B- Les critiques des fondements du maintien de la
prescription de l'action publique
Les critiques sont des jugements portés sur
l'efficacité aux fondements du maintien de la prescription de l'action
publique.
Premièrement, en matière de fiabilité de
la preuve, les progrès scientifiques permettent de conserver la preuve
de l'infraction aussi tardivement qu'il soit. Aujourd'hui, de nouveaux
315DANET (J.), « La
prescription de l'action publique, un enjeu de politique criminelle »,
Archives de politique criminelle 2006/1 (n° 28), p. 87.
316DANET (J.), « La
prescription de l'action publique, un enjeu de politique criminelle »,
Archives de politique criminelle 2006/1 (n° 28), p.89.
317 GARCON « De la prescription »,
Le Monde 03 février 1960.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
81
moyens de preuve ont vu le jour. Il s'agit en particulier du
recours aux empreintes génétiques et de la meilleure conservation
des scellés qui permettent de rendre tardivement la justice
pénale. Il est donc indéniable que l'évolution des
techniques scientifiques pour la collecte des preuves oblige le
législateur à repenser aux délais de prescription de
l'action publique318.
Deuxièmement, il est inadmissible de sanctionner la
négligence de la société de n'avoir pas poursuivi le
délinquant parce que, quoi qu'on dise, le contentieux de certaines
infractions telles que les infractions sexuelles ou des violences conjugales
témoigne d'ailleurs des difficultés des victimes à
dénoncer les faits dans le temps de la prescription : « La
sanction de la négligence de la victime ne peut être aujourd'hui
acceptée comme fondement général de la prescription
»319.
Troisièmement, l'argument de la préservation de
la paix sociale n'est pas du tout édifiant dans la mesure où le
coupable bénéficiaire de la prescription de l'action publique
n'ayant pas été sanctionné pour être moralisé
ou être ramené à la raison, il est fort probable qu'il
récidive surtout quand il n'a pas eu de remord ou de repentance. C'est
ainsi que RASSAT renchérit en considérant que «
l'absence de poursuites des premières infractions d'un individu a pu
le renforcer dans un sentiment d'impunité et l'inciter, au contraire,
à en commettre de nouvelles [et que,] l'absence de poursuite a
empêché d'appliquer tout de suite à
l'intéressé les mesures qui auraient été propres
à le détourner de la délinquance »320.
Ainsi la paix sociale tant convoitée serait une utopie, une
chimère. Cependant s'il est probable que certains primo
délinquant peuvent se repentir en se ressaisissant, les
délinquants professionnels, les criminels nés et les criminels
d'habitudes qui sont incorrigibles n'y sont pas susceptibles. C'est d'ailleurs
le raisonnement du Professeur PRADEL qui estime que « la prescription
est pernicieuse (...) Elle nuit à la protection de la
société en profitant aussi bien aux grands malfaiteurs qu'aux
petits délinquants alors que le temps ne saurait atténuer les
dangers des premiers »321. C'est dans le même
contexte que s'inscrit GARRAUD lorsqu'il jugeait la théorie du repentir
du coupable d'être surannée car la quasi-totalité des
délinquants ne se repend pas et ne s'amendent pas par l'effet du
temps322.
Quatrièmement, on aurait passé sous silence la
théorie de la présomption d'oubli qui fort malheureusement est
discutable. En effet, si la victime venait à demander la
réparation du préjudice qu'elle a subi bien que tardivement, cela
sous-entend incontestablement qu'elle ne
318 Voir sur le sujet de la preuve scientifique :
J-R.DEMARCHI, La preuve scientifique et le procès pénal,
Thèse, Université de Nice Sophia-Antipolis, 2010.
319DANET (J.), GRUNVALD (S.), LE GALL (Y.)
et HERZOG-EVANS (M.), Prescription, amnistie et grâce en
France, Université de Nantes (recherche subventionnée par le GIP
« Mission Recherche Droit et Justice »), mars 2006, p. 125.
320 RASSAT (M-L.), Procédure
Pénale, PUF, 2ème éd., 1995, p. 469.
321 PRADEL (J.), Procédure
Pénale, Cujas, 15ème ed., 2010, N°236, p.184 mais aussi
R.MERLE et A.VITU, op. cit.,N°50, p.184.
322 GARRAUD (R.), Traité
théorique et pratique du droit pénal français,
préc., T. II,§ 723, p.542.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
82
l'a pas oublié et que on ne saurait oublier une
infraction aussi facilement que cela. Le temps n'a donc pas vocation à
accorder un certain pardon moral à l'auteur d'une infraction et on ne
saurait renoncer à la quête de la sanction. Ce qui motive le
professeur RENUCCI à s'interroger en ses termes : « Comment
admettre l'oubli dès lors que la victime réclame
réparation, même si cette demande est tardive ?
»323.
Au regard de ces critiques, il urge de procéder
à l'allongement des délais de la prescription de l'action
publique.
|