Les droits de défense dans le contentieux fiscal.par Mohamed Heni KHANFIR Faculté de Droit de Sfax - Mastère de recherche en droit public 2018 |
Chapitre II : Le renforcement de l'inégalité entre les parties en litige fiscal:Le système de la preuve consacré par le CDPF, forme une source d'inégalité entre le contribuable et l'administration au procès fiscal. En effet, le mécanisme de la preuve tel que posé par les articles 64 et 65 du CDPF est favorable à l'administration fiscale à deux niveau : au niveau du moyen de la preuve d'une part, et au niveau de la charge de la preuve d'autre part. On va s'intéresser à ce niveau au caractère juridictionnel de la charge de la preuve (section 1), soit au statut privilégié de l'administration dans le contentieux fiscal (section 2). Section 1: Un système de preuve défavorable au contribuable :Lors de la phase juridictionnelle du contentieux fiscal, la charge de la preuve et renversée ; elle pèse sur le contribuable. Même à ce niveau, le CDPF consacre un mécanisme de la preuve inégalitaire dans la mesure où « la preuve constitue une contrainte lourde pour tous les contribuables, que ceux-ci aient ou non respecté leurs obligations fiscales. Sur ce point, le déséquilibre entre l'administration et le contribuable est bien réel »184(*). Le renversement de la charge de la preuve trouve son fondement à travers la motivation de l'arrêté de taxation d'office (paragraphe 1), pour cela le contribuable supporte la charge de la preuve systématiquement et quelque soit sa qualité (paragraphe 2). Paragraphe 1: La motivation comme un fondement de la charge de la preuve:Lors des débats parlementaires concernant le CDPF, l'un des députés a critiqué l'article 65 qui engendre un renversement de la charge de preuve au détriment du contribuable, alors que c'est l'administration fiscale de faire la preuve de l'inexactitude des déclarations185(*). Selon le ministère des finances « cet article est applicable actuellement et il ne pose pas de problème et en plus, il y a une nouveauté, c'est l'obligation de la motivation »186(*). Suivant une telle logique, l'obligation de la motivation de l'arrêté de taxation d'office signifie que l'administration fiscale, en motivant cet arrêt, a accompli sa mission de la preuve et que la charge de la preuve se transforme automatiquement au détriment du contribuable. Il est à noter que le législateur n'a pas prévu à l'administration fiscale l'obligation de motiver sa décision, mais, cette dernière a pris l'habitude de joindre à la notification concernant l'arrêté de taxation d'office à travers lequel, elle trace les fondements de sa décision. Il est à remarquer qu'une partie de la doctrine a soutenu l'idée de la motivation qui dispense l'administration de montrer la preuve devant le juge187(*). En plus, une partie de la doctrine attribue aux présomptions la mission de renverser la charge au détriment du contribuable188(*). Par ailleurs, le législateur tunisien a doté l'administration fiscale d'un choix multiple dans le recours aux présomptions et ce afin d'alléger sa charge de la preuve lors de la phase administrative en utilisant le droit de visite, de saisie et le droit du recours vers les services de l'autorité de sûreté189(*), et la renverser sur le détriment du contribuable pendant la phase juridictionnelle. D'ailleurs, « le juge de fond est allé jusqu'à décharger le contribuable demandeur de la preuve estimant que la présomption de la légalité de l'arrêté de taxation d'office ne peut renverser la charge de la preuve que si l'administration prouve la présomption de sincérité de la déclaration fiscale. »190(*) Dans ce cadre, il y a lieu de faire allusion à la position de la jurisprudence ayant été en faveur de la protection du contribuable notamment à travers la garantie de ses droits de la défense, face au mécanisme de la preuve qualifié comme « lourd et difficile » institué dans le droit fiscal ayant imposé «le contribuable de la charge de la preuve d'une manière absolue signifie qu'il y a beaucoup d'exagération que la jurisprudence doit l'atténuer et la rattraper » 191(*). De plus, le législateur tunisien en hésitant d'aborder d'une manière sérieuse en ce qui concerne la charge de la preuve veut dire qu'il a laissé au juge fiscal de faire la preuve de diligence dans le but de rendre compatible la théorie générale de la charge de la preuve avec la spécificité du droit fiscal qui institue sur la recherche et ce afin d'assurer un certain équilibre de donner des garanties pour le contribuable et l'intérêt du trésor192(*). Toute présomption ou indice utilisé par l'administration afin de motiver l'arrêté de taxation d'office doit avoir un fondement réel qui ne laisse aucune trace à l'intuition et aux suppositions. A cet égard, le T.A affirme que : « Considérant que la jurisprudence de ce tribunal bien qu'elle estime que l'administration fiscale a le droit d'adopter des présomptions lors de la détermination de l'impôt, a exigé que ces présomptions soient fondées et prouvées pour qu'elles ne demeurent pas de simples suppositions. Considérant qu'une telle preuve aurait due être établie par l'administration fiscale afin d'appuyer de pertinence de la taxation »193(*). En plus, en affirmant l'obligation à la charge de l'administration fiscale de faire la preuve de ses allégations et ses présomptions, le T.A ne dispense pas cette dernière de la charge de la preuve lors de la phase juridictionnelle du litige. Toutefois, le T.A a décidé que le contribuable ne peut pas être tenu de la preuve négative. En effet, lorsque le contribuable nie l'existence d'un revenu, la charge de la preuve relative à ces présomptions pèse sur l'administration194(*). Le renversement de la charge de la preuve a aussi comme fondement la disposition de l'administration fiscale du privilège de préalable puisque la décision fiscale bénéficie d'une force exécutoire ce qui peut alourdir la tâche du contribuable et rendre ses droits de la défense difficile. * 184 Mignon (E), «La charge de preuve: peut-on parler d'équité?», In Hattoux (B), «droit du contribuable: Etat des lieux prospectives », Economica, Paris, 2002, p.61. * 185 Kammoun (F), La charge de preuve en droit fiscal, mémoire pour l'obtention du diplôme des études approfondies en droit des affaires, Faculté de Droit de Sfax, 2002, p.55. * 186 Ibid. * 187 Yaich (A), « théorie fiscale », éd. Raouf. Yaich, Tunis, 2002, p.225. / V. - . ÇáæÑáí ÕáÇÍíÇÊ ÇáÇÏÇÑÉ ÇáÌÈÇÆíÉ ã.Þ.Ê 2002 Õ.92. * 188 De Castigne (L), « les présomptions en droit administratif », LGDJ, Paris, 1991, p.128. / Baltus (M), « Morale fiscale et renversement de preuve », Bruxelles, Bruylant, 1981, p.129. / V. (Ó) ÇáÈÑÌí "ãÚÖáÉ ÇáÇËÈÇÊ í äÒÇÚÇÊ ÇáÊæÙí ÇáÇÌÈÇÑí" ãáÊÞì " ÇáÞÇÖí ÇáÌÈÇÆí" ãäÙã ãä ØÑ ÇáÌãÚíÉ ÇáÊæäÓíÉ ááÞÇäæä ÇáÌÈÇÆí íæãí 3 æ 4 ÌÇí 2002 Õ.4. * 189 Articles de 6 jusqu'à 14 du CDPF / V. aussi. (Ó) ÇáÈÑÌí ÇáãÑÌÚ ÇáÓÇÈÞ Õ.4. * 190 Fendri (K), « le pouvoir du juge fiscal en Tunisie, RJL, mars, 2002, p. 478. * 191 T.A : affaire n°31998, rendu 21 février 2000, société la nouvelle Rotande contre CSTO. / T.A, affaire n°32368, rendu le 12 mars 2001, Mohamed Zarrouk contre DGI de Sousse. / V. - (ã) Èä ãÍãÏ " ÇáØÚä í ÞÑÇÑ ÇáÊæÙí ÇáÅÌÈÇÑí" ãáÊÞì Úáãí Íæá ÇáÌÏíÏ í ãÌáÉ ÇáÍÞæÞ æ ÇáÅÌÑÇÁÇÊ ÇáÌÈÇÆíÉ ÓæÓÉ äæãÈÑ 2001: - "Çä ÊÍãíá ÇáãÔÑÚ ÇáãØÇáÈ ÈÇáÖÑíÈÉ ÈÚÈÁ ÇáÇËÈÇÊ ÈÕÉ ãØáÞÉ íå ÇáßËíÑ ãä ÇáãÛÇáÇÉ ÇáÊí íÌÈ Úáì Þå ÇáÞÖÇÁ ä íÎ ãä æØÊåÇ æíÑÌÚ ÇáÇãæÑ Çáì äÕÇÈåÇ". * 192 V. - (Ó) ÇáÈÑÌí ÇáãÑÌÚ ÇáÓÇÈÞ Õ.2. - "æáÚá ÇáãÔÑÚ ÇáÊæäÓí ÈÚÒæå Úä ÇáÎæÖ ÈÌÏíÉ í ãÓáÉ ÇáËÈÇÊ ÇáÌÈÇÆí ÇäãÇ ÑÇÏ ÓÍ ÇáãÌÇá ááÞÇÖí ÇáÌÈÇÆí ÞÕÏ ÇÚãÇá ÇÌÊåÇÏå áãáÇÁãÉ ÇáäÙÑíÉ ÇáÚÇãÉ ááÇËÈÇÊ í ÎÕæÕíÉ ÇáÞÇäæä ÇáÌÈÇÆí ÇáÞÇÆã ÓÇÓÇ Úáì ßÑÉ ÇáÈÍË ÇáÏÇÆã Úä ÇíÌÇÏ Íá áÖãÇä ßÈÑ ÞÏÑ ããßä ãä ÇáÊæÇÒä Èíä ÍÞæÞ ÇáãØÇáÈ ÈÇáÏÇÁ æãÕáÍÉ ÇáÎÒíäÉ". * 193 T.A, affaire n° 31345, redu le 30 décembre 1996, inédit, cité par Abouda (A) :« Code des Droits et des Procédures Fiscaux », Tunis, IORT, 2001, p.161. - " æÍíË ä Þå ÞÖÇÁ åÐå ÇáãÍßãÉ áÆä íÑì ä áÇÏÇÑÉ ÇáÏÇÁÇÊ ÇáÍÞ í ÇáÇÚÊãÇÏ Úáì ÇáÞÑÇÆä ÇáÇäæäíÉ ÚäÏ ÊæÙíåÇ ááÏÇÁ Çäå ÞÏ ÞÑä Êáß ÇáÕáÇÍíÉ ÈÖÑæÑÉ ÊííÏ Êáß ÇáÞÑÇÆä æÇËÈÇÊåÇ í ÇáæÇÞÚ ÍÊì áÇ ÊÙá ãÌÑÏ ÊÎãíä æ ÇÊÑÇÖ. - æÍíË ä ãËá åÐÇ ÇáÇËÈÇÊ ßÇä ãä ÇáãÊÚíä Úáì ÇáÇÏÇÑÉ ÊæíÑå áÊííÏ æÌÇåÉ ÇáÊæÙí". * 194 V. - ÇáãÍßãÉ ÇáÇÏÇÑíÉ ÊÚÞíÈ ÞÖíÉ ÚÏÏ 823 19 íÑí 1990 ãÌãæÚÉ ÞÑÇÑÇÊ ÇáãÍßãÉ ÇáÇÏÇÑíÉ 1990 Õ.299. - "ÍíË ä ÚÈÁ ÇáÇËÈÇÊ æÇä ßÇä ãÍãæáÇ Úáì ÇáãØÇáÈ ÈÇáÇÏÇÁ ÇáÇ ä ãØÇáÈÊå ÈÅËÈÇÊ ÚÏã ÞíÇãå ÈäÔÇØ ãÚíä íÄÏí Çáì ÏÚÉ ááÇÓÊÏáÇá ÇáÓáÈí åÐÇ ÈÇáÇÖÇÉ Çáì ä ÇáÔíÆ ÈÇáãá ííÏ ÇáãÍßãÉ í ãÚÑÉ ÇáÚäÕÑ ÇáãÇÏí ÇáÐí ÇÚÊãÏÊå ÇáÇÏÇÑÉ áÇËÈÇÊ ããÇÑÓÉ ÇáãÚÞÈ ááäÔÇØ ÇáãÐßæÑ æ ÇáÍÇá Çä Þå ÞÖÇÁ åÐå ÇáãÍßãÉ ÇÓÊÞÑ Úáì æÌæÈ ÇáÊäÕíÕ ÈÇáãá ÇáÌÈÇÆí Úáì ßá ÇáÞÑÇÆä ÇáæÇÞÚíÉ æÇáÞÇäæäíÉ ÇáãÚÊãÏÉ ãä ÞÈá ÇáÇÏÇÑÉ æÚáíå Çä ÇáÞÑÇÑ ÇáãäÞÏ íÛÏæ í ÖæÁ ãÇ ÊÞÏã ãÚíÈÇ ÈÊÍÑíå ááæÞÇÆÚ æÈÇáÊÇáí ÌÏíÑÇ ÈÇáäÞÖ". |
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