L'Union Africaine face aux graves violations des droits de l'homme.par Paul Sékou YARADOUNO Université générale Lansana Conté Sonfonia-Conakry Guinée - Master droits de l'homme et droits humanitaires 2019 |
B - Une compétence personnelle en apparence de la Commission africaineLa saisine de la Commission africaine semble ouverte mais force est de remarquer que cette ouverture est soumise à certaines conditionnalités. En clair, cette compétence personnelle lui permet de connaitre des communications étatiques et non étatiques. Ainsi, en raison de la solidarité que font preuve les chefs d'Etats africains, ces derniers préfèrent la circonspection dans cette procédure comme révèle le constat car, ils priorisent généralement la voie diplomatique234(*), pour régler la question tout en maintenant la possibilité de porter l'affaire devant la Commission235(*) des droits de l'homme et des peuples. Néanmoins, la Commission africaine peut connaitre autres communications que celles émanant des Etats parties à la Charte en reconnaissant le recourt individuel. D'ailleurs, plusieurs observateurs ont interprété l'expression ?autres communications» comme faisant allusion à celles dont sont titulaires les individus et les peuples disposant des droits dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. A propos, le règlement intérieur de la Commission précise en son article 103(1) que la Commission peut demander à tout moment à l'auteur de la communication des informations concernant (noms, de préciser son adresse, son âge et profession). En la matière, la clarté est apportée par l'article 114 qui précise que celles-ci peuvent provenir d'une prétendue victime d'une violation des droits consacrés, mais par toute organisation pouvant fournir la preuve de violations graves et massives des droits consacrés. Du coup, il faut dire qu'à ce niveau la Charte se montre plus libérale puisqu'elle permet aux individus et autres organismes ayant intérêt d'agir à travers une actio popularis. Or, la Convention a établi une liste limitative des requêtes non étatiques236(*), entrainant donc une restriction sur l'usage de ce droit aux individus, aux groupes de particuliers et aux ONG, exhibant des preuves concrètes en leur possession face aux droits en cause. Ainsi, cette possibilité offerte aux particuliers et autres entités se manifeste aussi au niveau des requêtes non étatiques puisque n'étant pas soumise à la double exigence de la déclaration de reconnaissance spéciale de la juridiction de la Commission et de l'autre, la nécessité d'exprimer un intérêt à agir. Par contre, la simple ratification de la Charte par un Etat, implique la pleine reconnaissance de celui-ci des compétences de la Commission pour connaitre des requêtes qu'elles soient individuelles ou étatiques. Cela est remarquable car dans le cadre universel, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques conditionne la recevabilité des communications au seul fait que l'Etat accusé soit partie au Protocol facultatif237(*). A partir de là, il importe de noter qu'en dépit des souplesses dans la saisine de la Commission face à la recevabilité des communications, sa saisine est sujette de conditions hormis l'épuisement des voies de recours interne. C'est d'ailleurs ce que l'on tire de la lecture et de la compréhension de l'article 55 al.2 que « la Commission ne peut être saisie que sur la demande de la majorité de ses membres ». C'est pour dire que sa saisie n'est pas automatique. Cependant, les conditions de recevabilités sont abusives en ce sens qu'elles sont nombreuses et collectives car elles sont au nombre de sep(7) et, cinq(5) d'entre elles sont identiques aux autres instruments internationaux238(*), les deux derniers sont spécifiques à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Elles sont relatives aux communications de nature outrageuse ou offensant, ou celles focalisées sur des « nouvelles diffusées par des moyens de communication de masse ». Rédigées en termes vagues, ces conditions accordent une marge de manoeuvre consistante à la Commission et ce, au détriment des droits procéduraux des prétendues victimes. Néanmoins, les termes « outrage » et « insulte » ont été rejetés au profit du terme « déni de droit » au terme de l'article 114 du règlement intérieur de la Commission africaine. Ainsi, si l'on s'en tient au fait qu'une communication ne reçoive la majorité requise des voix des membres ou même qu'elle ne remplisse pas l'une des sept conditions serait suffisante pour la déclarer recevable ou non. Au-delà de ce formalisme, la procédure des plaintes est très complexe car elle fait intervenir à la fois la Commission, la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernements, les Etats concernés et le Secrétariat général. Au sein du mécanisme en général, le rôle joué par la Conférence est considérable. Selon les dispositions des articles 59(3) de la Charte africaine et 80(2) du Règlement intérieur de la Commission africaine « le rapport d'activités de la Commission ne pourra être publié par son Président qu'après son examen par la Conférence »239(*). Au terme de ce constat, il faut noter que la Conférence est la pierre angulaire et le plafond du système instauré par la Charte d'autant plus qu'elle exerce l'essentiel des responsabilités les plus importantes et les plus vitales en matière de protection des droits de l'homme et des peuples. En plus, c'est à elle qu'il revient de donner un effet aux communications, de la publicité des mesures prises et de la publication des rapports d'activité de la Commission. Réduisant la Commission dans une mission spécialisée sans contrôle effectif du respect des droits proclamés dans la Charte. Il importe donc de dire qu'en privilégiant la conciliation, la Conférence des chefs d'Etat a décidé d'introduire un aspect judiciaire au mécanisme instauré par la Charte africaine et pour ce faire, elle a adopté à Ouagadougou en juin 1998 un protocole portant créant de la Cour africaine des droits de l'homme. Qu'en est-il alors des ambigüités du mécanisme. * 234 Art. 47 de la Ch. ADHP * 235 Ibid., art. 49 * 236 Convention européenne, art. 34 * 237 Protocol facultatif, art. 1er * 238 Voir le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 41- 1c, art. 26 et 27-3 de la Convention européenne, art. 46 et 47 de la Convention américaine * 239 Art.59(3) de la CADHP, art.80(2) du Règlement intérieur |
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