WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

En Europe, la traçabilité des produits de la mer permet-elle de contribuer à  lutter contre les pêches illicites?


par Bruno MORIN
Université de Nantes - Master en droit des activités maritimes et océaniques 2015
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

3- La défaillance de la traçabilité externe, un risque économique réel.

Récemment, une entreprise française a obtenu un marché italien concernant un lot de quelques tonnes de produits de la mer. Ainsi, cette entreprise a expédié, via un transporteur frigorifique, le lot commandé. Lors de l'arrivé de la cargaison en Italie, une inspection de la marchandise a été réalisée par les services sanitaires italiens. Ces derniers, malgré le constat d'un bon état sanitaire et des éléments de traçabilité interne parfaits, ont bloqué ce lot car les mentions de traçabilité « contrôle » étaient incomplètes. En effet, la tolérance accordée par l'administration française concernant la mise en place de la traçabilité externe n'a de valeur que sur le marché français. Il aura donc fallu l'intervention de la direction des pêches française auprès du gouvernement Italien pour que ce lot soit débloqué.

Cette affaire a démontré les limites du système actuellement mis en place et le manque d'harmonisation au sein du territoire de l'Union pose de réels problèmes pouvant avoir un impact négatif sur la filière commerciale des produits de la mer.

En effet, tous les produits qui transitent sur le territoire de l'Union doivent être traçables, mais si lors d'inspections les produits commercialisés sont bloqués ou consignés, la perte financière pour l'opérateur sera très importante. De plus le risque de perte de parts de marché s'avère grandissant si un exploitant ne peut expédier ses produits hors du sol national en toute quiétude. La mise en place d'un système harmonisé entre Etats membres s'avère donc nécessaire afin de ne pas risquer de bloquer ou de dégrader le commerce de cette filière. De plus, l'électronisation de cette traçabilité parait indispensable du fait du nombre très important d'informations que peuvent accompagner un lot. Le risque de surcoût de traitement de l'information, du au temps nécessaire à la mise a disposition actuelle des documents accompagnant les lots, est très élevé. Ce qui a pour finalité

La traçabilité des produits de la mer permet-elle de lutter contre les pêches INN ?

Master 2 DSAMO - 2015

Page :

53

d'augmenter les charges des operateurs alors que paradoxalement cette traçabilité externe a vocation à garantir une sécurité de la ressource pour assurer un développement de l'économie liée aux produits de la mer.

En outre, le risque de mise en oeuvre partielle ou approximative des règles en matière de traçabilité externe pourrait également générer des distorsions de concurrence au sein même de l'Union Européenne car s'il existe une inégalité d'application des règles et que cette inégalité génère des surcouts pour certains opérateurs, toute l'économie de production halieutique de l'Etat membre ayant ce surcoût pourrait s'effondrer.

Actuellement, le système français de contrôle de la filière de commercialisation des produits de la mer est essentiellement basé sur la vérification des mentions d'étiquetage et éventuellement de traçabilité externe. En effet, les contrôles ciblés sur les espèces halieutiques font partie de plans nationaux ou régionaux de contrôle propre à chaque type de traçabilité ou de commercialisation, il existe donc des plans de surveillance sanitaire, de conformité à l'étiquetage ou des pêches. Les agents de ces ministères étant plutôt spécialisés dans leur domaine de compétence, ils auront pour objectif premier l'application des contrôles édictés par leur direction et collaboreront à l'atteinte des objectifs des plans des autres directions.

Ainsi, la répartition des effectifs de contrôle correspondra aux principaux centres d'intérêts des plans de l'administration dont dépend l'unité de contrôle. Les agents des Directions Départementales de la Protection des Populations (DDPP), ayant pour direction de tutelle la DGAL ou la DGCCRF seront en premier lieu focalisés sur les contrôles liés à l'aspect sanitaire ou au respect du code de la consommation. Les agents des douanes, sous l'autorité du ministère des finances, seront axés sur la bonne validité des certificats de capture dans les postes d'inspection frontaliers. Enfin, les agents du Dispositif de Contrôle et de Surveillance (DCS) de la Direction des Affaires Maritimes seront plutôt axés sur l`application des plans de contrôle des pêches et notamment l'application de la traçabilité externe.

Cependant, même si l'ensemble des inspecteurs participent aux inspections sur cette traçabilité externe, les enjeux liés à ces actions de contrôle ne peuvent pas être perçus à l'identique des agents du DCS dont c'est le coeur de métier. En effet, les notions d'épuisements des stocks halieutiques, de lutte contre les pêches INN, de maintien de l'activité socio-économique de la pêche ne seront pas forcément les infractions recherchées par un inspecteur d'une administration concourante à ces plans et qui exerce, par exemple,

La traçabilité des produits de la mer permet-elle de lutter contre les pêches INN ?

Master 2 DSAMO - 2015

dans l'Est du territoire Français, à plusieurs centaines de kilomètres de la mer. De plus, les agents spécialisés dans ce domaine étant essentiellement basés le long des départements littoraux, ils ne conduisent pas d'inspection au sein du territoire national, exception faite des investigations menées par le réseau INN de la DIRM NAMO qui, pour l'instant, reste à l'échelle des régions Pays de Loire et Bretagne.

Le risque économique de par le manque de spécialisation des unités de contrôle est réel car l'écoulement des produits issus de modes de productions illégaux se feront sur des marchés de masse, de par la quantité vendue. Ces marchés étant évidement proportionnels aux populations, les grandes métropoles sont principalement les zones ou l'écoulement de produits d'origine illégale se fera plus facilement. Si ces métropole ne dispose pas d'un système d'inspection spécialisé, ou si les systèmes en place ne sont pas suffisamment formés, il sera aisé pour un opérateur mal intentionné de commercialiser des produits frauduleux. En effet, un inspecteur n'ayant pas une expertise particulière à l'architecture du système de traçabilité contrôle pourra facilement croire qu'une absence de mention peut être un simple oubli, ou bien ne verra pas forcément qu'une espèce présentée sur un étal est commercialisée malgré une interdiction de capture, un quota fermé ou provenant d'un état non coopérant.

Le fait que la surveillance de la traçabilité externe ne puisse se faire sans pouvoir vérifier immédiatement la légalité de l'origine de la chose vendue, crée un risque que des circuits frauduleux se pérennisent au détriment des activités légales de production et de commercialisation.

Page :

54

La traçabilité des produits de la mer permet-elle de lutter contre les pêches INN ?

Master 2 DSAMO - 2015

Conclusion - Lutter contre la pêche illicite en se servant de la traçabilité, une utopiste réalité.

Page :

55

Etre en capacité de remonter à l'origine d'un produit de la mer en partant de n'importe quel point de la filière commerciale est en soit un objectif plébiscité par l'ensemble des pays occidentaux et particulièrement par l'Union Européenne. Les différentes réglementations, ainsi que les résolutions et recommandations internationales, ont toutes comme objectif de vouloir préserver les océans en luttant activement contre les pêches Illicites, Non déclarées et Non réglementées avec, pour action principale, de certifier l'origine des captures. Sur le territoire européen, les règles en matière de traçabilités externe existent mais se heurtent à des difficultés importantes de mise en oeuvre de par la complexité du marché et la différence des types de gouvernance nationale.

Les pouvoirs alloués tant aux inspecteurs qu'au système d'inspection peuvent permettre, de façon laborieuse actuellement, le temps que cette réglementation se mette en place, de remonter jusqu'à l'origine d'un produit. Mais le fait qu'il n'existe pas de système identique dans chaque Etat Membre peut facilement poser des problèmes de communication d'information de traçage entre ces Etats.

Cependant cette origine ne pourra être que le point d'entrée sur le territoire de l'Union. En effet les limites juridiques des pouvoirs des Etats ne peuvent permettre d'enquêter sur un sol étranger. Cela restreint donc les effets de cette traçabilité comme outil de lutte contre les pêcheries illicites car il ne sera que très difficilement possible de vérifier l'origine d'un produit au delà des frontières de l'Europe.

La traçabilité externe pourra surement être le meilleur moyen de lutter contre les pêches illicites, si et seulement si les règles en la matière deviennent internationales et fassent l'objet, à l'identique de certaines pratiques maritimes illicites, telle la piraterie, d'un traité ou accord international permettant de mener des actions de contrôle sur tous les navires suspects et offrant la possibilité de sanctionner lourdement ces pilleurs des océans.

La traçabilité des produits de la mer permet-elle de lutter contre les pêches INN ?

Master 2 DSAMO - 2015

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo