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Les droits de défense dans le contentieux fiscal.


par Mohamed Heni KHANFIR
Faculté de Droit de Sfax - Mastère de recherche en droit public 2018
  

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Section 2: La remise en cause de la conciliation:

Malgré les avantages de la procédure de la conciliation notamment par la protection du contribuable contre les abus de l'administration fiscale, la conciliation a connu un certain affaiblissement (paragraphe 1), et une certaine inefficacité (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'affaiblissement de la procédure de la conciliation:

Les dispositions du CDPF, régissant la phase de la conciliation semblent être brièvement formulées. En effet, à travers les dispositions des articles 60 et 61 du CDPF, aucune allusion n'a été faite aux obligations des parties lors de la période de conciliation173(*).

D'ailleurs, l'administration fiscale n'est pas tenue de faire des propositions afin de régler à l'amiable les litiges qui l'opposent aux contribuables. Même si elle a proposé un arrangement au contribuable, rien ne l'empêche de changer sa position ou de renoncer à la conciliation des négociations avec le contribuable.

De plus, en mettant l'accent sur la possibilité de revenir sur ses propositions, l'administration fiscale a précisé que « les deux parties conviennent à un arrangement sur l'imposition après le rapprochement de leurs points de vue, la signature d'un procès-verbal de conciliation n'est pas instantanée, mais le juge rapporteur leur attribue un délai de réflexion et de consultation»174(*).

En l'absence d'une habilitation particulière des agents de l'administration fiscale pour négocier au nom du Trésor175(*), la procédure de la conciliation risque de perdre son intérêt. En effet, la négociation avec les contribuables est menée par les agents du bureau régional du contrôle fiscal.

Toutefois, la décision définitive quant à l'objet de l'arrangement avec le contribuable est prise par l'administration centrale. Tout se passe comme si le contribuable et les services de l'administration fiscale étaient invités à élaborer un projet de conciliation, ce dernier doit être homologué par les services de l'administration centrale.

La phase de la conciliation peut être source des difficultés pour le contribuable. En effet, il est souvent requis du contribuable, lors de la phase de la conciliation, de présenter une proposition ou un projet de la conciliation176(*). Or, «cette approche qui n'est pas conforme au texte consacre un droit de préférence pour l'administration et risque de créer une certaine inégalité entre les parties »177(*).

Outre l'affaiblissement, la remise cause de la conciliation se traduit aussi avec l'inefficacité.

Paragraphe 2 : L'inefficacité de la conciliation juridictionnelle:

L'article 60 du CDPF dispose que le président du tribunal de première instance remet l'affaire au juge rapporteur qui fait son mieux pour rapprocher les points de vue de l'administration fiscale et le contribuable. L'objectif de ces dispositions c'est «d'inciter le juge à oeuvrer dans le sens d'une conciliation de l'administration et de contribuable et ce, en créant un climat favorable pour trancher un litige à l'amiable»178(*).

Cependant, malgré le caractère ambitieux de ces objectifs, le CDPF n'a pas doté le juge conciliateur de pouvoirs précis et des moyens légaux lui permettant d'exercer sa mission avec efficacité. Il doit donc agir dans le respect des principes de la neutralité énoncé par les dispositions de l'article 12 du CPCC179(*).

Par ailleurs, même si on admet que l'institution d'une procédure de conciliation, dans le domaine fiscal, est à la fois utile et indispensable, il semblerait que la programmation par le législateur de cette procédure est inopportune et la ferait perdre, par-là, une grande part de son efficacité.

Pour le contribuable, la conciliation n'aura plus grand intérêt puisqu'il est déjà acquitté du montant prévu à l'arrêté de taxation d'office, soit il a fait l'avance de 10% du principal de l'impôt180(*). Il n'est pas certain qu'il renonce à ses droits pour conclure un accord de conciliation, il préférera plutôt attendre l'intervention d'un jugement.

Actuellement, la conciliation devient inefficace puisqu'elle appartient à la compétence de l'administration fiscale. D'ailleurs, le législateur tunisien à travers la loi des finances pour l'année 2017181(*) a mal fait lorsqu'il donne cette phase au pouvoir de l'administration au lieu de la donner à un juge neutre et impartial ce qui peut diminuer les chances du contribuable à avoir un bon procès. Dans ce cas, l'administration fiscale devient un juge et une partie en même temps ce qui peut menacer l'égalité entre les parties et même relativiser les droits de la défense.

D'ailleurs l'article 46 de la loi des finances pour l'année 2017 prévoit l'expiration du délai de recours au lieu de l'achèvement de la phase de la conciliation judiciaire prévue par l'article 60 du CDPF.

L'octroi de la conciliation à un organe administratif (commission de conciliation ou bien l'administration fiscale) reste inefficace et peut limiter le droit du contribuable à avoir une bonne justice ou même limiter son droit du recours vers un juge comme étant une parmi les garanties de ce dernier.

Pour l'administration fiscale, cette phase n'a pas un grand intérêt puisque l'arrêté de taxation d'office est pris parle ministre des finances auparavant, mais actuellement, est pris par le directeur général des impôts, le président de l'unité du contrôle national fiscal, le chef des grandes entreprises ou le chef du centre régional du contrôle fiscal182(*). Cet arrêté a une force exécutoire dès son apparition. C'est pour cela, Les agents de l'administration fiscale devraient donc veiller à l'exécuter intégralement.

Comme «il est facile de barrer un fleuve à sa source qu'à son embouchure: mieux vaut aussi prévoir une voie plus souple que la procédure réellement contentieuse pour vider au plus tôt le différend»183(*).

Outre les limites aux niveaux procéduraux, les insuffisances des droits de la défense prennent aussi la forme d'inégalité entre les parties en litiges concernant la charge de la preuve.

* 173 Articles 60 et 61 du CDPF.

* 174 Note commune n°9 pour l'année 2002 fixant le contentieux de l'assiette de l'impôt devant les tribunaux de l'ordre judiciaire. P 94.

* 175 Ktata (A), La conciliation juridictionnelle en matière fiscale, R.T.F, n°3, 2005, p.113.

* 176 Ibid, p.114.

* 177 Mtir (M), La procédure de conciliation dans le CDPF peut elle réussir, RCF, n°56, 2002, p.76.

* 178 Voir la réponse du ministre des finances, débat parlementaire, JORT précité, p.1981.

* 179 Il semble que le législateur s'est inspiré, en matière fiscale, du rôle de conciliateur consacré précédemment par l'article 32 du Code du Statut Personnel, qui prévoit à son tour, que le divorce n'est prononcé qu'après que le juge de la famille ait déployé un effort dans la tentative de conciliation demeuré infructueuse. Cependant, il faut signaler que l'objet de litige dans les deux domaines est loin de revêtir le même caractère.

* 180 Article 52 du CDPF tel qu'il est modifié par l'article 62 de la loi n°53-2015 datée le 25 décembre 2015 relative à la loi des finances pour l'année 2016.

* 181 Article 45 et 46 de la loi n°78-2016 redue le 17 décembre 2016 qui ont modifié l'article 60 et 61 du CDPF.

* 182 Article 50 du CDPF tel qu'il est modifié par l'article 42 de la loi n°54-2013 datée le 30 décembre 2013 relative à la loi des finances pour l'année 2014 ou par l'article 30 de la loi n°2017-66 du 18 décembre 2017 relative à la loi des finances pour l'année 2018.

* 183 Trotabas (L) et Cotteret (J.M), Droit fiscal, Paris, Dalloz, n°209, p.255.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci