B- Le recours à des alternatives aux poursuites
pénales
La justice pénale a pour rôle de régler
les litiges entre les hommes. Mais face à son perpétuel
engorgement, elle est devenue lente et il est constant qu'elle seule ne peut
tout résoudre. D'autres alternatives de règlements doivent
être développées. Il faut dès lors préconiser
le règlement non juridictionnel de certains differends. Il s'agit des
alternatives aux poursuites pénales. Une alternative aux poursuites
pénale « consiste dans le choix offert de ne pas saisir une
juridiction de jugement, de ne pas renvoyer l'auteur d'une infraction devant un
juge mais
271C.Cass. Audience solennelle de Rentrée des
Cours et Tribunaux, année 1992-1993, droits et responsabilité des
2juges.
272 Reflets du Palais N° 28, septembre 2015, «
Célérité et qualité : la bonne mesure »
p.2.
273 Idem
274 Idem
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
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d'y préférer une autre réponse
»275.
Pour accélérer la justice pénale, le
législateur national a consacré deux alternatives aux poursuites
pénales. Il s'agit de la médiation pénale et la
composition pénale276.
La médiation pénale est selon le
législateur « [---] un mécanisme qui vise à
conclure une conciliation entre l'auteur d'une infraction ou son
représentant légal et la victime ou son représentant
légal ou ses ayants droit. Elle a pour objectif d'arrêter les
effets des poursuites pénales, d'assurer la réparation du dommage
causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de
l'infraction et de contribuer au reclassement de l'auteur de l'infraction
»277.La médiation pénale est
pratiquée lorsque l'infraction est portée à la
connaissance du parquet. Il s'agit d'une alternative aux poursuites
pénales, qui consiste essentiellement pour la personne
sélectionnée par les antagonistes, de proposer à ces
deniers un projet de solutions, sans se borner à rapprocher les
positions278. Il y a lieu de rappeler que la médiation
pénale doit avant tout être considérée comme une
alternative aux poursuites pénales et non comme une alternative au
classement sans suite279. Sauf exception, le ministère public
ne devrait recourir à la médiation pénale que dans les
hypothèses où, précédemment, il n'aurait pas
décidé de classer sans suite280. Etant le
dépositaire légal de la médiation pénale, le
ministère public dispose du droit de l'initier ou pas et il n'a pas
à motiver sa décision de ne pas y recourir. Il s'agit bien
évidement de la manifestation de son pouvoir de juger
l'opportunité des poursuites281.
De la définition de la médiation pénale
proposée par le législateur togolais, on déduit la
conciliation qui elle aussi est une alternative aux poursuites pénales.
Selon l'ancien Président de la République du
Sénégal M. Abdou DIOUF, lors de la rentrée des cours et
tribunaux de 1997: « la conciliation est un mode traditionnel de
règlement des litiges dans nos sociétés. L'art de la
concertation fait le génie africain. Pourquoi ne pas cultiver nos
traditions, lorsqu'il se trouve, qu'elles répondent
précisément à un besoin des sociétés...il
faut favoriser
275 LAURENT (R), Les alternatives aux poursuites
et droit au juge, Master II recherche, droit pénal et sciences
pénales, Université Panthéon-Asass Paris II, 2010-2011,
p.11.
276 Article 58 CPT 277Article 59 CPT
278 CORNU (G.), vocabulaire juridique,
association Henri Capitant, P.U.F.
279 DEMANET (G.), « La médiation
pénale », Rev. dr. pén., 1995, pp. 887-921 ;
VAN DE KERCHOVE (M.), « Médiation pénale et
travaux d'intérêt général - Réflexions et
commentaires relatifs aux lois du 10 février 1994 », J.T.,
1994, pp. 61-67; ANDRIES (J.-B.), « La médiation
pénale », Act. dr., 1996, p. 537 et s.; JACOBS
(A.), « Les nouveaux pouvoirs du ministère public »,
in Doit pénal, C.U.P., vol. 7, 1996, pp. 75-95 ; DE
NAUW (A.), « Les modes alternatifs de règlement des
conflits en droit pénal belge », Rev. dr. pén.,
1997, p. 357 et s. ; MARY (Ph.), « Travail
d'intérêt général et médiation pénale
- Socialisation du pénal ou pénalisation du social ? »,
Actes du colloque international organisé pour le60ème
anniversaire de l'Ecole des sciences criminologiques Léon Cornil,
Bruxelles, 1997 ; MINCKE (C.), « Vers un nouveau type
d'utilisation du ministère public. L'exemple de la médiation
pénale et de la procédure accélérée
», Rev. dr. pén., 1998, p. 644 et s. ; DE VROEDE
(N.), « La médiation pénale », J.T.,
1999, p. 258 et s. ; DE RUYVER (B.) et VAN IMPE (C.), «
De minnelijkeschikking en de bemiddeling in strafzaken », R.W.,
2000-2001, p. 445 et s. ; MINCKE (C.), « La
médiation pénale », in Droit pénal et
procédure pénale, Kluwer, 2002, p.40.
280Ibidems.
281 BOSLY (H.-D.), VANDERMEERSCH (D.) et BEERNAERT
(M.-A.), op.cit, p. 223.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
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chaque fois que c'est possible le règlement non
juridictionnel des litiges »282. Mais, devons-nous
considérer la conciliation comme une alternative aux poursuites
pénales ou simplement comme un élément entrant dans le
champ de définition de la médiation pénale ?
Quant à la composition pénale, le
législateur dispose que « le procureur de la République,
tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, peut
proposer, directement ou par l'intermédiaire d'une personne
habilitée, une composition pénale à une personne physique
qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à
titre de peine principale d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement,
ainsi que, le cas échéant, une ou plusieurs contraventions
connexes »283. Ces deux alternatives aux poursuites
pénales qui doivent être privilégiées par le
ministère public, sont insuffisantes et il urge que le
législateur les complète.
Aujourd'hui, on distingue de nouvelles alternatives aux
poursuites pénales à savoir, la transaction pénale, le
rappel à la loi ou l'avertissement, le classement sous condition, la
réparation du dommage causé et la probation prétorienne.
Ces nouvelles alternatives sont plus usitées et doivent être
prises en compte par le législateur.
La « transaction pénale » est un processus
extrajudiciaire de règlement des conflits pénaux284.
Elle est un mode d'extinction de l'action publique qui se matérialise
par le paiement préalable, par la personne présumée des
faits, d'une somme d'argent, dont le montant est déterminé par le
procureur de la république285. La particularité de la
transaction pénale est le fait pour le ministère public de la
proposer « même si l'action publique a déjà
été initiée à la suite de la saisine d'un juge
d'instruction ou d'une juridiction pour autant que celle-ci n'ait pas rendu de
jugement ou d'arrêt ayant acquis force de chose jugée
»286. Pour sa nature, il faut retenir
qu'elle est un moyen administratif bilatéral d'extinction des
poursuites287 et non un contrat civil de transaction, ni une
peine.
Le « rappel à la loi ou l'avertissement»
consiste pour le Procureur de la république de rappeler à
l'auteur des faits les obligations résultant de la loi. Cette mesure est
utilisée dans le but de protéger la jeunesse. Elle est
consacrée aussi bien par le législateur des Pays-Bas, qui
évoque le classement conditionnel288 que par le Code de
procédure pénale français289. «
Plusieurs
282 Cour de Cassation, audience solennelle de rentrée des
cours et tribunaux, vol.3 année 97-98. 283Article 61 CPT
284 FERNANDES-BERTIER(M.) et LECOCQ (A.),
« L'extension de la transaction pénale en droit belge :
une évolution en demi-teinte », Revue de droit pénal de
l'entreprise, 2011, pp. 219-238, spéc. p. 220.
285 FERNANDES-BERTIER (M.), « Analyse
critique de l'extension du régime de la transaction pénale en
droit belge », in Actualités de droit pénal,
C.U.P., vol. 128, Anthémis, Limal, 2011, p. 202.
286Voy. E. DE FORMANOIR, «
L'extension de la transaction pénale par les lois des 14 avril et 11
juillet 2011, Rev. dr. pén., 2012, pp. 245-276 ; K. VAN
CAUWENBERGHE, « La nouvelle transaction devient la
"jurisprudence" du ministère public », Vigiles, 2011, pp.
117-118 ; G. SCHOORENS, « La transformation de la
transaction », Vigiles, 2011, pp. 113-116. 287
FRANCHIMONT (M.), JACOBS (A.) et MASSET (A.),
op.cit., p. 105 ; DE RUYVER (B). et VAN IMPE (C.), « De
minnelijkeschikking en de bemiddeling in strafzaken », R.W.,
2000-2001, p. 445 et s.
288Art. 167 Wetboekvoorstrafvordering.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
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travaux criminologiques ont, [ainsi],
montré que pour des primo-délinquants un rappel de la norme
correctement adressé pouvait entraîner une prise de conscience de
la portée de l'acte commis et prévenir une récidive future
pour autant que l'interaction établie, à cette occasion soit de
qualité »290. Cependant, cette mesure peut
également être appliquée aux personnes âgées
en fonction de la nature de l'infraction commise.
Le « classement sous condition » consiste pour le
Procureur de la République de classer sans suite une infraction lorsque
l'auteur des faits consent à exécuter une obligation. Cette
obligation peut être, l'orientation vers une institution sanitaire,
sociale ou professionnelle, l'accomplissement d'un stage ou d'une formation
dans un service ou un organisme sanitaire social ou professionnel, à ses
propres frais.
La « réparation du dommage causé ou la
demande de régularisation au regard de la loi ou du règlement
» consiste pour la personne coupable de réparer le dommage
causé ou de régulariser sa situation vis-à-vis de la
loi.
La « probation prétorienne » est
définie comme « La décision circonstanciée du
parquet en vue de classer sans suite en fonction de la motivation
affichée par l'intéressé pour adapter son comportement en
répondant à certaines conditions telles que, par exemple,
l'absence de récidive, la non-fréquentation du milieu toxicomane,
la désintoxication »291.
L'inscription dans la loi pénale togolaise de ces
alternatives aux poursuites pénales et leur pratique, permettraient de
faire économie du procès pénal, de déjudiciariser
de nombreux contentieux. Ce déchargement de la justice pénale,
permettra donc de répondre au problème de sa lenteur qui est la
principale critique. Il faut relever que ces alternatives aux poursuites
pénales doivent être réservées à des conflits
de moindre gravité c'est-à-dire d'une peine d'emprisonnement de
zéro à cinq ans.
A l'instar du personnel judicaire, d'autres acteurs aussi
doivent s'activer pour l'accélération de la justice pénale
togolaise.
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