L'exercice de la contrainte par l'union africaine sur ses états membres.par Aubain Wilfried NGOULOUGOU Université de Douala (Cameroun) - Master 2 recherche en droit public international 2020 |
B. L'ILLUSTRATION DU VOLET DES DROITS DE L'HOMME : LAJURISPRUDENCE La division des droits de l'Homme de l'UA a connu un essor au milieu de tous les autres domaines.Elle est la seule dont l'UA a réussi la structuration non plus seulement dans la promotion mais aussi dans la protection. La protection des droits de l'Homme en Afriques'illustre par des décisions de la CrADHP(1) et desTribunauxad hoc (2). 1- LADÉCISION DE LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES EN MATIÈRE ÉLECTORALE L'Afrique a régulièrement connu des conflits pré et post-électoraux309(*). D'où leraisonnement de Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU au sujet de la création de la CrADHP. Pour lui, la création de cette Cour « constitue sans aucun doute une avancée importante dans le système africain de protection des droits de l'Homme dans la mesure où la Cour assurera un meilleur respect de la Charte et pourra à terme faire triompher la démocratie et l'État de droit »310(*).La CrADHP fait ainsi son entrée en jeu avec une décision très importante qui marque un débutsatisfaisant de la jurisprudence dans l'histoire de l'UA, quant à la protection des droits de l'Homme et des peuples. En effet, la CrADHP rend sa première décision au fond sur le droit à l'éligibilité, dans un jumelage d'instance de l'affaire Tanganyika Law Society et The legal and humanrights centre c/ la République-Unie de Tanzanie et l'affaire Révérend Christopher R. MTIKILA c/ la République-Unie de Tanzanie311(*). Cette dernière était accusée d'avoir violé « le droit de ses citoyens à la liberté d'association et de participation aux affaires publiques de leurs pays et le droit d'être protégé contre la discrimination ; et pour avoir interdit aux candidats indépendants de se présenter aux élections présidentielles, parlementaires et locales »312(*). D'après le Professeur Alain Didier OLINGA, « le citoyen peut participer à la direction des affairespubliques en tant qu'électeur, en tant que militant de parti, en tant que candidat, dans les conditions prévues par la loi»313(*). Cependant, les accusations portées à l'encontre de la République-Unie de la Tanzanie trouvent leur fondement dans des textes contraignants comme la CAfDHP314(*) et le PIDCP315(*). Pour la CrADHP,le paragraphe 1 de l'article 13 de la CAfDHP des peuples « est la principale disposition portant sur la participation politique »316(*). Elle affirme alors qu' « il est impératif de souligner ici que les droits garantis par l'article 13(1) de la Charte sont des droits individuels. Ils ne sont pas supposés être exercés uniquement en association avec d'autres individus ou groupes d'individus, comme les partis politiques »317(*). La CrADHP conclut en déclarant que la Tanzanie a violé l'article 13 (1) de la CAfDHP, en conditionnant la participation politique par l'entremise des partis politiques318(*).Elle ajoute que l'impératif électoral signifie aussi le droit de se présenter comme candidat de manière indépendante à une élection. Ce qui donne raison aux parties demanderesses. In fine, la jurisprudence qui précède est une lancée assez prodigieuse pourle système africain de protection des droits individuels et fondamentaux de l'Homme et des peuples, de laquelle les juridictions ad hoc ne s'éloignent pas. 2- LES DÉCISIONSDES TRIBUNAUXAD HOC Les Tribunaux ad hoc pour les droits de l'Homme en Afrique ont souvent été constitués dans le cadre de la justice pénale. Ils sont au nombre de trois notamment, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)319(*) , le Tribunal Spécial pour la Sierra-Leone (TSSL)320(*)et le Tribunal pénal ad hoc avec le Sénégal (TPS)321(*). Le mandat du TPIR était d'une part, de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide et d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur leterritoire rwandais. D'autre part, il devait juger les citoyens rwandais présumésresponsables de tels actes ou de violations du droit international commis sur le territoire d'États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994. Le but du TPIR était ainsi de « contribuer au processus de réconciliation nationale au Rwanda et au maintien de la paix dans la région ». Il a achève ses travaux avec succès le 31 décembre 2015322(*). Le TSSL quant à lui, était chargé de juger les plus importants responsables des crimes commis durant la guerre civile de Sierra-Leone. Notamment, les principaux responsables de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre et de certains crimes prévus par le droit sierra-leonais commis depuis le 30 novembre 1996323(*). Le TPS d'août 2012 de son côté, met exclusivement l'Afrique en avant sur le plan pénal, avec l'affaire Hissène HABRÉ. Caril avait s'agi pour l'UA, de créer des Chambre africaines extraordinaires (CAE) au sein du système judiciaire sénégalais. La mission de ces CAE était de « poursuivre et juger le ou les principaux responsables des crimes de violations graves du droit international, du droit international coutumier et des Conventions internationales ratifiées par le Tchad et le Sénégal, commis sur le territoire tchadien du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990 »324(*). Dans cette affaire, les chefs-d'accusation avaient été retenu contre Hissène HABRÉ325(*). Cette évolution de la justice pénale dans l'ordre juridique régional africain a marqué ce que d'aucuns ontappelé « tournant pour la justice en Afrique »326(*).Mais,cet ordre juridiquedemeure dans le besoin d'être accompagné. * 309À titre d'illustration, la guerre civile préélectorale burundaise de 2015, relative au troisième mandat présidentielle brigué par le Président Pierre NKURUNZIZA ; et la guerre civile post-électorale ivoirienne de 2011, opposant les camps Alassane OUATTARA et Laurent BAGBO. * 310 Voir Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU, « Avancées et limites du système africain de protection des droits de l'Homme : la naissance de la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples », Droits fondamentaux, n°3, janvier-décembre 2003, p.176. En outre, le paragraphe 1 de l'article 3 du Protocole de 1998, confère une compétence générale à la Cour en matière des droits de l'Homme. Pour Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU, il s'agit d'un « champ de compétence indéterminé ». * 311 Cf. Requêtes n°009/2011 et n°011/2011 introduisant ces instances respectives et Théodore POMTE-LE, op. cit., p. 265. * 312Cf. Arrêt de la CrADHP, affaire Tanganyika Law Society et The legal and humanrights centre c/ la République-Unie de Tanzanie et affaire Révérend Christopher R. MTIKILA c/ la République-Unie de Tanzanie, para. 4 et Théodore POMTE-LE, Ibidem. Il faut savoir que Les faits remontent en 1992 où le Parlement tanzanien adopta une révision constitutionnelle interdisant les candidatures indépendantes. Donc, tout candidat doit être investi par un parti politique pour se présenter à une élection. * 313Voir Alain Didier OLINGA, « La première décision au fond de la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples », La Revue des droits de l'Homme, n°6, 2014, p. 11. * 314 Voir les articles 2 et 13 de la CAfDHP. * 315 Voir les articles 3 et 25 du PIDCP. * 316Voir supraArrêt de la CrADHP, Paragraphe 97. * 317Ibid., para. 98. * 318Ibid., para. 111. * 319 Le TPIR est une ancienne juridiction pénale internationale mise en place le 08 novembre 1994 par le Conseil de sécurité de l'ONU. Source internet, https://fr.mwikipedia.org/wiki/Tribunal_p%C3%A9nal_international_ pour_le_Rwanda (consulté le 12 décembre 2019). * 320 Le 14 août 2000, le Conseil de sécurité des Nations unies vote la résolution 1315 qui donne un mandat au Secrétaire général de l'ONU pour créer un Tribunal de juridiction mixte, le TSSL. L'Accord est signé en janvier 2002 entre les Nations unies et le gouvernement sierra-leonais et ratifié par le Parlement de la Sierra-Leone en mars de la même année. Le Tribunal est officiellement créé en juillet 2002. Les juges prêtent serment le 2 décembre et les premiers actes d'accusation sont confirmés en mars 2003. Le TSSL diffère des autres Tribunaux créés par le Conseil de sécurité. [Il semblerait qu'il ne soit] pas un Tribunal pénal international ad hoc [proprement dit]. Car, alors que les tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et pour le Rwanda ont leur siège respectivement à La Haye et à Arusha, le TSSL quant à lui, siège dans le pays où les crimes ont été commis (la Sierra-Léone). Surtout, ce tribunal fait partie du système judiciaire sierra-léonais, même s'il reçoit un important soutien international et que les huit juges sont des juges internationaux. Il s'agit également d'une juridiction hybride, car elle associe droit international et droit national sierra-léonais. Source internet, https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Tribunal_spécial_pour_la_Sierra_Leo ne&oldid=162561821 (consulté le 12 décembre 2019). * 321 Le TPS est une expérimentation de l'AU car avant 2014 celle-ci n'était pas encore dotée d'une juridiction au sens propre. * 322Le TPIR avait pu appréhender et condamner les responsables de ces crimes. Il s'agissait entre autres de Jean-Paul AKAYESU ; Jean KAMBANDA ; Georges RUGGIU ; Hassan NGEZE ; Ferdinand NAHIMANA ; Jean-Bosco BARAYAGWIZA et un groupe de militaires. Source internet, suprahttps://fr.mwikipedia. org/wiki/Tribunal_p% C3%A9nal_international_ pour_le_Rwanda. * 323Ainsi, ont été inculpés Charles TAYLOR ; MOININA FOFANA ; Samuel HINGA NORMAN ; ALIEU KONDEWA ; Sam BOCKARIE ; Augustine GBAO ; Morris KALLON ; Foday SANKOH ; Issa SESAY ; Alex BRIMA ; BRIMA KAMARA ; SANTIGIE BORBOR KANU et Johnny Paul KOROMA. Source internet, supra https://fr.wikipedia.org/w/index.php ?title=Tribunal_spécial_pour_la_Sierra_Leone&oldid=162561821. Le 30 novembre 1996 correspond à la date des Accords d'Abidjan, qui ont d'ailleurs été impuissants face à la crise sierra-léonaise. * 324 Voir l'art. 3 des Statuts des CAE. * 325De ce fait, l'ex-Président tchadien Hissène HABRÉ a été condamné le 30 mai 2016, à la prison à perpétuité pour motifs de crimes contre l'humanité et torture, notamment pour viols et esclavage sexuel, ainsi que pour crimes de guerre, par ces CAE. Le 27 avril 2017, une Chambre d'appel a confirmé le premier verdict par une décision qui ordonnait en surcroît à Habré de payer près de 123 millions d'euros pour l'indemnisation des victimes. * 326 Qualification faite par le quotidien français Le Monde. |
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