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L’indépendance et l’impartialité du juge constitutionnel congolais.


par Jean-Dieudonné Divin BOSAGA SUMAILI
Université Protestante au Congo - Graduat en droit 2018
  

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§2. La décision de la cour

Cet arrêt est vu par certains auteurs comme une « confession de crise latente au sein de la Cour Constitutionnelle »135(*). Après avoir été reporté à deux reprises faute de quorum respectivement le 11 et 14 octobre 2016, il fut finalement rendu à Kinshasa le 17 octobre 2016 l'arrêt le plus critiqué à ce jour.

En effet, malgré le nombre irrégulier des juges présents dans la cour, le président de cette juridiction s'est décidé d'aller jusqu'au bout et ce malgré l'absence de ces paires.

D'où la cour se prononça en ce terme : « Tenant compte de l'importance de la cause sous examen pour la vie de la nation, et faisant application du principe salus populi,supremalexesta, qui traduit la loi de la nécessité, elle siègera à cinq membres afin d'éviter de consacrer, de fait, un déni de justice par des remises récurrentes et sans issue de ses audiences, dès lors qu'il s'agit de prévenir un blocage des institutions de la République et d'assurer la protection des droits fondamentaux des citoyens consacrés par l'article 5 de la Constitution ».

Elle se déclara ensuite compétente ; dit la requête recevable et fondée; constata l'impossibilité pour la CENI d'organiser les scrutins prévus dans le calendrier du 12 Février 2015 pour toutes les contraintes évoquées par elle ; et l'autorisa par conséquent à élaborer un nouveau calendrier électoral aménagé dans un délai objectif et raisonnable exigé par les opérations techniques de refonte du fichier électoral afin de s'assurer de la régularité des scrutins prévus.

Cette décision fut rendue en présence de cinq juges sur les neuf de la cour dont : Le président Benoit LWAMBA ; les juges Evariste-Prince FUNGA, Yvon KALONDA, Noel KILOMBA et Jean-Pierre MAVUNGU.

§3. Analyse critique

Avant de donner notre avis sur l'affaire, il sied de noter quelques faits que nous jugeons essentiels.

En effet, rappelons-le, le quorum minimum requis pour que la Cour statue valablement, est d'au moins sept juges sur les neuf qui la composent. Or le cas échéant, ils étaient au nombre de cinq à délibérer sur une question aussi cruciale touchant l'avenir démocratique du pays. A l'exception d'un seul juge aux soins à l'étranger, de fait excusé, les juges BANYAKU Luape, ESAMBO Kangashe et VUNDUAWE Te Pemako ont été considérés par leur président comme des « indisciplinés » ayant séché une activité légale de leur juridiction. Blessé dans son ego, le Président Benoit LWAMBA devait montrer à la face du monde qu'il est le seul chef à bord du navire constitutionnel.

D'où les « demandes d'explications » adressées à ses pairs absentéistes. Mais là où le bât blesse, c'est que cette aventure liée à la gestion interne de l'institution judiciaire n'a pas trainé dans les couloirs du nouveau palais de justice. Les correspondances adressées aux juges incriminés étaient relayés par les réseaux sociaux.136(*)

Monté sur ses grands chevaux, l'ex directeur de cabinet du Président MOBUTU, Félix VUNDUAWE déplora, dans sa réplique137(*), qu'une question d'ordre interne de la juridiction ait été portée à la connaissance du Président de la République et du ministre de la Justice et garde des sceaux. Sur le même ton, il stigmatise le fait que certains juges de la Cour Constitutionnelle qui émettent des avis contraires « continuent à être ainsi exposés par la divulgation du secret des délibérations au profit des personnes extérieurs de la Cour ».

De ce fait, nous adhérons à la réflexion de Clémentine TSONGA qui pense que : « la crise au sein de la haute cour congolaise, latente au départ, puis étalée à la place publique, fait sous-entendre une mainmise de la présidence de la République sur certains des membres. Le déclenchement de celle-ci à tel moment précis sent d'une quelconque manière sur les membres de la Cour Constitutionnelle.

Dans les conditions sus évoquées, la mise en jeu de la responsabilité pénale du Chef de l'Etat-même si par miracle le vote de deux tiers du parlement composant le Congrès est atteint-est gde l'ordre de l'irréel ».138(*)

Bien qu'étant disponibles et en pleines formes, trois membres de la haute cour ont délibérément refusés de siéger dans une matière assez fragile pour l'avenir du pays. Notre problème se situe au niveau de la motivation les ayant poussé à agir en décidant d'ignorer ouvertement la loi qui leur donne la possibilité publier leurs avis contraires.

Nous pensons personnellement, sans être devins, que les juges précités n'ont pas voulu se plier à un certain mot d'ordre les obligeant à prendre une certaine position. Ce qui fut en leur défaveur car, ironie du sort, lors du tirage, ce sont exactement eux qui furent désignés pour être remplacés.

* 135 Lire notamment TSONGA (C.), Les pouvoirs constitutionnels du Président de la République sous la Constitution du 18 Février 2006, op.cit., p. 139.

* 136 Tiré de l'ouvrage de TSONGA (C.), Les pouvoirs constitutionnels du Président de la République sous la Constitution du 18 Février 2006, op.cit., p. 104.

* 137 Juge VUNDUAWE, Correspondance n°CC/J-VTP/01/027/2016. Concerne : Mes explications, Kinshasa, 28 Septembre 2016.

* 138 TSONGA (C.), Les pouvoirs constitutionnels du Président de la République sous la Constitution du 18 Février 2006, op.cit., p. 105.

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