L'Union Africaine face aux graves violations des droits de l'homme.par Paul Sékou YARADOUNO Université générale Lansana Conté Sonfonia-Conakry Guinée - Master droits de l'homme et droits humanitaires 2019 |
Paragraphe 2 : les ambigüités du mécanismeLe mécanisme instauré par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples est confronté à certaines ambigüités qui, anéantissent l'efficacité du processus de promotion et de protection des droits de l'homme et des peuples. Cela s'explique par les carences éprouvées par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (A) et, les Problèmes d'exécution des arrêts de la Cour par les Etats (B) A - les carences de la CommissionPrincipalement créée dans l'idéal de régler les différends à l'amiable dans un souci de sauvegarde de la souveraineté des Etats membres, la Commission africaine est de plus en plus encline à condamner les violations des droits de l'homme sur le continent mais peine en réalité à contraindre la protection des droits proclamés dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples240(*). Trop peu de résolutions sont prises à cet effet lors des sessions de la Commission africaine et mieux, l'intérêt de porter pour examen les communications à la Commission est relatif. Ainsi, cette situation sur les délais qu'elle fixe en rendant souvent ses décisions, la rend assez faible dans sa mission de promotion et de protection des droits proclamés dans la Charte. Le délai d'examen des communications est très variable, souvent trop long, entre 2 et 8 ans (la décision Diakité v. Gabon a été rendue en 2000 alors que l'affaire a été portée devant la Commission en 1992)241(*). Cela s'explique par le fait que la Commission se penche assez longuement sur le règlement à l'amiable que de viser l'efficacité malgré l'urgence du cas à examiner. De l'autre côté, le prolongement des délais entre le temps de recevabilité de la communication et la décision d'admissibilité, la mise en commun des communications portant sur un même pays, l'absence de priorité dans l'examen des communications, l'imprécision de la procédure, des sessions éphémères par l'absence de moyens financiers, des retards dans l'exécution des missions d'information et de finalisation des rapports d'activités, le manque de personnel au secrétariat de la Commission. Et, dans son rôle de promotion et de protection des droits de l'homme, elle est bloquée également par l'absence de résolutions condamnant les violations des droits de l'homme par les Etats, le nombre insuffisant d'enquêtes de terrain menées par les commissaires du fait de l'absence de volonté des Etas mis en cause, d'un temps trop long de traitement des communications individuelles par la Commission, même s'il est en cours d'amélioration, une procédure complexe pour obliger les Etats à appliquer les recommandations de la Commission, la plus part demeurant dès lors non suivi d'effets, un manque de visibilité des travaux de la Commission et un budget trop faible alloué à la Commission par l'UA242(*). Ainsi, si les décisions de la Commission au titre des communications sont souvent graduelles en ce qui est de la protection des droits de l'homme, leurs retombés sont en général nul car très souvent non appliqué par les Etats condamnés. D'autant plus que celles-ci ne sont que des recommandations donc, dépourvue de toute force contraignante, or jusqu'en 2009243(*) et avec l'adoption du règlement intérieur intérimaire de la Commission, aucun mécanisme de suivi de leur mise en application par les Etas n'existait. En sus, à ces carences viennent se greffer la lenteur et l'absence de moyens de pression des décisions, mais également la non connaissance de la procédure par les Etats, les ONG et les individus expliquent véritablement le nombre moins élevé de communication adressé à la Commission en déduction des moindres décisions prises sur le fond. Ces difficultés justifiaient à elles seules la mise en place d'une réelle juridiction chargée de la protection des droits garantis par la Charte africaine, aux décisions contraignantes de la Commission. De toute évidence, avec la mise en place du nouveau Règlement intérieur intérimaire, le mandat de la Commission serait plus efficace. Car désormais, il contraint les Etats contre lesquels une décision a été prise au titre de la communication, à présenter par écrit dans un délai de 6 mois, toutes les mesures adoptées pour donner effet à celles-ci à compter du jour de la notification de la décision. Si la Commission ne reçoit aucune information de cet Etat dans le délai, il lui sera accordé 3 mois supplémentaire pour les lui faire parvenir. Toutes ces opérations sont soumises progressivement à la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement qui, l'inclura dans ses rapports puisqu'il est pour la Commission l'organe de référence par excellence. Or il est à reconnaitre que la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement est un organe politique auquel la Charte africaine confère un rôle décisionnel exorbitant tout au long du processus. En plus de cette carence sémantique, il faut s'attarder sur le fait que la Commission ne peut qu'attirer l'attention de l'organe suprême de l'UA sur les faits à étudier et doit l'envoyer en fin ses conclusions et recommandations sur la situation en cause. En fin, en matière de communications qu'elle adresse, ses pouvoirs sont très limités. D'autant plus que les mesures n'ont pas d'effets obligatoire ou contraignantes à l'égard des Etats, et restent « confidentielles » au regard de ce qu'exprime l'article 59 de la Charte africaine, à moins que la Conférence des chefs d'Etat n'en décide autrement. De même que le rapport « circonstancié » de la Commission, accompagné de ses conclusions et recommandation, sont soumis à cette exigence, ne pouvant être diffusé qu'avec l'accord de l'organe suprême de l'UA244(*). Il en découle que ce manque de publicité des actes de la Commission africaine en déduit véritablement sa portée surtout quand on tient compte de l'importance que revêt le jugement de l'opinion publique nationale et internationale dans l'évolution des droits de l'homme sur le continent africain. Cependant, le droit de regard que se sont réservés les chefs d'Etat et de Gouvernement enlève au mécanisme établit toute efficacité, du moins sur le plan de la publicité. Autant la Commission éprouve des difficultés face à ses décisions dans la poursuite de sa mission, la Cour africaine n'est pas en reste de ces problèmes. * 240 Kaba S. , Historique sur la Cour ADHP, Novembre 2004. p.18 * 241 Affaire Diakité v. Gabon, Commis. ADHP. 2000 * 242 FIDH, p.27 * 243 Ibid., p.27 * 244 A cet égard la Commission africaine s'écarte du model américain, les rapports de la Commission interaméricaine étant publics. il en allait de même des décisions de la Commission européenne avant l'entrée en vigueur du protocole n011 à la Convention européenne des droits de l'homme portant restructuration du mécanisme de contrôle établit par la Convention, 11 mai 1994. |
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