A. Une jurisprudence aux débuts hésitants
Ces juridictions et les différentes conventions
internationales dont elles assurent la protection et la sauvegarde ont
était à un moment où les préoccupations
environnementales ne concernaient que le droit interne des Etats. Sa
reconnaissance et sa consécration comme nous l'avons est l'objet d'une
évolution, faisant passer les questions environnementales devant ces
instances d'un désintéressement à une prise de conscience
de l'importance du droit international dans la protection de l'environnement.
Comme le dit Alexandre Kiss : « N'importe quel impact significatif sur
l'environnement peut produire des effets au-delà des frontières
nationales (...) et ne peuvent être compris et combattus qu'au niveau
international, voire global »152.
La CIJ a dans ses débuts connu plusieurs litiges de
divers ordres sans pourtant qu'ils aient rapport à la protection de
l'environnement. Ils portaient sur des questions relatives à l'exercice
par les Etats de leur compétence personnelle à l'égard de
leurs ressortissants, le droit de passage de navires étrangers dans un
canal, ainsi qu'à l'égalité et à la liberté
de navigation qui était et est encore lié au principe de
liberté commerciale. Il convient en réalité d'admettre
qu'au moment du remplacement de la CPJI par la CIJ au lendemain de la seconde
guerre mondiale, les litiges qui opposaient les Etats et qui étaient
portés devant la nouvelle cour n'étaient pas à
caractère environnementale153.
En effet, le monde venait de sortir de cette atroce guerre
très destructrice et qui avait laissé aux nations de graves
séquelles qu'il fallait désormais s'évertuer à
enrayer. L'Organisation des Nations Unies nouvellement créée
visait en premier lieu à instaurer une coexistence pacifique au sein de
la société internationale. Les Etats eux-mêmes avaient
d'autres préoccupations que de prendre en considération les
questions d'ordre environnemental qui pouvaient les opposer les uns aux autres.
Au plan interne, ils étaient notamment animés par la ferme
volonté de se reconstruire tout en veillant à réparer les
brisures de la guerre. Au plan international, les Etats se devaient surtout
d'oeuvrer de telle manière qu'un tel événement ne se
reproduise plus au sein de la communauté internationale. Aussi ces
derniers se devaient-ils d'oeuvrer dans le sens de bâtir une
société internationale animée par la volonté de
promouvoir la paix, la stabilité politique et la coopération
entre les nations154.
152 Alexandre Kiss, Op. Cit., pp. 10 - 11.
153 Alida Assemboni-Ogunjimi, « La Cour internationale de
justice et le droit international de l'environnement », in Afrilex,
Revue d'étude et de recherche sur le droit et l'administration dans les
pays d'Afrique, Université Montesquieu-Bordeaux IV, Janvier 2016,
p. 7.
154 Idem
51
Il s'écoulera plusieurs années avant qu'une
affaire portée devant la CIJ ne puisse renfermer les germes de
préoccupations environnementales.
Dans le litige ayant opposé l'Albanie à la
Grande Bretagne dans l'affaire du détroit de Corfou, le déminage
dont il était question aurait déjà pu soulever une
préoccupation d'ordre écologique. Cela s'explique par le fait que
la présence dans ces eaux de matières explosives à ce
moment précis de l'histoire, était déjà
excessivement nocive pour l'écosystème marin. Pourtant, dans le
cadre de ce litige, le déminage en cause ne fut motivé que par le
fait que la Grande Bretagne avait subi un dommage considérable. Pour les
autorités britanniques, il ne s'agissait que de manifester une
réaction aux pertes en vies humaines et aussi d'ordre matériel
qu'elles avaient essuyé. Les autorités albanaises de leur
côté n'avaient ni l'intérêt, ni l'intention de se
préoccuper des pertes d'ordre écologique du fait de la
présence de ces mines dans leurs eaux territoriales, pour les y avoir
elles-mêmes posées. Au regard du droit international, on peut
estimer que la Grande Bretagne a effectivement violé la
souveraineté territoriale de l'Albanie. Telle fut d'ailleurs la solution
retenue par la Cour155.
De manière générale, en dépit de
la multiplicité des gestes de bonne volonté, la Cour est
restée avare en termes de décisions environnementales. C'est
d'ailleurs ce qui amène à affirmer que sa jurisprudence en
matière environnementale est demeurée insuffisante.
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