III. Des dispositions irréalistes
« La réglementation ne cadre pas avec les
réalités socio-économiques ; si la situation perdure et,
est tolérée, c'est parce que la masse s'y
complait48».
Du coté des employeurs, on dénonce les
prescriptions du droit social, car certains se disent aussi victimes
d'écarts par rapport au SMIG par exemple, ou qu'ils sont
étrangers à toute sorte de régulation car évoluant
dans le secteur informel. Mais nous savons bien que cet argumentaire ne saurait
prospérer, la loi étant impersonnelle et s'imposant à
tous. Le SMIG (209,10 FCFA /heure) du fait qu'il remonte à 1996 est
largement dépassé aujourd'hui, d'autant plus que, même le
salaire conventionnel hiérarchisé du manoeuvre première
catégorie, c'est-à-dire sans qualification est à 317,94
FCFA.
En outre, si la réglementation donne à
l'employeur le droit de déduire du salaire de son employé la
valeur de la nourriture et du logement, si ceux-ci sont fournis, force est de
constater qu'il est de coutume chez la quasi-totalité des employeurs
sénégalais d'accorder ces éléments du salaire
indirect gratuitement. Cette prédisposition chez beaucoup d'employeurs
est significative car elle montre que la loi, si elle va à l'encontre de
nos valeurs culturelles a du mal à s'imposer. Ainsi, les salaires
quelque modiques qu'ils soient pourraient même dépasser le salaire
minimum si on évaluait toutes ces libéralités
octroyées.
Craignant d'être perdantes si les employeurs mettaient
en oeuvre cette prérogative, retenues fiscales et salariales, les
intéressées elles-mêmes, paradoxalement doit-on dire,
préfèrent le statu quo et militent plutôt pour une
application progressive et non aveugle de la loi.
Malgré le fait que la pilule des salaires ne puisse pas
encore être avalée par les employeurs, les autorités
compétentes (le ministre du Travail par voie réglementaire) n'ont
de cesse de rehausser les salaires des employés de maison. Ce fût
le cas depuis la dévaluation du franc CFA où de nombreuses
augmentations de salaires ont été consenties dans l'optique
d'indexer les salaires sur le coût de la vie. De ce fait, les salaires
minima prévus par l'arrêté ministériel n° 1609
du 7
47 Ibidem
48 Entretien avec Mamadou Ndiaye, coordonnateur ENDA
Graf, Golf Sud Dakar
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
80
février 2000 qui consacrait la dernière hausse
enregistrée ont été revalorisés par celui n°
1036 du 9 avril 2002. Seulement, ces avancées sont d'autant plus
incongrues que dans la pratique les salaires hiérarchisés
prévus par l'arrêté 974 du 23 janvier 1968 ne sont pas
respectés par la grande masse des employeurs qui semble
anesthésiée ou dépassée par ces conquêtes
virtuelles. Cela renforce le caractère irréaliste de ces
dispositions réglementaires qui se heurtent à un mur
d'incompréhension au soubassement culturel voire socioéconomique.
Ainsi, on peut bien se demander pour qui cette réglementation est-elle
faite ? Sûrement pas pour les seuls employeurs expatriés ou la
poignée de sénégalais nantie qui y prête attention.
L'indifférence des autres découle d'une ignorance des textes dont
la teneur et la portée ne sont connues que des seuls spécialistes
du droit du travail. Par conséquent, un large travail de sensibilisation
doit être mené dans le cadre des stratégies à mettre
en place par les différents intervenants qui se préoccupent du
devenir des employées de maison qui aspirent aussi au mieux-être,
à la dignité, pour une jouissance effective du fruit de leur
labeur.
Autant, le dire toute de suite, cette lutte n'est pas
gagnée d'avance et les employées auront à compter sur
leurs principales alliées ... elles-mêmes, car ne sont-elles pas
les mieux placées pour parler et agir pour la défense de leurs
droits ?
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