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En Europe, la traçabilité des produits de la mer permet-elle de contribuer à  lutter contre les pêches illicites?


par Bruno MORIN
Université de Nantes - Master en droit des activités maritimes et océaniques 2015
  

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2 - Les limites de la responsabilité des opérateurs

Malgré ce système mis en place, et le délai accorder, un opérateur ne pourra cependant fournir que les données dont il dispose. En effet, lors d'une transaction commerciale, le fournisseur délivrera les documents de traçabilité externe concernant les produits de mer vendu, documents qu'il détiendra de son propre fournisseur. Ainsi, au bout de la chaine de commercialisation un détaillant pourra être l'operateur final de plusieurs intermédiaires. Lors d'une inspection, cet opérateur devra fournir, sous un délai de 24 heures les informations concernant l'origine du lot. Cette exigence sera particulièrement difficile à satisfaire s'il ne possède pas une documentation parfaite des produits vendus. En effet, si un document s'avère incomplet, ou manquant, l'opérateur demandera à son fournisseur de lui fournir le complément d'information. Ce dernier aura peut-être la nécessité de demander à son propre fournisseur, et ainsi de suite jusqu'au point de débarquement ou d'importation du produit. Le délai pour réunir ou corriger un défaut de traçabilité peut s'avérer long, et largement dépasser les heures allouées. Ainsi, l'operateur final devrait vérifier systématiquement, lorsqu'il achète un lot, que l'ensemble des informations de traçabilité externe accompagne bien le lot en question. Cependant, le système tel qu'il est actuellement organisé ressemble étroitement à la traçabilité sanitaire. En effet, les opérateurs sont dépendants de leurs fournisseurs quant à l'accès aux informations de traçabilité et ne peuvent, en l'état actuel des choses, remonter à l'origine du produit commercialisé de façon immédiate. La traçabilité externe, telle qu'elle est actuellement mise en oeuvre dans l'attente du système SALTO, ne présente qu'une valeur ajouté minime au regard des objectifs assignés par le règlement « contrôle ».

Pourtant, les obligations déclaratives imposées aux producteurs, faisant l'objet d'un suivi très strict de par les systèmes de surveillance électroniques (VMS, journal de pêche électronique) mis en place ainsi que les objectifs de contrôle imposés par la réglementation européenne et le plan national de contrôle des pêches, ou aux importateurs dans le cadre de la certification de captures, permettent de recueillir de façon fiable l'intégralité des informations sur l'origine des produits lors des débarquements. La difficulté principale réside dans la division et la fusion de lots, surtout s'ils sont accompagnés de supports documentaires qui se démultiplieront autant de fois qu'il y aura de mélange ou division de lots. De plus les applications informatiques liées aux activités de production ne sont pas communicables ou ineffaçables avec l'application SALTO ce qui générera donc un surcroit de

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travail de saisie informatique auprès des premiers acheteurs et imposera aux producteurs de communiquer les informations de zone et de date de capture en double, une pour saisie sur les applications réglementaires électroniques à bord et une pour le premier acheteur.

Cette complexité du marché de par sa taille et le nombre d'intermédiaires ne parait pas pouvoir, de façon fiable, permettre un retraçage rapide vers l'origine d'un lot sans informatisation de l'ensemble des informations incrémentées tout au long de la chaine. Aussi, la responsabilité des opérateurs devient de fait, limitée aux éléments dont il peut avoir accès. Malgré l'obligation de résultats édictée par la règlementation européenne qui incombe à ces opérateurs, si l'Etat membre est défaillant dans la mise en place de moyens permettant de tracer l'origine des produits de la mer commercialisés, les opérateurs incriminés ne pourront être responsables de ces carences, sauf s'il s'agit d'une tromperie volontaire de leur part.

Actuellement, seul le Thon Rouge, (thunnus thynnus) fait l'objet d'une traçabilité externe élaborée. En effet, cette espèce, pêchée sous l'égide de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (ICCAT ou CICTA)94, ORGP dont l'ensemble des pays commercialisant cette espèce en sont membres. Ainsi, conformément aux recommandations de cette organisation, l'ensemble des thons rouges commercialisés doit être accompagné d'un document de capture, nommé « Bluefin Catch Document », obligation également reprise dans un règlement européen95 spécifique, qui suit chaque lot et la division de ces lots jusqu'au détaillant. Ainsi, il s'avère donc normalement possible de remonter à tout moment l'origine du thon rouge vendu.

Cette particularité n'est évidemment pas applicable à toutes les espèces car cela représenterait non seulement une masse documentaire considérable, mais imposerait une gestion mondiale de la traçabilité de contrôle même si cette dernière évolution correspond à la volonté affichée de la FAO. Ainsi, un étal de détaillant bien achalandé devrait posséder plusieurs dizaines, voire centaines, de documents de traçabilité externe des produits qu'il commercialise ce qui parait très difficilement réalisable mais qui pourtant est, dans l'attente de SALTO, la seule solution. Aussi, la position Française, d'avoir acté dans une note, un

94 : Organisation intergouvernementale, crée en 1969 dont le siège est à Madrid. (www.iccat.int)

95 : Règlement (CE) n° 302/2009 du conseil du 06/04/09 relatif à un plan pluriannuel de reconstitution des stocks de thon rouge dans l'Atlantique Est et la Méditerranée

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système transitoire en attendant cette application informatique, permet également à l'ensemble de la filière de se concerter et de préparer la mise en place de cet outil de la façon la plus efficace possible.

Cependant, dans l'attente des évolutions à venir, l'absence ou la difficulté d'obtenir ces éléments sur l'origine de la chose vendue peux générer des difficultés importantes tant lors d'inspections que de commerce vers un autre Etat membre.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon