Section II : L'implication des acteurs au procès
pénal pour des décisions dans le délai raisonnable
La lutte contre la lenteur de la justice pénale
togolaise appelle à une conjugaison d'efforts de part et d'autre, il est
convenable que pour une meilleure gestion du temps judiciaire que chaque
acteur, puisse prendre conscience à son niveau, des enjeux. Ainsi, cela
nécessite non seulement une implication très active du personnel
judiciaire (§.1), mais aussi une implication accrue de l'Etat et des
parties au procès pénal (§.2).
§.1- Une implication très active du personnel
judiciaire
L'implication active du personnel judicaire nécessite
un renforcement dudit personnel (A), et un recours fréquent à des
alternatives aux poursuites pénales (B).
A- Le renforcement du personnel judiciaire
La justice togolaise doit être un corps composé
d'hommes expérimentés, d'une grande compétence, d'une
grande rigueur et d'une grande intégrité puisque, le juge, comme
le dit Montesquieu, incarne la « puissance de juger ». En
vérité, « La magistrature est une des institutions sur
lesquelles reposent la démocratie et l'État de droit
»267
La prise de conscience s'accompagne bien souvent d'actions
hardies. RABELAIS dira science sans conscience n'est que ruine de
l'âme268. C'est dire que sans réelle prise de
conscience du mal qui ronge, on ne peut aboutir à aucun résultat
probant. Le ministre de la justice du Pius AGBETOMEY, a affirmé au cours
de la rentrée judiciaire de la Cour d'appel en décembre 2015 que
« le juge doit inspirer confiance ; il doit être un recours, un
secours et une source d'espérance, un artisan de paix, car avec de bons
juges, on peut changer la société ». C'est dans cette
même dynamique que, dans la conclusion d'un entretien passé dans
le Reflets du palais, numéro 37, le procureur général
près la Cour d'appel de Lomé, monsieur KODJO Garba Gnambi
lançait un appel aux togolais : « Je voudrais demander à
nos compatriotes de faire un peu confiance à notre justice qui, je crois
s'améliore de jour en jour même si ce n'est pas au rythme qu'ils
auraient souhaité. Aucun magistrat n'est insensible aux
267 DEMBA SY « La condition de juge en
Afrique l'exemple du Sénégal »,Etablissements EMILE
BRUYLANT, société anonyme, Bruxelles Prés.-Dir.
gén.: JEAN VANDEVELD, av. W. Churchill, 221, 1180 Bruxelles, 03-06-2003,
p. 349
268 Dans son oeuvre Pantagruel, 1532.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
67
critiques et chacun de son côté fait ce qu'il
peut pour combler les attentes de nos citoyens »269.
Les juges tout comme les greffiers doivent
nécessairement recevoir une formation axée sur le droit au
délai raisonnable. Pour ce faire, lors de leur formation en tant
qu'auditeurs de justice, un cours intitulé « le droit au
délai raisonnable » doit leur être dispensé afin
qu'ils acquièrent la façon dont une affaire doit être
rendue dans le délai raisonnable. Quant aux magistrats et greffiers en
fonction, ceux-ci doivent régulièrement être
recyclés sur la problématique du droit au délai
raisonnable.
La justice doit être rendue dans un délai
raisonnable. Il urge à cet effet d'augmenter les ressources humaines.
Autrement dit, le nombre des magistrats et des greffiers doit être revu
à la hausse. Ce recrutement permettra de pourvoir au manque de personnel
judicaire et d'assurer leur indépendance et leur impartialité par
rapport à toute influence aussi bien interne qu'externe.
L'instauration du juge des libertés et de la
détention et du juge de l'application des peines en nombre suffisant
pour remédier à la lenteur judiciaire. Il est opportun de mettre
en place des juges qui seront habiletés à suivre
l'évolution des dossiers afin d'éviter la lenteur dont la justice
pénale se prévaut en permanence. En instituant des juges des
libertés et de la détention en procédure pénale,
ceux-ci devraient d'abord être « spécialement
chargé de statuer sur la mise en détention provisoire d'une
personne mise en examen, et sur ses éventuelles demandes de mise en
liberté »270. Ensuite, Ils seront également
chargés d'autoriser éventuellement le Parquet à accomplir
certains actes dans certains types d'enquêtes. Enfin, Ils seront
chargés de statuer sur la rétention administrative des
étrangers et sur les demandes de prolongation d'hospitalisations
psychiatriques sous contrainte. Les juges de l'application des peines seront
eux, des juges spécialisés du tribunal de grande instance
chargés de suivre les condamnés à l'intérieur et
à l'extérieur de la prison.
Concernant les conditions de vie et de travail, les magistrats
et les greffiers doivent disposer d'un environnement convenable, des moyens de
travaux suffisants voire performants et surtout d'une
rémunération raisonnable. Balzac ne disait-il pas
déjà au dix-neuvième (19ème)
siècle la même chose lorsqu'il écrivait :
«Aujourd'hui, le magistrat, payé comme un fonctionnaire, pauvre
pour la plupart du temps a troqué sa dignité d'autrefois contre
une morgue qui semble intolérable à tous les égards qu'on
lui fait ; car la morgue est une dignité
269 Reflets du Palais, N° 37, janvier 2017, p.7.
270 Professeur Jean-Paul DOUCET, « Juge
des libertés et de la détention [archive] », in
Dictionnaire de droit criminel [archive].
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
68
qui n'a pas de point d'appui. La gît le vice de
l'institution actuelle »271. En les privilégiant
par rapport aux autres fonctionnaires de l'Etat, cela les motiverait davantage
et les protégerait contre les tentations liées à la
corruption.
Pour une justice dans un délai raisonnable, les juges
doivent être indépendants et impartiaux. Ils doivent travailler
afin d'atteindre l'effectivité de l'indépendance et de
l'impartialité du pouvoir judiciaire. Ils ont le devoir de faire
respecter le droit et d'affirmer l'indépendance de la justice
pénale à travers l'exercice de leurs fonctions. Il leur incombe
de s'émanciper. Il leur revient d'user de moyens juridiques mis à
leur disposition pour condamner juridictionnellement toute tentative de
subordination du pouvoir judiciaire au pouvoir exécutif, parlementaire
ou de venant de tout bord. Afin de consolider l'indépendance du juge
vis-à-vis du pouvoir exécutif, celui-ci pourra saisir la Cour
Constitutionnelle pour violation du principe constitutionnel de son
indépendance. Cependant, la Cour Constitutionnelle doit être
elle-même impartiale afin que, l'indépendance qu'elle garantit au
pouvoir judiciaire ne soit plus considérée comme une coquille
vide.
La célérité des jugements permet de vider
les affaires pendantes devant les juridictions et de punir au besoin les
auteurs d'infractions et leurs complices. Néanmoins, le juge SRONVIE
Yaovi Olivier relève que la célérité est devenue le
leitmotiv qui caractérise, dans la conception du togolais, une
justice efficace et performante272. Mais, il prévient qu'elle
ne doit pas fasciner au point de perturber l'équilibre des pouvoirs et
le déroulement judicieux du procès en bâclant les garanties
du procès équitable et qu'au contraire, elle doit être
poursuivie avec mesure, pour que le gain de temps ne se traduise pas par une
perte de qualité273. En plus, doit-on formuler le voeu que,
du fait de l'encombrement de nos juridictions, ou pour toute autre raison, ce
temps ne soit pas exagérément prolongé274.Le
personnel judiciaire togolais ne peut rendre la justice dans un délai
raisonnable que si réellement, ils usent des alternatives aux poursuites
pénales.
|