1.1.2 La théorie de la régulation
Comme nous venons de le dire en donnant une définition
de la régulation.
J-D Reynaud emprunte largement aux concepts des
théories ayant précédées celle qu'il propose. Il
s'appuie largement sur la théorie des jeux et sur l'analyse
stratégique de M Crozier.
Lors de la création de règles, de normes ou
l'adoption de valeurs, dans un groupe, un jeu de négociation, tacite ou
explicite, se met en place entre les membres de ce groupe. C'est ce jeu de
négociation que J-D Reynaud nomme régulation.
Dans toute action sociale, poursuit-il, diverses
régulations vont entrer en contact, si ce n'est en concurrence, ou en
conflit. Dans la rédaction d'un contrat entre deux groupes, entre deux
entreprises par exemple, leurs régulations respectives vont se trouver
en présence. Cela entraîne inévitablement selon notre
auteur un nouveau jeu de négociation qui donnera naissance à une
nouvelle régulation qui sera le fruit de ces pourparlers. Chaque groupe
tendra à réduire les écarts pour aboutir à la paix
sociale. En poursuivant son étude, J-D Reynaud donne une finalité
à la régulation. Elle devient l'outil dont se sert la
communauté pour atteindre son objectif : la cohésion autour d'un
projet. « Nous avons défini la régulation comme
l'opération par laquelle se constitue une communauté autour d'un
projet. Ce qui définit le projet, ce sont, bien sûr, des
activités (une religion comporte un culte, ou un rituel, ou des
pratiques religieuses), mais c'est aussi un sens donné à la
situation. »8
8 J-D Reynaud, 1997, « Les règles du
jeu : L'action collective et la régulation sociale », Armand
Colin / Masson, Paris, p 316
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Didier DELABRE AP-HM / IFCS Promotion
2013-2014
Cette recherche de sens à l'action sociale s'exprime
donc, selon notre auteur, dans la stratégie que mettent en place les
acteurs sociaux dans leurs négociations. S'il s'appuie sur la
théorie de l'analyse stratégique de Michel Crozier, et s'il prend
en compte la lutte pour le pouvoir qui est au coeur de cette analyse,
Jean-Daniel Reynaud s'en éloigne en intégrant la notion de projet
commun dans la régulation. Il semble écarter la
possibilité d'un certain immobilisme tel qu'il est décrit dans le
« dilemme du prisonnier ». La théorie de la régulation
apparaît comme résolument optimiste.
« Si l'on appelle « anomie »
l'affaiblissement des règles, l'anomie n'est donc pas une situation
anormale ou exceptionnelle. En fait, tout système social, s'il n'est
pas, par miracle, complètement immobile, est toujours en partie
anomique. Il est difficile même d'imaginer une situation sociale
où il n'y ait pas de règles ébranlées ou en voie de
disparition. Il est courant que d'autres règles se créent, il est
exceptionnel que le remplacement de l'ancien par le nouveau se fasse sans
discontinuité et même sans crise. Une anomie partielle
caractérise tout système social. Elle est synonyme de changement
ou d'apprentissage. »9 Ainsi, même lorsqu'un conflit
apparaît entre plusieurs systèmes de règles et que l'on
perçoit un affaiblissement, une crise dans l'acceptation ou dans
l'application des règles, il s'agit, en théorie de la
régulation, d'un phénomène normal, rendant compte du
dynamisme de la vie sociale et de la nécessaire confrontation des
règles en fonction de la fluctuation des lieux de pouvoir.
Ce qui caractérisera alors une organisation pour J-D
Reynaud, à la suite de M Crozier, sera l'alternance de phases de
stabilité autour des règles et de phases de crise où une
partie d'entre elles sont remises en cause. Nous verrons un peu plus loin le
cas particulier des organisations bureaucratiques.
9 J-D Reynaud, 1997, « Les règles du
jeu : L'action collective et la régulation sociale », Armand
Colin / Masson, Paris, p 264
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Didier DELABRE AP-HM / IFCS Promotion
2013-2014
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