Les droits de défense dans le contentieux fiscal.par Mohamed Heni KHANFIR Faculté de Droit de Sfax - Mastère de recherche en droit public 2018 |
Première partie:Le renforcement des droits de défense dans le contentieux fiscalConscient du déséquilibre qui caractérise les parties en litige, à savoir l'administration fiscale et le contribuable, le législateur tunisien a prévu des dispositions ayant pour objectif de protéger les droits de la défense. De ce fait, il a permis de suivre certaines procédures de recours juridictionnel (chapitre I), pour déterminer le droit d'ester à la justice (chapitre II). Chapitre I: Le renforcement des droits de la défense à travers les procédures du recours juridictionnel:La protection du contribuable est certes assurée par la reconnaissance à son profit d'un nombre assez considérable des droits et des garanties. Dans ce sens, le législateur intervient pour garantir ses droits du contribuable dans les procédures du recours juridictionnel et ce afin de permettre à ce dernier de se défendre dans toutes les phases du contentieux fiscal. Ces avantages se résument à travers l'instauration du ministère de l'avocat dans le contentieux fiscal (section 1) et l'instauration des voies de recours juridictionnel comme garantie procédurale (section 2). Section 1: L'instauration du ministère d'avocat dans le contentieux fiscal:La matière fiscale se caractérise par sa particularité par rapport aux autres branches du droit qui s'articule au niveau procédural dans le contentieux fiscal. Comme étant une partie au litige en matière fiscale, le contribuable peut désigner un avocat pour que ce dernier assure sa défense. D'ailleurs, son assistance lors des instances juridictionnelles est un procédé important afin d'orienter le justiciable et faciliter le travail du juge. De par sa profession qui consiste à donner des consultations juridiques, à représenter les justiciables, les assister à se défendre devant les juridictions, l'avocat contribue à l'instauration de la justice54(*). Dans le contentieux fiscal, la présence de l'avocat peut avoir une importance et ce, à travers la particularité de cette branche du contentieux administratif55(*)qui se caractérise par la lourdeur de ses procédures et par la complexité de la matière fiscale objet de ce contentieux. Le particularisme du contentieux fiscal au sujet duquel la doctrine ne cesse d'apporter les contributions les plus passionnées56(*), incite le législateur à reconnaître des caractéristiques procédurales au procès fiscal. Parmi ces, celle du ministère d'avocat est la plus importante quant à ses effets57(*). La lecture des différentes dispositions relatives aux contentieux fiscal prévues par le CDPF révèle l'hétérogénéité du régime du ministère d'avocat dans le contentieux fiscal. Le CDPF a accordé un choix au contribuable. Un choix de recourir au ministère d'avocat (paragraphe 1).Mais à coté de ce choix, le législateur a obligé un critère d'imposition du ministère de l'avocat (paragraphe 2). Paragraphe 1 : Le recours facultatif au ministère d'avocat :Traditionnellement, les litiges fiscaux bénéficient en Tunisie, d'une dispense du ministère de l'avocat. D'ailleurs, le législateur cherche à éliminer tous obstacles qui pourraient empêcher le contribuable d'agir contre l'administration fiscale dans le but de prouver ses droits. En matière du contentieux fiscal, les règles de représentation des contribuables se caractérisent par leurs spécificités aussi bien devant les juridictions judiciaires ou même devant le T.A58(*). Le caractère facultatif du ministère d'avocat trouve sa racine dans des textes ayant prévus des dispositions particulières. Ces dernières, concernant soit la qualité de représentant du contribuable (A), soit la forme de cette représentation (B). A. La qualité des représentants du contribuable :En matière fiscale, le contribuable bénéficie d'un simple droit pour la désignation d'un avocat. Mais rien n'empêche le contribuable de renoncer à ce droit par son recours personnel au tribunal. Lorsqu'il opte pour le choix d'un mandataire, le contribuable a toute liberté de choisir son représentant parmi les personnes auxquelles il fait confiance. En effet, le mandataire n'est pas obligatoirement un avocat. Il peut être un conseiller fiscal ou un expert-comptable et ce conformément à la loi59(*). Dans la version initiale du CDPF, le législateur s'est montré souple en dispensant le contribuable de l'obligation du ministère d'avocat. Le principe du recours facultatif à l'avocat était clairement déterminer par l'article 57(ancien) du CDPF60(*). Cette dispense de l'obligation du ministère de l'avocat a été justifiée par le ministre des finances lors des débats de la chambre des députés par des considérations pratiques et pragmatiques. Selon lui, le CDPF vise à introduire des mesures de souplesse et à réduire les coûts et il serait aberrant, poursuit le ministre, d'imposer à des entreprises, qui ont leurs propres services contentieux61(*). Le ministre des finances a affirmé que cette solution dérogatoire a le mérite d'ouvrir la voie vers certaines professions de défendre et d'assister le contribuable dans le contentieux fiscal62(*). Le CDPF a apporté des modifications profondes au régime du contentieux fiscal. L'importance de ces modifications consiste dans la suppression des anciennes commissions de taxation d'office et le transfert de leurs compétences au tribunal de première instance. Or, l'attribution de la compétence dans le contentieux fiscal au juge judiciaire n'a pas empêché le législateur de soumettre les procédures de ce recours à certaines règles particulières. Parmi les particularités procédurales du CDPF, celle du non consécration de l'obligation du ministère d'avocat a été la plus importante quant à ses effets63(*). Selon l'article 55 du CDPF, l'action devant le tribunal de première instance peut être entamée sans que le contribuable ne soit tenu de se faire représenter par un avocat64(*). D'ailleurs, la solution adoptée par cet article s'écarte de la règle posée par le CPCC en vertu de laquelle le recours devant le tribunal de première instance doit être fait par la requête établit par un avocat. Pour le recours devant la Cour d'appel, les dispositions du second paragraphe de l'article 67 initial du CDPF ont prévu que: «l'appel est interjeté au moyen d'une requête écrite rédigée par l'appelant ou par un mandataire désigné à cet effet, conformément à la loi65(*)». Ces dispositions ont apporté une dérogation à la règle civile applicable devant la Cour d'appel. En effet, l'article 130 du CPCC a clairement exigé le ministère de l'avocat devant la cour d'appel en prévoyant que: «l'appel est interjeté au moyen d'une requête écrite déposée par l'avocat de l'appelant au greffe de la juridiction d'appel compétente». Il y a lieu de remarquer que les dispositions des articles 55 et 67 du CDPF ne constituent pas uniquement une dérogation aux règles prévues par le CPCC, elles constituent également des règles dérogatoires par rapport à la règle générale applicable en matière du contentieux administratif. En effet, conformément aux règles des procédures prévues par la loi du 1er juin 1972 relative au TA, le ministère d'avocat est obligatoire devant les chambres de première instance66(*)et devant les chambres d'appel67(*). L'exclusion du contentieux fiscal du champ d'application de la règle de l'obligation du ministère de l'avocat n'est pas sans fondement. En effet, cette exclusion peut être justifiée par des particularités qui caractérisent l'objet des litiges fiscaux. De plus, dans le contentieux relevant de la compétence des tribunaux de première instance, l'objet du recours consiste en une contestation d'une décision administrative qui comporte soit une taxation d'office, soit un refus de restitution des impôts payés par le contribuable. Il est vrai que le recours facultatif au ministère de l'avocat est consacré par la qualité des représentants du contribuable, mais, il prend aussi la forme de la représentation. * 54 Article 2 du décret-loi n°79-2011 du le 20 août 2011, portant organisation de la profession d'avocat, insérés sous-titre: « de la profession d'avocat et ses objectifs». V. aussi, l'article 105 de la Constitution Tunisienne datée le 27 janvier 2014. * 55 TA, Cass, affaire n°95, 30 octobre 1980, recueil des arrêts du Tribunal Administratif, 1980, p.345. * 56 Baccouche (N), Droit fiscal général, Sfax, n°8, 2002, p133. * 57 Baccar (T), Le Code de Procédures et des Obligations Fiscales : L'accomplissement d'une réforme, l'économiste maghrébin, n°267, du 16 au 30 août 2000, p.19. * 58 Abed (N), Le particularisme de procédure fiscale contentieuse, mémoire pour l'obtention de mastère en droit fiscal, Faculté de Droit et des Sciences Economiques et Politiques de Sousse, 2005-2006, p130. * 59 Ktata (A), Le contentieux de l'imposition à travers le Code des Droits et des Procédures Fiscaux, Diplôme des Etudes Approfondies en droit public et commerce international, FDS, 2001-2002. / V. aussi : Fendri (K), Le particularisme de la procédure fiscale contentieuse, R.J.L, 2002, n°3, p.36-37. / V. aussi : Robert (J), La bonne administration de la justice, AJDA, 1995, p.118-119. * 60 Selon l'article 57 (ancien) du CDPF, « Le contribuable peut poursuivre le déroulement de l'instance par lui-même ou par un mandataire désigné à cet effet conformément à la loi. * 61 Débats de la chambre des députés lors de la discussion du projet de la loi de promulgation du code des droits et des procédures fiscaux. Séance du 26 juillet 2000, JORT, n°39, p.2212. * 62 Ibid. / V. aussi: Baccar (T), article précité, p.19. * 63 Ibid. * 64 Info juridique, avril, 2008, n°44-45, P.22. * 65 Note commune n°9/2002, «Tout mandataire désigné, à l'exception de l'avocat, doit avoir un mandat écrit pour représenter le contribuable en justice». * 66 Selon l'article 35(nouveau) de la loi du 1er juin 1972, « La requête introductive d'instance et les mémoires en défense doivent être signées par un avocat à la Cour de cassation ou à la Cour d'appel». * 67 Selon l'article 35(nouveau) de la loi du 1er juin 1972, « L'appel est interjeté... devant les chambres d'appel du Tribunal Administratif au moyen d'une demande déposé au greffe du Tribunal Administratif par l'intermédiaire d'un avocat auprès la Cour de cassation ou à la Cour d'appel». |
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