L'accès à la justice environnementale en droit international de l'environnementpar Yves-Ricky MUKALA NSENDULA Université de Limoges - Master 2 droit international et comparé de l'environnement 2019 |
A. Inexistence d'une Cour Internationale de l'Environnement, CIEL'inexistence d'une Cour Internationale de l'Environnement fait partie des raisons de l'ineffectivité du droit international de l'environnement de manière générale et du droit d'accès à la justice en matière d'environnement en DIE. Cependant, il faut noter que ces dernières décennies, des progrès considérables ont été accomplis en politique et en droit international de l'environnement. Dans de nombreux domaines, l'effectivité des institutions internationales de l'environnement s'est largement améliorée au regard du règlement des différends. Il existe toutefois un décalage entre les efforts non négligeables entrepris et les résultats constatés sur le terrain181. L'idée d'une Cour internationale de l'environnement n'est pas nouvelle. Elle remonte aux années 1980, époque au cours de laquelle l'environnement occupait une place prépondérante sur l'agenda politique internationale. Dans l'esprit de « l'enthousiasme environnemental » de l'époque, les pays reconnaissent la nécessité de créer une « nouvelle autorité institutionnelle » dans le cadre des Nations Unies. Chargé de lutter contre le réchauffement climatique, cet organe devait être doté de mécanismes de décision et d'exécution. Les négociations aboutirent à l'impasse et les Nations Unies abandonnèrent l'idée182. En Italie, le mouvement suscita un intérêt plus vif : un comité réuni à Rome en 1988 proposa pour la première fois la création d'une cour internationale de l'environnement. Puis, en 1989, l'Académie nationale des Lynx organisa à Rome, également un Congrès international sur le droit de l'environnement pour une mise en oeuvre plus efficace des règles, prévoyant notamment la création d'une cour internationale de l'environnement au sein des Nations Unies. 181 Steinar Andresen, Op. Cit. 182 Idem 63 L'Académie instaura la Fondation pour une cour internationale de l'environnement (ICEF), organisme à but non lucratif reconnu à Rome en 1992183. Accréditée auprès du Conseil économique et social des Nations Unies et d'autres organisations internationales, la fondation n'exerça aucune influence dans la pratique et, qui plus est, ne fut reconnue par aucun état. Depuis 1992, l'ICEF mit sur pied plusieurs conférences afin de poursuivre l'élaboration d'une cour internationale de l'environnement, processus auxquels se joignirent des avocats de plusieurs pays. Ses représentants siégèrent à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement en 1992 puis au sommet mondial de Johannesburg en 2002. La dernière conférence internationale de l'ICEF eut lieu à Rome en mai 2010184. Nouvelle initiative lancée en 2008 au Royaume-Uni pendant les préparatifs de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (15e conférence des parties) qui allait se tenir à Copenhague en 2009, le projet « ICE Coalition » vise la création d'une cour internationale de l'environnement. La juridiction envisagée se base sur des principes qui sont, pour l'essentiel, identiques aux précédentes tentatives185. Par ailleurs, l'Université des Nations Unies (UNU) est allée de l'avant en rédigeant un rapport sur la gouvernance mondiale du développement durable (Report on International Sustainable Development Governance), en vue du sommet de Johannesburg. Plus récemment, l'Association internationale du barreau s'est aussi engagée sur cette voie186. Si aucun acteur politique influent n'a pris position, l'ancien secrétaire général de l'OMC fait figure d'exception notable : il appuya l'idée d'une CIE dotée des mêmes procédures de règlement des différends que l'OMC. À ce jour, aucun Etat n'a soutenu officiellement la mise en place d'une CIE, exception faite de M. Børge Brende, ministre norvégien de l'Environnement187. Si la création d'une CIE tarde à voir le jour, la Cour Pénale internationale a pris le devant pour « venir au secours de l'environnement »188. Le 15 septembre 2016, la procureure de la CPI publiait un document de politique générale où elle faisait part de son intention de poursuivre 183 Steinar Andresen, Op. Cit., 71-85 pp. 184 Ibidem 185 Ibidem 186 Ibidem 187 Ibidem 188 Maud Sarliève, « Le droit pénal international peut-il venir au secours de l'environnement ? », in Justiceinfo.net, Octobre, 2018 disponible sur : https://www.justiceinfo.net/fr/le-debats-justiceinfo/opinions/39171-le-droit-penal-international-peut-il-venir-au-secours-de-l-environnement.html 64 des crimes graves de destruction de l'environnement. Ce document précisait que son bureau s'intéressait particulièrement aux crimes impliquant ou entrainant, entre autres, des ravages écologiques, l'exploitation illicite de ressources naturelles, ou l'expropriation illicite de terrains. Aux termes, de ce même document, les Etats qui en manifesteraient le souhait se voyaient proposer l'assistance du bureau du procureur « au sujet de comportements constituant des crimes graves au regard de la législation nationale, à l'instar de l'exploitation illicite de ressources naturelles, du trafic d'armes, de la traite d'êtres humains, du terrorisme, de la criminalité financière, de l'appropriation illicite de terres ou de la destruction de l'environnement »189. Cependant deux années se sont écoulées depuis cette déclaration d'intention et les choses ne semblent pas bouger. Quoique l'inexistence d'une CIE constitue un obstacle à l'effectivité du DIE et du droit d'accès à la justice, l'apparition des juridictions spécialisées en matière d'environnent permet toutefois d'atténuer cette situation. L'autre difficulté à l'effectivité du droit d'accès à la justice environnementale réside dans le coût de procédure de ces juridictions qu'elles soient internationales ou nationales. |
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