGMO MBELEK (dir.), p.25. * 329 Voir Pascal De GENDT, « L'Union Africaine face aux défis du continent », op. cit., p. 3-4. « Des chefs d'État, pères de l'indépendance de leurs pays, comme Léopold Senghor (Sénégal), Houphouët BOIGNY (Côte d'Ivoire), Modibo Keïta (Mali), KWAME NKRUMAH (Ghana) ou encore HAÏLE SELASSIE (Éthiopie) voient dans cette organisation supranationale l'instrument qui leur permettra d'avancer vers une Afrique unie, répondant ainsi à l'idéal panafricaniste. Ils ne sont toutefois pas tous d'accord sur la marche à suivre. Certains veulent aboutir le plus rapidement possible à cette fédération ou confédération des pays africains. Ils seront connus sous le nom de « groupe de Casablanca ». D'autres, membres du « groupe de Brazzaville », renommé par après « groupe de Monrovia », préfèrent garder leur souveraineté nationale et faire de l'O.U.A., un organe de concertation et de coopération. La déclaration constitutive du « groupe de Monrovia » l'explique en ces termes : « L'idéal unitaire, qui constitue notre but actuel, n`a pas en vue une intégration politique d'États souverains, mais une unité d'aspiration et d'action considérée sous l'angle de la solidarité nationale africaine et l'identité de points de vue politiques » (1). Pour les chantres du panafricanisme, la vingtaine de chefs d'État qui font partie de ce groupe veulent surtout ne pas complètement se couper des anciennes puissances occidentales colonisatrices qui ont encore des intérêts économiques sur le continent africain. ». Lire Mwayila TSHIYEMBE, « L'Union africaine et la nouvelle gouvernance régionale », Dominique BANGOURA (dir.), L'Union africaine face aux enjeux de paix, de sécurité et de défense, Observatoire Politique et Stratégique de l'Afrique, Harmattan, pp. 51-65. * 330 Voir supra « L'Union africaine, 16 après : le bilan ». * 331 Le Président Paul KAGAME avait pourtant fait moult tentatives de conviction envers ses pairs d'Afrique australe, en se rendant par exemple en août 2018, au sommet régional à Windhoek (Namibie). S'agissant des négociations internationales, nous faisons référence à l'Accord de Cotonou. Ce dernier est un Accord qui marque le début du partenariat entre l'UA et l'EU. Signé à Cotonou le 23 juin 2000 pour 20 ans, il a jusqu'ici été révisé par deux fois. D'abord le 25 juin 2005 à Luxembourg puis, le 22 juin 2010 à Ouagadougou. * 332 Le Nigéria est un membre influent de l'UA, à côté de l'Afrique du Sud, du Maroc, de l'Algérie et de l'Egypte. * 333 Cet état des choses n'avait fait que réaliser la vision pessimiste de l'éthiopien Meles ZENAWI, alors premier ministre, qui en 2012, trouvait irréaliste d'imaginer une zone de libre-échange avant la ?n de 2017. |
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