Enfant naturel en droit tchadien, étude à la lumière du projet de code des personnes et de la famillepar Modeste BESBA Université de Ngaoundéré. - Master 2016 |
Paragraphe deuxième : L'interdiction de la recherche de la paternité de l'enfant incestueuxDepuis toujours, l'enfant incestueux est maltraité à cause de la circonstance de sa naissance. Les enfants adultérins qui sont aujourd'hui traités de la même manière que l'enfant incestueux, pourront être reconnus, voire intenter une action en recherche de paternité avec l'adoption définitive du PCPFT, qui est resté jusque-là « feuille-morte »158(*). Avec l'avènement de cet Avant-projet, seul se voit interdire cette action l'enfant incestueux. Une telle interdiction est la violation du droit à une filiation proclamée par les instruments des Droits de l'Homme à toute personne, dont l'enfant incestueux (B), même si on lui a reconnu une symbolique action en indication de paternité (A). A- La reconnaissance d'une simple indication de paternité à l'enfant incestueuxComme souligné ci-haut, le Code civil traite identiquement les enfants adultérins et incestueux. Ces enfants, contrairement aux enfants naturels simples, ne peuvent pas intenter une action en établissement de paternité. Cette interdiction est déduite de l'article 335 du Code civil qui dispose : « La reconnaissance ne pourra avoir lieu au profit des enfants nés d'un commerce incestueux ou adultérin, sous réserve des dispositions de l'article 331 ». Ces réserves ne concernent que les enfants adultérins. Ainsi, tous ces enfants qui ne peuvent pas être reconnus sont aussi dépourvus d'action. Néanmoins, la loi leur accorde des aliments. Les choses changeront avec l'adoption définitive du présent PCPFT en code, puisqu'il assimile tous les enfants adultérins aux enfants naturels simples. Ils pourront désormais, en considération des dispositions du PCPFT, être reconnus par leurs auteurs ou agir en justice pour établir leur filiation. Il s'agit d'un changement qui n'a pas touché l'enfant incestueux. Ce dernier n'a qu'un simple droit d'intenter dans un petit délai une action en indication de paternité ; action qui n'établit pas sa filiation mais lui permet d'obtenir des aliments de celui qui sera indiqué comme son père par décision de justice. Etant donné que l'accouchement établit sa filiation maternelle, l'enfant incestueux ne peut pas chercher à établir la deuxième filiation, c'est-à-dire sa paternité. Les rédacteurs du PCPFT se montrant compatissant, accorde un droit alimentaire à l'enfant incestueux. C'est ainsi que l'article 327 de ce Projet dispose : « L'enfant dont la filiation paternelle n'est pas établie peut obtenir des aliments de celui qui sera indiqué comme son père par décision de justice. Sans établir la filiation paternelle de l'enfant, la décision met l'obligation alimentaire à la charge du père indiqué, toutefois celui-ci ne peut invoquer le bénéfice de la réciprocité ». Etant une action qui n'établit aucune filiation, l'alinéa 2 de cet article clarifie que le père indiqué dans la décision ne peut pas se prévaloir de la réciprocité. Aux termes de l'article 328 du PCPFT : « L'indication de paternité peut être déclarée : 1) dans le cas d'enlèvement ou de viol, lorsque l'époque de l'enlèvement ou du viol se rapporte à celle de la conception ; 2) dans le cas de séduction, abus d'autorité, promesse de mariage ou fiançailles ; 3) dans le cas où il existe des lettres ou quelque autre écrit émanant du père désigné et desquels il résulte une indication non équivoque de paternité ; 4) dans le cas où le père désigné et la mère ont vécu en état de concubinage notoire pendant la période légale de conception ; 5) dans le cas où le père désigné a pourvu ou participé à l'entretien et à l'éducation de l'enfant en qualité de père ». L'indication de paternité est donc subordonnée à ces conditions. Ces conditions ne sont pas cumulatives, une seule suffit à engager la responsabilité du père. Tout de même, elles sont soumises à des fins de non-recevoir. De l'exégèse de l'article 329 du PCPFT, ces fins de non-recevoir sont entre autres, l'inconduite notoire de la mère ou son commerce avec un individu, l'impossibilité physique du père à concevoir un enfant pendant la durée de conception et la déclaration par la science de l'incompatibilité entre l'enfant et le père prétendu. En se basant sur ces fins de non-recevoir, une inégalité entre les filiations est démontrée puisque le commerce de la mère est dans l'indication de paternité une fin de non-recevoir, alors que l'adultère de la femme n'est pas un cas d'ouverture de l'action en désaveu de paternité. Une discrimination existe encore dans les délais à agir puisque la réclamation est imprescriptible, l'indication de paternité n'est possible que dans les deux ans qui suivent, soit la naissance, soit la majorité de l'enfant. Introduite en France par la loi n°72-3 du 3 janvier 1972, cette action peut être exercée pendant toute la minorité de l'enfant159(*). Appelée action à fins de subsides en France, l'indication de paternité est accordée à tout enfant naturel dont la filiation paternelle n'est pas établie. Elle est ouverte aux enfants naturels dont la filiation n'est pas établie et aux enfants légitimes qui n'ont pas une possession d'état conforme à leur titre de naissance160(*). Le législateur tchadien en interdisant la recherche de paternité naturelle à l'enfant incestueux, veut réprimer l'acte non scrupuleux des parents. Zélé à réprimer l'inceste des parents, le législateur tchadien a ignoré le plus grand intérêt de l'enfant qui est celui d'avoir une filiation. Cette interdiction d'établir la filiation paternelle de l'enfant incestueux est contraire à la Convention Internationale des Droits de l'Enfant(CIDE)161(*). Au lieu de recevoir l'action en recherche de paternité de l'enfant incestueux au même titre que les autres enfants, le législateur tchadien l'a privé de ce droit en sacrifiant sa filiation. * 158 L'expression « feuille-morte » s'explique du fait que le PCPFT dont l'initiative date de 1994 et déposé à l'Assemblée Nationale du Tchad depuis 2000 n'est pas encore adopté. * 159NEIRINCK (C.) et al.,Droit de la famille, op.cit., p.93. * 160 Ibid. * 161 Art. 3 al.1 de la CIDE : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ». |
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