Les droits de défense dans le contentieux fiscal.par Mohamed Heni KHANFIR Faculté de Droit de Sfax - Mastère de recherche en droit public 2018 |
Paragraphe 2: Le caractère relatif de droit du contribuable à un juge d'appel :Traditionnellement, le principe du double degré de juridiction est déduit par le souci de rendre la justice de meilleure qualité. D'ailleurs, les juges qui composent la juridiction d'appel ont acquis, grâce à leur carrière, une expérience et peuvent être qualifiés plus que leurs collègues de premier degré161(*). Toutefois, cette règle demeure simple et son objectif est relatif. En effet, « s'il est vrai que l'expérience peut conférer la sagesse, elle ne garantit pas la connaissance meilleure du droit... »162(*). Ce postulat est relatif surtout au niveau du procès fiscal pour deux raisons : En premier lieu, l'arrangement tiré de l'expérience n'est pas décisif. En effet, la pratique révèle que la chambre fiscale au sein du tribunal de première instance est composée de juges qui avaient présidé l'ancienne Commission Spéciale de Taxation d'Office. En deuxième lieu, l'argument tiré de la connaissance meilleure du droit acquis par les juges qui appartiennent à la cour d'appel n'est pas décisif. D'ailleurs, le désintéressement des magistrats de la fiscalité est dû à la marginalisation de l'enseignement. Mieux encore, il n'est pas étonnant dans ces conditions de voir les magistrats manifestent pendant des décennies, un faible intérêt à l'étude de cette matière à telle enseigne que le président Hilali a qualifié la fiscalité comme étant le « talent d'Achille » de la justice tunisienne163(*). Compte tenu de la solution de l'appel interjetée par la partie succombante n'aboutit pas à la substitution d'une décision de moindre qualité par une décision excellente : l'inverse pourrait se réaliser164(*). Par ailleurs, le caractère non suspensif de l'appel limite la portée pratique du droit de contribuable d'accès au juge. En effet, l'article 67 du CDPF prévoit que l'appel est interjeté contre les jugements de première instance rendu dans les recours facultatifs à la taxation d'office n'est pas suspensif de l'exécution de ce jugement. De ce fait, le jugement rendu par tribunal de première instance est exécutoire nonobstant appel. Ce principe est à priori surprenant étant donné que l'appel est une voie de recours ordinaire et utilisée et que ce principe en procédure civile et celui de l'effet suspensif165(*). En plus, la logique commande le principe de l'effet suspensif de l'appel166(*). En réalité, l'effet non suspensif du recours en appel en matière de contentieux d'assiette se justifie aisément. En effet, le contentieux fiscal fait partie du contentieux administratif167(*) et le caractère non suspensif de l'appel constitue un principe fondamental du contentieux administratif168(*). De plus, le principe de l'effet non suspensif de l'appel illustre la primauté de l'autorité de la chose jugée, fût elle provisoire, sur celle de la chose décidée. D'ailleurs, l'acte administratif bénéficie de la règle de légalité. Mais cette règle doit céder dès lors que les juges ont constaté son irrégularité et l'annulation doit avoir des effets suspensifs»169(*) . Enfin, le principe de l'effet non suspensif de l'appel ne s'impose pas forcément au pouvoir législatif. D'ailleurs, l'article 146 du CPCC a prévu l'éventualité d'une dérogation apportée à ce principe. Dans ce sens, l'absence d'effet suspensif d'appel limite l'effet pratique de cette voie de recours. « L'appel est amputé de l'un de ses effets, il ne peut produire pleinement l'effet escompté »170(*). Pratiquement, la limitation de l'intérêt pratique de l'appel et généralement le droit du recours juridictionnel est prévue par l'article 67 du CDPF qui comporte une déformation du principe de l'effet non suspensif d'appel dans un sens favorable à l'administration fiscale171(*). Cette solution dérogatoire résume la rupture du principe de l'égalité entre le contribuable d'une part et l'administration fiscale d'autre part172(*). D'ailleurs, l'administration fiscale bénéficie du principe de l'effet non suspensif d'appel dans le sens que le jugement de première instance prononcerait la décharge des impositions et elle n'est pas tenue de restituer les sommes recouvrées dans le cadre de l'exécution de l'arrêté de taxation d'office. La solution prévue par l'article 67 du CDPF maintient le statu quo jusqu'à l'intervention d'un jugement définitif. L'enjeu est peut être de prémunir l'administration contre le risque de non paiement d'une imposition qui fait l'objet d'une décharge par un jugement du tribunal de première instance mais qui a été confirmée en appel. Outre ces caractères concernant les assouplissements des droits de la défense du contribuable, il existe aussi la remise en cause de conciliation. * 161 Guinchard (S), Bondrac (M), Lagarde (X) et Douchy (M), « Droit processuel, droit commun du procès », Dalloz delta, 1ère édition, 2001, n°308. * 162 Ibid. * 163 V (Ú) ÇáåáÇáí " ÇáÞÖÇÁ ÇáÌÈÇÆí í ÊæäÓ Èíä ÇáæÇÞÚ æ ÇáÞÇäæä" ã.Þ.Ê 1983 ÚÏÏ1 Õ.25. * 164 Article 146 du CPCC. * 165 C.E, 20 novembre 1959, Jaouen et 23 décembre 1959, Gliksaman, D, 1961, p.256. * 166 V. - (Ó). ßãæä í ÊÏÚíã ÏæÑ ÇáÞÖÇÁ í ÇáäÒÇÚÇÊ ÇáÌÈÇÆíÉ ÊÏÚíã áÖãÇäÇÊ ÇáÎÇÖÚÉ ááÏÇÁ" ãáÊÞì Íæá ãÌáÉ ÇáÍÞæÞ æÇáÅÌÑÇÁÇÊ ÇáÌÈÇÆíÉ ÊäÙíã ÇáãÚåÏ ÇáÚáì ááÞÖÇÁ ÈÇáÔÑÇßÉ ãÚ ãÍßãÉ ÇáÇÓÊÆäÇ ÈÕÇÞÓ ÕÇÞÓ 9 íÑí 2001 Õ.18. * 167 Bern (P), « La nature juridique du contentieux de l'imposition », LGDJ, 1972, p.5. * 168 Chapus (R), « Droit du contentieux administratif », Montchrestien, 8éme édition, 1999, n°1320. * 169 Pacteau (B), paradoxes et périls du principe de l'effet non suspensif de l'appel en contentieux administratif, in mélange Chapus (R), Paris, Montchrestien, 1992, p501. * 170 Fendri (K), Le particularisme de la procédure fiscale contentieuse », R.J.L, 2002, n°3, p.62 et 63. * 171 V. - (Ó). ßãæä ÇáãÑÌÚ ÇáÓÇÈÞ. * 172 Ktata (A), Le contentieux de l'imposition à travers le Code des Droits et des Procédures Fiscaux, mémoire de D.E.A en droit public et commercial international, Faculté de Droit de Sfax, 2001-2002, p.102. |
|