L’indépendance et l’impartialité du juge constitutionnel congolais.par Jean-Dieudonné Divin BOSAGA SUMAILI Université Protestante au Congo - Graduat en droit 2018 |
2. La décision de la CourAprès avoir entendu le procureur général en son avis, la cour a reçu les conclusions de la défenderesse, mais a rejeté les fins de non-recevoir soulevées. Elle se déclara compétente et recevant la requête la dit fondée. Il suit que sur base des moyens avancés, la Cour déclarera la motion de censure attaquée non conforme à la Constitution. En application de l'article 168 alinéa 2 de la Constitution, elle la dira nulle de plein droit. 3. Analyse critiqueSur l'affaire examinée, en partant de son initiation jusqu'à la décision de la cour qui en a résulté, nous n'avons relevé aucun problème manifeste. Nous nous attarderons plutôt sur l'exécution de ladite décision par le Parquet près cette cour et de ce qui en découle. En effet, auteur de ses propres décisions, la Cour Constitution n'assure ni ne contrôle leur mise en pratique ; cette mission étant confiée au Procureur général près la juridiction. Tel que révélé plus haut, si une décision de la Cour souffre d'inapplication, c'est à cette autorité qu'il revient d'y pourvoir, au besoin par le recours à la force, mais au regard de l'image ou de la couleur qu'on veut bien leur donner128(*), les décisions de la cour se prêtent à devenir une chasse croisée entre le droit et la politique rendant difficile le service quelles sont, par ailleurs, censées rendre à l'Etat à la démocratie et à l'Etat de droit.129(*) Dans cette perspective, on signale les difficultés éprouvées par le Procureur général dans l'exécution de certains arrêts rendus par la cour annulant les motions de censure et de défiance de quelques gouverneurs des provinces notamment celui de la province du Haut-Katanga, de la Tshuapa et le vice-gouverneur de la province de l'Equateur. A la place, c'est le vice-premier ministre, ministre de l'intérieur qui, en l'absence de toute circonstance mettant fin aux fonctions de l'une ou l'autre autorité130(*) décida, par la correspondance du 14 Juillet 2017131(*) adressée à la CENI, de constater proprio motu la vacance créée dans quelques provinces.132(*) Soulignons que le gouverneur Jean-Claude KAZEMBE n'a jamais pu bénéficier de la décision de la Cour en sa faveur pour retrouver son poste de gouverneur de province à cause de l'obstacle créé par le vice-premier ministre, ministre de l'intérieur. De ce fait, partant du principe de la séparation des pouvoirs selon Montesquieu, nous constatons l'absence d'indépendance non pas seulement de la cour133(*), mais aussi du pouvoir judiciaire tout entier ; en ce sens où, étant un membre du pouvoir exécutif qui n'a aucun lien direct avec le judiciaire (il ne peut donner d'injonctions directe dans l'administration de la justice, différemment du ministre de la justice) celui-ci n'avait aucun droit de faire obstruction à une décision judiciaire surtout si celle-ci provient de la plus haute cour de l'Etat. Cet acte traduit le non-respect des autorités politiques vis-à-vis des autorités judiciaires même de haut rang et d'ailleurs la soumission de ces dernières car aucune action n'a été intentée à ce jour contre ledit ministre afin de répondre de ces actes. * 128 Notamment en matière du contentieux constitutionnel, électoral pu pénal. * 129 ESAMBO KANGASHE (J-L), Traité de droit constitutionnel congolais, L'Harmattan, Paris, 2016, p. 140. * 130 Notons que les fonctions du gouverneur ou vice-gouverneur de province prennent fin par décès, démission, vote d'une motion de censure par l'Assemblée Provinciale, empêchement définitif ou mise en accusation suivie d'une condamnation par la Cour de Cassation. * 131 Il s'agit de la lettre n°25/CAB/VPM/MININTERSEC/ERS/538/2017 par laquelle le vice premier ministre, ministre de l'intérieur et de la sécurité notifie à la Commission électorale nationale indépendante les vacances créées dans les exécutifs provinciaux des provinces du Bas-Uélé, de l'Equateur, du Haut-Katanga, du Haut-Lomami, du Kasaï central, du Kivu, de la Mongala, du Sud-Kivu, du Sud-Ubangi, de la Tshopo et de la Tshuapa. * 132 Lire ESAMBO KANGASHE (J-L), Traité de droit constitutionnel congolais, op.cit., p. 141. * 133 Car, selon la Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, cette dernière est constituée des membres appelés juges, du parquet général, du greffe et des conseillés référendaires. |
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