B. Délai
L'accomplissement de certaines formalités juridiques ou
procédurales nécessite le respect d'un certain temps, le
délai. L'inobservation de ces délais entraine des
conséquences de gravité variable (prescription, forclusion,
déchéance, caducité, etc.). Il en est de même au
niveau international plus particulièrement la justice internationale.
La Convention européenne des droits de l'homme et la
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples posent également
cette condition dans le cadre des requêtes qui pourraient être
soumises aux institutions internationales chargées de veiller au respect
de leur disposition. Ainsi, la CADHP en son article 56 par. 6 énonce que
pour qu'une communication soit reçues par la Commission africaine des
droits de l'homme et des peuples, elle doit : « être introduites
dans un délai raisonnable courant depuis l'épuisement des voies
de recours internes ou depuis la date retenue par la Commission comme faisant
commencer à courir le délai de sa propre saisine ». Et
la CEDH en son article 35 par. 1 dispose : « La Cour ne peut
être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours
internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international
général reconnus, et dans un délai de six mois à
partir de la décision interne définitive ». Comme on
peut le constater alors que la CADHP se limite à poser le principe, sa
soeur va plus loin en déterminant le délai en question avec
précision.
La règle de six mois a pour finalité de servir
la sécurité juridique et de veiller à ce que les affaires
soulevant des questions au regard de la convention soient examinées dans
un délai raisonnable, tout en évitant aux autorités et
autres personnes concernées d'être pendant longtemps dans
l'incertitude. En outre, cette règle fournit au requérant
potentiel l'opportunité d'introduire une requête et, le cas
échéant, de déterminer les griefs et arguments
précis à
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présenter, et elle facilite l'établissement des
faits dans une affaire car, avec le temps, il devient problématique
d'examiner de manière équitable les questions
soulevées147. Elle marque la limite temporelle du
contrôle effectué par la Cour et indique aux particuliers comme
aux autorités la période au-delà de laquelle ce
contrôle ne s'exerce plus. Cette règle de six mois ne peut exiger
qu'un requérant saisisse la Cour de son grief avant que la situation
relative à la question en jeu n'ait fait l'objet d'une décision
définitive au niveau interne148. Ce délai court
à compter de la décision définitive dans le cadre de
l'épuisement des voies de recours internes. L'intéressé
doit avoir fait un usage normal des recours internes vraisemblablement
efficaces et suffisants afin de porter remède à ses griefs.
Au niveau de la Commission africaine des droits de l'homme et
des peuples la question de sa saisine dans un délai raisonnable, la
précision, a été posée dans l'affaire Majuru c.
Zimbabwe149. La Commission dans sa mission d'interpréter les
dispositions de la Charte africaine va se référer à ce que
la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés
fondamentales et la Convention interaméricaine des droits de l'homme
font dans pareil situation, car il faut le signaler que les trois conventions
sont presque similaires. C'est ainsi que comme les autres mécanismes
régions, la Commission retiendra le délai de six mois pour
être saisie d'une communication après l'épuisement des
voies de recours internes.
Après avoir réussi à passer
l'étape du filtrage des requêtes, en réunissant toutes les
conditions relatives à la recevabilité de requêtes, la
question que l'on pourrait se poser est celle de l'attitude du juge dans sa
mission à dire le droit en matière de protection de
l'environnement d'une part, et sa contribution dans le développement du
droit international de l'environnement, d'autre part.
Section 2. L'action du juge international dans la
protection de l'environnement et la sauvegarde de ses droits
Dans la protection de l'environnement deux juridictions
internationales doivent être présenter pour leur l'action dans la
protection et la sauvegarde des droits environnementaux, il s'agit de la Cour
international de justice et de la Cour européenne des droits de l'homme.
La contribution de la CIJ dans la protection de l'environnement peut
s'illustrer par la création, en 1993, en son sein d'une chambre
spéciale pour les questions environnementales. La création de
147 Voir Guide pratique sur la recevabilité,
Conseil de l'Europe, décembre 2010, pp. 21-22.
148 Idem
149 Communication 308/2005 (2008).
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cette chambre a été une réponse de la
Cour internationale aux questions touchant à l'environnement et au
développement durable. Cependant, triste est de constater que depuis sa
création les Etats n'ont jamais porté une seule affaire devant
cette chambre faisant de cette dernière, une chambre «
désespérément vide de tout litige environnemental
»150 . La CIJ, notamment la Chambre spéciale pour les
questions environnementales, ne disposant pas du pouvoir de s'auto-saisir et ne
permettant pas aux particuliers de la saisir pour de telles question ne pouvait
connaitre d'aucune affaire en matière environnementale tant qu'elle
n'aura pas été saisi par un Etat. Ce qui conduisit, en 2006, la
CIJ à ne pas renouveler le mandat des membres de la Chambre
spéciale. Alors qu'en matière d'environnement, l'action des
individus, ONG et groupes d'individus en la matière n'est plus à
démontrer.
C'est à ce niveau que la Cour européenne des
droits de l'homme s'est montrée et continue à se montrer plus
disposer à veiller au respect et à la sauvegarde des droits
environnementaux par l'action des ONG, individus et groupes d'individus qui
portent devant elle différente affaire en matière de protection
de l'environnement. Si la Cour européenne a un fort taux d'affaires
environnementales, il faut noter néanmoins qu'il s'emploie à
« construire, déconstruire et reconstruire ce qu'elle a
nommé (...) les droits environnementaux de l'homme151.
L'action du juge dans son rôle de protéger et de
sauvegarder l'environnement passe par l'examen de son attitude face aux
questions environnementales lui soumises (§1) d'une part, et l'examen des
mesures prise afin de réparer les dommages environnementaux
(§2).
§1. Attitude du juge
Les questions relatives à la protection de
l'environnement relèvent aujourd'hui de la conscience universelle de
l'humanité ce qui, il y a encore quelques années n'était
pas le cas. Ainsi, le droit international de l'environnement se trouve au
carrefour de plusieurs disciplines scientifiques faisant appel à une
approche interdisciplinaire, nécessaire au progrès et du droit
international et du droit international de l'environnement. Le
développement de la CIJ et de la Cour européenne a une connu un
début hésitant (A) et par la suite les réalisations
enregistrées quoiqu'important demeure néanmoins insuffisante
(B).
150 Stéphane Doumbe-Bille et alii, Droit international
de l'environnement, Paris, éd. Larcier, 2013, p. 77.
151 Voir Sévérine Nadaud et Jean-Pierre
Marguénaud, « Chronique des arrêts de la Cour
européenne des droits de l'homme 2010-2011 », Revue juridique
de l'environnement, 2011, n° 4, p. 563.
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