1.3 Le cercle vicieux bureaucratique
J-D Reynaud reprend l'analyse de M. Crozier et la poursuit
dans le cadre de sa théorie de la régulation. « La
bureaucratisation est un mouvement de centralisation et de « normalisation
» : il consiste bien en effet à réduire la diversité
de la matière que l'on traite à quelques catégories
prédéfinies (que la matière soit un matériau de
base, des malades à soigner, des élèves à former),
à en réduire la variété et à rendre les
exceptions analysables. Elle consiste à réduire l'autonomie des
exécutants en réduisant la quantité d'information
pertinente dont ils disposent (ou qu'ils créent)... Le cercle vicieux
apparaît quand la constatation de l'écart par rapport aux
objectifs ne permet plus de corriger l'écart ; quand l'excès de
centralisation et de catégorisation bureaucratique pousse seulement
à plus de centralisation encore, avec les conséquences
destructrices que nous avons soulignées, non seulement pour les
objectifs, mais pour les règles mêmes de l'organisation :
l'inefficacité va de pair avec l'anomie. »20 Pour
Michel Crozier, ce cercle vicieux est particulièrement apparent dans
l'incapacité de l'organisation bureaucratique à se corriger de
ses propres erreurs. « Nous proposons d'appeler « système
bureaucratique d'organisation », tout système d'organisation dans
lequel le circuit, erreurs - informations - corrections fonctionne mal et
où il ne peut y avoir, de ce fait, correction et réadaptation
rapide des programmes d'action, en fonction des erreurs commises. En d'autres
termes, une organisation bureaucratique serait une organisation qui
n'arrive pas à se corriger en fonction de ses erreurs. Les
modèles d'action « bureaucratiques », auxquels elle
obéit, tels que l'impersonnalité des règles et la
centralisation des décisions se sont si bien stabilisés qu'ils
sont devenus partie intégrante de son équilibre interne et que
quand une règle ne permet pas d'effectuer les activités
prescrites de façon adéquate, la pression qui naîtra de
cette situation dysfonctionnelle n'aboutira pas à
20 J-D Reynaud, 1997, « Les règles du
jeu : L'action collective et la régulation sociale », Armand
Colin / Masson, Paris, p 230
20
Didier DELABRE AP-HM / IFCS Promotion
2013-2014
l'abandon de cette règle, mais au contraire
à son extension et à son renforcement. »21
Ainsi, ce qui caractérise le plus le modèle bureaucratique c'est
sa rigidité. Mais cette rigidité en provoquant un renforcement
des règles aboutit en fait à l'effet inverse de celui
recherché, à l'affaiblissement des règles, à
l'anomie pour reprendre les termes de Jean-Daniel Reynaud.
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