L'exercice de la contrainte par l'union africaine sur ses états membres.par Aubain Wilfried NGOULOUGOU Université de Douala (Cameroun) - Master 2 recherche en droit public international 2020 |
CONCLUSION DU PREMIER CHAPITREÀ la question de savoir si les mécanismes d'exercice de la contrainte par l'UA sur ses États membres sont univoques, l'on répondra par la négative.Car, ils revêtent au contraire deux caractéristiques opposées qui prêtent à équivoque. Ils sont à n'en point douter tangibles mais demeurent pour le moins perfectibles. La matérialité de ces mécanismes est dans un premier temps consacré par l'AC.UA, texte de base de l'Organisation puis, dans un second temps, ils sont consacrés par d'autres textes des plus prépondérants. Paradoxalement, ils doivent être perfectionnésau regard de certains fondements auxquels conviennent des modalités adéquates. In fine, les mécanismes prévus par l'UA pour contraindre ses États ont souvent été mis en lumière lorsque des circonstances l'ont imposé. Seulement, la résurgence de la perfectibilité de ces mécanismes n'est-elle pas suffisante pour interroger leur efficacité ?
CHAPITRE II :L'EFFICACITÉ DISCUTABLE DES MÉCANISMES D'EXERCICE DE LA CONTRAINTESi l'UA continue d'exister, c'est parce que les mécanismes qu'elle a mis en placeportent des résultats. En effet, toute organisation se donne les moyens de sa politique en connaissance de cause.Cependant, l'UA n'a pas toujours connu du succès en matière de contrainte. Ceci ouvre l'accès à une analyse de l'efficacité des mécanismes élaborés par l'UA pour contraindre ses États membres. Alors, l'efficacité des mécanismes de contrainte de l'UA est-elle incontestable ? À l'évidence, l'UA a souvent su s'imposer301(*). Mais surle plan exécutif, il va de soi que parfois « les décisions, tant de la Conférence de l'Union que du Conseil n'ont d'effet contraignant ni sur les États membres, ni sur les Institutions et pas davantage sur les individus»302(*). Pour Abdalla ELABIDI, c'est état des choses traduit un « échec ». Cet échec peut être rattrapé voire évité parl'implication d'autres organismes. De ce qui précède, l'on déduit que l'efficacité des mécanismes de l'UA est assez dialectique (section 1). Pour un futur prospère, il urge que cette organisation pense à une efficacité absolue de ses mécanismes en matière de contrainte (section 2). SECTION I : LA DIALECTIQUE DE L'EFFICACITÉ DES MÉCANISMES D'EXERCICE DE LA CONTRAINTEQuel qu'en soit le domaine de son déploiement, il est impératif pour l'UA d'atteindre le but pour lequel ellemène une action en particulier, et de tendre vers la réalisation de ses objectifs en général. Seulement, il est d'autant plus impératif pour les États de conserver leur souveraineté. Dès lors, il naît une sorte de duel entre l'Organisation et ses membres.Il s'agit d'une gangrène que rencontre régulièrement le droit public international. Pour y remédier, l'UA peut employer tous ses moyens possibles jusqu'aux plus drastiques. Le cas échéant, des instruments d'autres origines sont mobilisés. Cette double possibilité traduit une controversesur l'efficacité des mécanismesdela contrainte exercée par l'UA. Seront par conséquent analysés la certitude (paragraphe 1) et l'amenuisement (paragraphe 2) de l'efficacité de la contrainte. PARAGRAPHE 1 : L'AFFIRMATION D'UNE EFFICACITÉ CERTAINE DES MÉCANISMES D'EXERCICE DE LA CONTRAINTEBien que ses échecs soient en pourcentage supérieurs aux succès, la ténacité de l'UA jusqu'ici n'est guère négligeable. On affirme en occurrence la certitude de l'efficacité des mécanismes de la contrainte exercée par l'UA d'une part, au regard d'un certain bilan positif après 17 ans de vie (A) et d'autre part, au regardde l'illustration du volet des droits de l'Homme (B). A. LE BILAN POSITIF DE L'UNION AFRICAINELe principe de l'autonomie ne trouve pas sa quintessence seulement sur lesÉtats. Même les organisations internationales en ont besoin. L'UA s'affirme avec des succès qu'elle a jusqu'ici enregistrés indépendamment de toute ingérence extérieure. Ceci dit, son bilan positif sera analysé sous deux angles. D'abord, il s'affirme comme tel au regard de son succès quant à la gestion des crises et conflits en territoire africain (1) puis, au regard de sa progression vers l'implémentation de la ZLECAf (2). 1- LE SUCCÈS DE L'UA À LA LUMIÈRE DE LA GESTION DES CRISES ET CONFLITS La compréhension rapide faitepar l'UA contrairement à l'OUA, sur l'impératif de se dresser contre les conflits et les crises sur le continent africain, constitue sa démarcation par rapport à sa prédécesseresse. C'est la raison pour laquelle elle s'est munie du CPS qui joue un rôle autant majeur que décisifdans ce combat303(*). Le succès de l'UA s'illustre alors à partir desdéploiements réussis de ses forces de maintien de la paix et par l'efficacité de son mécanisme de suspension. S'agissant du premier moyen, l'UA a en effet utilisé avec succès à deux reprises, sa force de maintien de la paix. La première fois fut en 2007 par l'envoi à Mogadiscio en somalie, de 8000 hommes pour mettre fin à la guerre civile y sévissante. La seconde fois fut le déploiement de 7000 hommes au Darfour (Soudan de l'Ouest) pour mettre fin au conflit y perdurant304(*). À l'aide du second moyen menant au succès, la suspension, l'UA a mené à bien sa mission de promotion des principes démocratiques en contestant les changements anticonstitutionnels de gouvernements305(*).Quid du succès de l'UA éclairé par la ZLECAf ? 2- LE SUCCÈS DE L'UA À LA LUMIÈRE DE LA CRÉATION DE LA ZONE DE LIBRE ÉCHANGE DU CONTINENT AFRICAIN ET DU FONDS POUR LA PAIX Un projet introduit depuis le 3 juin 1991 par le Traité d'Abuja,prévoyait la création d'un marché commun à l'ensemble du continent avant 2025. D'où la ZLECAf est née. L'adoption le 21 mars 2018 et l'entrée en vigueur le 07 octobre 2019 de la ZLECAf marquentalors une propulsion très importante pour l'UA quant à son commerce et donc, son économie. Car, l'Accord sur la création de la ZLECAf, visant à mettre en place un marché commun entre les 55 États membres de l'UA, induit la levée des barrières douanières et le boostpermanent des échanges intra-africains. La création et la mise en place du « fonds pour la paix » de l'UA est une oeuvre du Président rwandais Paul KAGAME.Il introduisit ce projet au cours de son mandat pour reformer l'UA306(*).Mais il le réalisa pendant son mandat à la tête de l'UA307(*). Les États membres de l'UA n'avaient jamais jusqu'alors contribué financièrement pour des opérations de maintien de la paix. Mais à présent, l'UA possède enépargne80 (quatre-vingts) millions récoltés auprès de ses États membres sur 400 (quatre cents) millions de dollars nécessaires pour le maintien de la paix en Afrique. Désormais, l'organisation possède ses propres fonds pourfinancer des missions de médiation, des envoyés spéciaux et des initiatives en faveur de la paix. C'est une première étape importante308(*). In fine, l'UA a un bilan positif au regard de ce qui précède. Elle a également pu s'illustrer sur d'autres points comme les droits de l'Homme. * 301 L'UA a souvent pris et mis en application des sanctions à l'encontre des États. * 302 Voir Abdalla ELADIDI, op. cit., p388. * 303 Voir « L'Union africaine, 16 après : le bilan », source internet : https://www.google.com/url?q =https:// www.agenceecofin.com/hebdop2/3011-62288-union-africaine-16-ans-apres-le-bilan&sa=U&ved=2ahUKEwjMs uG1mKnmAhVNasAKHZpWCQgQFjAAegQIBRAB&usg=AOvVaw0LuV7s0r8IlmbBBI5NbIPE (consulté le 08 décembre 2019). * 304Ibidem. * 305Ibidem. Par exemple, d'abord en 2005, l'UA annoncera la suspension du Togo pour matérialiser son désaccord quant aux arrangements politiques qui s'organisaient pour remplacer l'ancien Président de la République GNASSINGBE EYADEMA, mort en plein mandat. Puis en 2009, suite à la crise politique ayant entraîné la prise de pouvoir d'Andry RAJOELINA, c'est Madagascar qui sera suspendu de l'Organisation panafricaine avant d'être réintégré suite à l'investiture démocratique d'un nouveau président. Il y a enfin plusieurs autres cas de transgression des principes démocratiques, sources de crises internes, qui donneront à l'UA l'occasion d'exercer son droit de suspension sur les États suivants. Ce sont notamment le Mali en 2012, la Centrafrique en 2013 et le Burkina-Faso en 2015. * 306 Le Président Paul KAGAME a été mandaté par ses pairs pendant une période de deux ans et demi pour reformer l'UA. Source, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/02/11/reforme-de-l-union-africaine-paul-kagame-a-obtenu-des-resultats-mitiges5424978_3212.html (consulté le 08/12/2019). * 307 Le Président rwandais Paul KAGAME a été Président de l'UA de 2018 à 2019 où il céda le siège à son homologue égyptien, le Maréchal Abdel FATTAH AL-SISSI, lors du 32e sommet des Chefs d'État et de gouvernement à Addis-Abeba (Éthiopie), le 10 févier. * 308 Voir supra https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/02/11/reforme-de-l-union-africaine-paulkagame -a-obtenu-des-resultats-mitiges5424978_3212.html. |
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