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L'exercice de la contrainte par l'union africaine sur ses états membres.


par Aubain Wilfried NGOULOUGOU
Université de Douala (Cameroun) - Master 2 recherche en droit public international 2020
  

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SECTION II : LA PERFECTIBILITÉ DES MÉCANISMES D'EXERCICE DE LA CONTRAINTE

Les mécanismes d'exercice de la contrainte par l'UA manquent encore de perfection.Serait-ce à cause de la souveraineté des États ?L'on sera immédiatement tenté de répondre par une affirmative. Car, pour Théodore POMTE-LE« la souveraineté constitue un frein beaucoup plus au niveau des instances de décisions par exemple au niveau de l'autorisation de l'intervention, du budget ou encore des contingents militaires»264(*).Cependant, ce « principe sacro-saint de souveraineté» est amplifiée par le « caractère égalitaire entre lesÉtats et« lamauvaise foi » des dirigeants »265(*) affirmeParfait OUMBA. Auregard de ce qui précède, il sera dégagé les fondements de la perfectibilité des mécanismes d'exercice de la contrainte (paragraphe 1). Ensuite, l'on se consacrera aux modalités de perfection de ces mécanismes (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : LES FONDEMENTS DE PERFECTIBILITÉ DES MÉCANISMES D'EXERCICE DE LA CONTRAINTE

Selon le Président Paul KAGAME« L'UA est une Organisation dysfonctionnelle et qui a peu de valeur aux yeux des États membres, à laquelle les partenaires internationaux accordent peu de crédit et qui ne jouit d'aucune confiance auprès de nos citoyens. »266(*). Le dysfonctionnement que soulève le Président rwandais relève sans doute des imperfections de cette organisation. On en déduit que les mécanismes d'exercice de la contrainte y demeurent encore perfectibles. Cette perfectibilité s'analyse sur la base de certains fondements dont les uns sont théoriques (A) et les autres sont pratiques (B).

A. LES FONDEMENTS THÉORIQUES DE PERFECTIBILITÉ DES MÉCANISMES D'EXERCICE DE LA CONTRAINTE

Dans l'ordre juridique de l'UA, il existe bel et bien une dimension théorique des mécanismes de contrainte aménagés autour d'un arsenal normatif, dont un Acte constitutif et d'autres textes. Si l'on doit se référer aux textes d'autres organisations comme la Charte de l'ONU, qui est un texte assez complet en matière de mécanismes de la contrainte267(*), on verra aussitôt que les mécanismes prévus par l'AC.UA sont manifestement insuffisants.Dès lors, l'on identifiera d'abord les insuffisances de l'Acte constitutif (1) puis, celles des autres textes (2) de l'UA.

1- LES INSUFFISANCES MANIFESTES DE L'ACTE CONSTITUTIF DE L'UNION

AFRICAINE

Les manquements de l'AC.UA en matière de mécanismes de contrainte retiennent l'attention.En effet, la spécification des mécanismes de contrainte empruntables est ambigüe. D'où le constat du Professeur Aaron LOGMO MBELEK suivant lequel « le passage de l'OUA pour l'UAn'a pas évacué la question de l'ambigüité entretenue par les instruments juridiques qui fondent l'UA »268(*). L'AC.UA se limite à prévoir des sanctions sur un seul domaine269(*), au lieu d'établir de véritables mécanismes face auxquels les États seraient confrontés.

L'article 23 de l'AC.UA relatif à l' « imposition de sanctions » se limite à poser des sanctions relevant du domaine budgétaire de l'Union. Cependant,il y a absence dessanctionsdans les autres domaines comme la sécurité, les droits de l'homme, l'humanitaire, l'environnement et la recherche scientifique.Cela laisse une grande latitude aux États d'avoir souvent des comportements déplacés par rapport aux principes de l'UA. À titre d'illustration, l'on peut évoquer le néo-esclavage infligé aux immigrants en Lybie et le règne du terrorisme...

En revanche, l'absence quoiqu'elle soit partielle, de mécanismes en matière de contrainte dans l'AC.UA est un véritable vice pour cette organisation. En comparaison avec l'UE, dans laVersion consolidée du traité sur le fonctionnement de l'UE, il y a un article qui prévoit un certain mécanisme procédural en vue de contraindre les États européens. Il s'agit de l'article 215 du titre IV relatif aux « mesures restrictives »270(*). Par ailleurs, dans le cadre de l'ONU, tout le chapitre VII de la Charte traite des « Actions en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression ». On y retrouve des mécanismes par lesquels le Conseil de sécurité peut procéder en cas de nécessité pour contraindre les États. Aucune disposition similaire n'apparaît dans l'AC.UA. Quid des autres textes ?

2- LES INSUFFISANCES DANS LES AUTRES TEXTES

L'on ne prétend pas faire le tour de tous les textes de l'UA pour identifier les insuffisances mécano-juridiques. Mais, l'on abordera pour le moins ceux quiont déjà été évoqués dans le cadre de la présente étude.

Il est très rare de voir des textes prévoir des mécanismes de contrainte. Les quelques-uns qui le font sont la CAfDHP271(*) ; la Charte africaine des valeurs et des principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local272(*),la CADEG273(*) et laCharte africaine sur les valeurs et les principes du service public et de l'administration274(*). Le reste est quasiment dépourvu de mécanismes.

En outre, le manque de sanctions tacitement prévues dans tous ces textes, excepté la CADEG, constitue une véritable faiblesse pour l'UA275(*). In fine, une réformedes textes qui régissent l'UA serait judicieuse.

Cependant, la théorie fusionne avec la pratique.KWAME NKRUMAH pense en effet que «La théorie sans pratique est vide et la pratique sans théorie est aveugle. »276(*). La confusion déduite de cette assertion au sujet de la théorie et de la pratique, participe non seulement de la complémentarité mais aussi de la parité entre ces deux dimensions277(*). En effet, les mécanismes prévus en théorie dans le présent sont mis en pratique dans le futur278(*).Seulement, si les mécanismes théoriques sont insuffisants, qu'en serait-ildes mécanismes pratiques ?

* 264 Voir Théodore POMTE-LE, « L'Union africaine et l'impératif électoral », in : Aaron LOGMO MBELEK (dir.), L'Union Africaine : entre avancées incontestables et reculs contestables, op. Cit., pp. 245-268 (spéc. pp.262-263).

* 265 Parfait OUMBA affirme en effet que : « la pratique montre [...] que le principe sacro-saint de souveraineté renforcé par l'affirmation du caractère égalitaire entre les États et la « mauvaise foi » des dirigeants de ces derniers tendent à empiéter sur l'action du CPS ». Voir Parfait OUMBA, « L'effectivité du rôle du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine dans la résolution des conflits », Revue africaine d'études politiques et stratégiques, 2014, pp. 139-176, cité par Théodore POMTE-LE, op. cit., p. 262. Voir aussi l'AC.UA, art. 4 (a) : « L'Union africaine fonctionne conformément aux principes suivants : a. Égalité souveraine et interdépendance de tous les États membres de l'Union [...]». Voir encore la Charte des Nations Unies, art. 2 : « L'Organisation des Nations Unies et ses Membres, dans la poursuite des buts énoncés à l'article 1, doivent agir conformément aux principes suivants : 1. L'Organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses Membres [...]».

* 266Paul KAGAME, Bulletin de l'Union africaine et de la corne de l'Afrique, du 01er janvier au 15 avril 2017, p. 6.

* 267 Charte de l'ONU,Chapitre VII.

* 268Voir supra Aaron LOGMO MBELEK (dir.), L'Union africaine : entre avancées incontestables et reculs contestables, p. 19.

* 269 Paradoxalement, l'UA est une organisation multitâche donc l'Acte constitutif aurait dû prévoir des sanctions sur la totalité de ses domaines.

* 270Version consolidée du traité sur le fonctionnement de l'union européenne, article 215 : «1. Lorsqu'une décision, adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité sur l'Union européenne, prévoit l'interruption ou la réduction, en tout ou en partie, des relations économiques et financières avec un ou plusieurs pays tiers, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, sur proposition conjointe du haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et de la Commission, adopte les mesures nécessaires. Il en informe le Parlement européen.2. Lorsqu'une décision, adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité sur l'Union européenne, le prévoit, le Conseil peut adopter, selon la procédure visée au paragraphe 1, des mesures restrictives à l'encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d'entités non étatiques.3. Les actes visés au présent article contiennent les dispositions nécessaires en matière de garanties juridiques.».

* 271 Voir la CAfDHP en son chapitre III relatif à« la procédure de la commission ».

* 272 Voir la Charte africaine des valeurs et des principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local en son chapitre III relatif aux « mécanismes de mise en oeuvre ».

* 273 Voir le chapitre VIII (relatif aux « sanctions en cas de changement anticonstitutionnel de gouvernement ») de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.

* 274 Voir le chapitre VI (relatif aux « mécanismes d'application ») de la Charte africaine sur les valeurs et les principes du service public et de l'administration.

* 275 Les États ne s'y accommodent pas toujours. Serait-ce parce qu'ils pensent qu'ils n'ont rien à craindre ? L'on est tenté de répondre par une affirmative car aucune sanction ne pèserait sur eux.

* 276 KWAME NKRUMAH, Le Consciencisme, Paris, Éditions Présence Africaine, 1976, 141 pp.

* 277 Il revient à dire que la théorie complète la pratique en l'édictant et la pratique complète la théorie en la matérialisant puis, les deux forment i une paire indivisible.

* 278 C'est pour dire que les textes adoptés seront usités dans l'avenir durant toute la période de leur vigueur jusqu'à abrogation.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984