V. Les motifs de rupture du contrat
Absa Gassama disait à propos des travailleuses
domestiques : « Ne jouissant que d'une liberté formelle et
étant obligées de travailler, les domestiques s'engagent
très vite mais n'hésitent pas à rompre leurs contrats
tacites, non écrits et peu avantageux, dès qu'elles trouvent de
meilleures conditions de travail ou une rémunération plus
élevée27 ». Cela montre d'une part, la
substituabilité qui existe dans les segments aux niveaux de
qualifications faibles caractérisés par
27 Gassama A., Les marchés du travail
domestique au Sénégal, p. 171-184
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les bas salaires et d'autre part, l'existence de griefs
formulés de part et d'autre qui ont tendance a mettre fin aux contrats
prématurément.
En d'autres termes, s'il arrive souvent que les employeurs
licencient leurs domestiques sans coup férir, ce pouvoir est quelque peu
contrebalancé par le recours de celles-ci à la démission
dans les mêmes conditions, sauf qu'ici l'employeur peut user du moyen de
pression que constitue le salaire en le versant tardivement, dans le meilleur
des cas.
« Vous savez nous ne pouvons rien contre celles qui
nous emploient. Elles sont des patrons ou connaissent les circuits mieux que
nous. Si on les emmène à la police parce qu'elles ne nous ont pas
payé, elles vont nous laisser là-bas.
Dès que tu fais la plus petite faute, elles te
grondent, et si ça va loin, elles te mettent à la porte en te
demandant de cesser le travail et de revenir à la fin du mois pour
être payée. Quelquefois, tu peux faire un mois à courir
sans recevoir ton argent qui souvent t'est remis de manière
fractionnée.
La seule voie de recours, c'est de faire venir le tuteur
pour qu'il insiste. Parmi nos frères, il y'a des gens qui s'occupent du
recouvrement. C'est vraiment facile de quitter son employeur parce que
simplement, il ne peut pas payer ou il utilise ta paie pour autre chose et le
mari l'emmerde au point qu'elle croit que tu es à l'origine de tout
ça ».
« Moi, mon dernier contrat a pris fin parce que ma
patronne m'a accusée de vol. Un jour, de retour d'une
cérémonie d'une de ses copines, elle à
déclaré avoir perdu 7.500 FCFA qui étaient sous
l'oreiller. Rapidement pendant que je faisais la vaisselle, elle s'agrippa
à moi pour me demander l'argent. Je déclarais n'avoir rien vu et
tout de suite elle prit la décision de m'emmener à la
police.
Nous nous y sommes rendues et après les
explications, le policier nous a demandé de repasser en m'invitant de
venir avec mon tuteur car j'avais 17 ans. Ainsi prenait fin mon contrat. Par la
suite on lui a demandé de bien chercher chez elle ».
Aujourd'hui, avec la grande mobilité verticale et
ascendante dans le secteur, les exigences des employeurs sont telles qu'elles
ont de moins en moins de temps pour former des domestiques, elles recrutent
directement des filles expérimentées, si leurs moyens le
permettent. En effet, il y'a lieu de souligner la formation qualifiante que
dispensent les employeurs sans aucune contrepartie en ce qui concerne des
aptitudes particulières, le contenu des tâches n'étant pas
homogène diffère d'une famille à l'autre. Cet aspect
ressort
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Les employés de maison dans le droit social
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dans ce témoignage : « Si on te confie des
travaux, c'est à toi de voir si tu as toutes les aptitudes requises ; tu
es libre de refuser. Si on te confie des tâches que tu ne sais pas faire,
il faut le dire pour qu'on te l'apprenne. C'est comme la cuisine, il existe
plusieurs façons de la faire. Chaque femme a sa manière
particulière ».
Cette valeur ajoutée difficilement quantifiable
à l'actif des employeurs qui n'intègre aucune clause de
fidélité est à la base de la mobilité
professionnelle, puisqu'elle est réinvestie dans la recherche d'un
meilleur emploi comme l'a affirmée A. Gassama : « les
compétences s'acquièrent par apprentissage et par cumulations
d'expériences, dans les familles urbaines. Le cumul de savoir-faire et
de savoir-être permet aux travailleuses de passer des familles
employeuses les plus modestes à celles qui peuvent offrir un salaire
plus élevé, d'où l'instabilité des domestiques,
surtout en période de tension du marché. A la stabilité
des bas salaires, la travailleuse domestique semble préférer
l'instabilité provoquée par la recherche d'un salaire
élevé28 ». Plus loin, elle mentionne les
principales causes de rupture des contrats : « Parmi celles-ci, nous
pouvons noter la maladie et les conflits liés aux horaires et à
l'ampleur du travail. Nous trouvons également des motifs
stratégiques comme les départs pour trouver un meilleur emploi ou
des motifs plus graves comme le harcèlement sexuel29
». Les témoignages recueillis confortent cette thèse et
ajoutent d'autres motifs non moins importants.
A. Les raisons avancées par les employées de
maison
Diverses raisons sont avancées mais les plus importantes
sont les suivantes :
- Salaire insuffisant, fractionné ou non perçu
- Disputes fréquentes
- Maladies
- Grossesses
- Traitements dégradants
- Jalousie excessive des patronnes
- Mariages
En ce qui concerne les employeurs les causes de rupture sont
diverses, mais celles-ci sont
28 Ibidem p. 62
29 Ibidem p. 63
plus fréquentes.
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