L’indépendance et l’impartialité du juge constitutionnel congolais.par Jean-Dieudonné Divin BOSAGA SUMAILI Université Protestante au Congo - Graduat en droit 2018 |
Conclusion GénéraleL'abord de questions relatives à l'indépendance et à l'impartialité du juge constitutionnel Congolais à l'aune de la Constitution et des différentes normes y affèrent nous a donné un prétexte pour voir dans la réalité les mécanismes concrets de l'exercice de la justice constitutionnelle en République Démocratique du Congo. Il est apparu que les origines de la justice constitutionnelle ainsi que les principes la régissant se situent historiquement sur le plan du droit positif écrit dans la Loi fondamentale relative aux structures du Congo du 19 mai 1960. Nous avons indiqué que la notion de justice constitutionnelle a évolué à travers tous les textes constitutionnels qui ont régi le pays en jouant selon le type de régime politique en place soit un rôle décoratif soit enfin un rôle institutionnel de régulation de la vie politique. L'étude des compétences du juge constitutionnel a été abondamment déterminante car de notre point de vue la question ainsi posée est celle de savoir ce que peut le juge de la Constitution. Il ne s'est pas agi de les énumérer uniquement - ce qui aurait été simple et pédagogique - il s'est aussi agi de les analyser du point de vue critique et sous les lumières de la praxis jurisprudentielle de dernières années. Cette analyse à la fois exégétique et jurisprudentielle constitue le soubassement de la technique du droit du contentieux constitutionnel congolais dont fait partie le sujet de la présente étude. La compétence indique également la procédure à suivre devant le juge constitutionnel dont les arrêts ne souffrent en principe d'aucun recours. Nous avons évidemment analysé les outils conceptuels du travail du juge lorsqu'il interprète la Constitution. Dans ce rôle de constituant sui generis, la Cour constitutionnelle demeure « la bouche de la Constitution » de sorte que les craintes maintes fois exprimées par la doctrine sur le gouvernement des juges s'avèrent fondées.139(*) `'Qui contrôlera le contrôleur ?'', s'inquiétait inexorablement le Professeur BibombeMuamba à chaque fois que cette question se posait.140(*) Mais les contraintes les plus diverses mais toutes fondées sur une appréhension des misères que le juge ainsi investi d'énormes pouvoirs pourrait infliger au politique sont là pour maintenir la justice constitutionnelle au milieu du village. Tout le problème est de savoir « si le village lui-même est bâti au bon endroit ». C'est dire que la querelle a encore de beaux jours devant elle, même si une vision plus mondialiste tente d'imposer le juge constitutionnel comme une bonne enseigne sur une bonne bouteille de vin, en tous cas, comme élément de qualification d'un Etat moderne.141(*) In concreto, nous pensons, grâce aux éléments abordés plus haut, que la problématique de l'indépendance et de l'impartialité du juge constitutionnel congolais a lieu d'être examinée et d'être remise en cause car étant biaisée non pas par les textes juridiques nationaux y afférent, mais plutôt par le fait d'une mauvaise foi des politiques occasionnée par la crainte de voir fonctionner sans aucun contrôle en ayant le risque que ces juges s'ingèrent d'avantage dans leurs affaires. Il est clair que cette réalité ne favorise aucunement la pleine efficacité de cette cour et nous éloigne considérable de l'idéal de parvenir à instaurer un véritable Etat de droit. Par ailleurs, se basant sur les contraintes abordées aux précédents paragraphes, nous nous interrogeons sur la prérogative constitutionnelle reconnue aux décisions de la Cour faisant qu'elles ne soient susceptibles d'aucun recours, sauf pour erreur matérielle, et qu'elles soient immédiatement exécutoires.142(*) Afin de ne pas accoucher d'un travail vaniteux, nous nous permettons de soumettre quelques propositions ; Tout d'abord, une reformulation du mode de désignation des juges de la Cour Constitutionnelle, ce qui conduira à la révision de l'article 158 de la Constitution actuellement en vigueur ainsi que de toutes les lois traitant sur cette matière, pour instaurer un système de désignation « par voie élective au suffrage universel direct de tous les juges » afin de les protéger d'une quelconque manipulation de la part des hautes autorités politiques de l'Etat. Cette formule aidera alors le peuple à être plus impliqué aux affaires relatives à cette Cour dont il aura le contrôle. Ensuite, une modification du critérium de désignation des membres de la Cour prévu par l'article 158 alinéa 2ème de la Constitution qui dispose que « les deux tiers des membres de la Cour doivent être des juristes provenant de la magistrature, du barreau ou de l'enseignement universitaire ». Notre réflexion est liée à la malléabilité du constituant qui parle de `'juriste''. Grace à cette disposition, il est donc possible de voir la Cour être composée majoritairement des juges privatistes, qui ne tiendraient leurs notions que des cours de droit constitutionnel suivis en premier et deuxième graduats de droit et qui auront passés les quinze dernières années à trancher les litiges parcellaires et de coups et blessures, trancher les matières techniques du droit constitutionnel. D'où nous proposons qu'il soit institué un numerus clausus diffèrent faisant que, dans les deux tiers prévus, quatre juges soient des techniciens et praticiens du droit constitutionnel depuis au moins dix ans. Enfin, nous proposons la révision de l'article 168 de la Constitution du 18 Février 2006 telle que modifiée à ce jour afin de prendre compte les principes sacro-saints institués par la même constitution notamment en son article 61 précisément au point 5. En effet, aux termes de cette disposition, le Constituant a voulu qu'en aucun cas, et même lorsque l'état de siège ou l'état d'urgence aura été proclamé conformément aux articles 85 et 86 de ladite Constitution, il ne soit dérogé aux droits et principes fondamentaux « les droits de la défense et le droit de recours ». Or, dans la même Constitution, il est dit que « les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d'aucun recours ». Une malheureuse contradiction du constituant qui continue à être au coeur de plusieurs débats au sein de la doctrine. Dans la même veine, il ressort de la lecture de la Constitution et de toutes les lois y afférents, que la Cour Constitutionnelle ne respecte aucun des mécanismes prévus dans la loi portant organisation, fonctionnement et compétences judiciaires visant à garantir les justiciables de l'impartialité des Cours et tribunaux143(*), à savoir : la récusation, le déport et les renvois de juridiction. Ce qui pourrait très souvent laisser planer le doute sur son impartialité. Voilà les axes de réflexion de la présente étude et les perspectives sans doute nombreuses qu'elle appelle. Il reste à convoquer les autres disciplines scientifiques au crible de la raison pour tenter une approche plutôt holistique de la notion d'Etat de droit sous les tropiques. Cette tâche, l'on s'en doute, est au-delà des compétences du juriste, fut-il constitutionnaliste. * 139 HAMON (L.), Les juges de la Loi. Naissance et rôle d'un contre-pouvoir, Paris, Fayard, 1987. * 140 Notamment à l'occasion des soutenances des thèses et des mémoires en droit public à l'université de Kinshasa. Lire par KALUBA DIWA (D.), Du contentieux constitutionnel en République Démocratique du Congo. Contribution à l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle, op. cit., p. 332. * 141 Ibidem. * 142 Lire l''article 168, alinéa 1er de la Constitution du 18 Février 2006 telle que modifiée à ce jour. * 143 Lire les articles 49 à 62 du Code d'OFCJ. |
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