Enfant naturel en droit tchadien, étude à la lumière du projet de code des personnes et de la famillepar Modeste BESBA Université de Ngaoundéré. - Master 2016 |
B- La violation du droit de l'enfant incestueux d'établir sa filiation paternelleSi tous les Etats appliquaient les instruments des Droits de l'Homme, la discrimination et l'inégalité entre les hommes n'existeraient pas. D'ailleurs, l'article 1er de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) est clair là-dessus quand il dispose : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ». Cet article pose sans équivoque le principe de l'égalité de tous les êtres humains, c'est-à-dire les adultes comme les enfants. Cela signifie que toute inégalité basée sur l'origine ou l'appartenance à un groupe quelconque, social, ethnique, religieux et linguistique est sans fondement légitime. L'article 2 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples poursuit dans la même logique en ces termes :« Toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte sans distinction aucune, notamment de race, d'ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ». Mais le constat montre que les Etats qui ont ratifié ces instruments internationaux ne les appliquent pas. Aujourd'hui, les victimes des multiples discriminations sont sans doute les femmes et les enfants. En se basant sur les enfants, ils sont traités en considération des circonstances de leurs naissances. C'est ainsi que certains sont dits légitimes et d'autres naturels. Telle est la discrimination établie par le droit parce qu'elle était méconnue jadis. Attaché à protéger les institutions, le Code civil de 1804 traitait très inégalement les enfants légitime et naturel ; et se souciait peu de la vérité biologique162(*). Malgré la permutation de toutes les lois françaises qui ont milité pour l'égalité entre enfants, il existe jusque-là d'inégalités. Si l'Ordonnance du 4 juillet 2005 se félicite d'avoir établi l'égalité en droit de la filiation, il est temps de dire non puisque cette même Ordonnance ne permet pas l'établissement de la double filiation de l'enfant incestueux. Le Tchad n'est pas du reste s'il faut lister les pays qui continuent à discriminer les enfants en considération des circonstances de leurs naissances. Les rédacteurs du PCPFT ont tenté d'améliorer la situation des enfants en assimilant les enfants naturels simples et ceux adultérins à l'enfant légitime. Avec le PCPFT, seul l'enfant incestueux reste sans action en recherche de paternité. Il lui est reconnu une action en indication de paternité qui, aux termes de l'article 327 du PCPFT, n'établit pas sa filiation paternelle, mais lui procure juste des aliments de la part de celui qui est indiqué comme père. Une telle interdiction est la violation du droit accordé, à toute personne de connaitre ses origines et d'établir sa filiation, par l'article 9163(*)de la CIDEratifiée par le Tchad. Cette discrimination de l'enfant incestueux n'est pas reçue dans la pratique par les Tchadiens. D'ailleurs, la plupart des coutumes tchadiennes traitent tous les enfants sans distinction. A titre d'illustration, il faut citer les coutumes kéra, toupouri, gor, ngambaye,moundang,sara,arabes etc. Dans ces coutumes, il n'ya pas de différence de traitement entre enfant légitime et enfant naturel. Le droit coutumier impacte positivement sur la filiation naturelle en obligeant le père à reconnaitre l'enfant quelle que soit la situation dans laquelle il est issu. De toutes ces considérations, il est tentant de dire que ces coutumes considèrent l'intérêt de l'enfant, chose que le droit écrit a ignoré. Pourtant, c'est le droit écrit qui est censé prendre en compte le contenu des différents instruments des Droits de l'Homme ratifiés par le Tchad. Si le législateur tchadien pouvait songer à la consécration de l'action en recherche de paternité de l'enfant incestueux en se conformant aux dispositions de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant, de la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'Enfant qui militent pour la non-discrimination des enfants, pour la considération de l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes les décisions le concernant, il établirait l'égalité dans les actions en établissement de la filiation. L'inégalité entre les enfants tchadiens n'a pas laissé les actions en contestation de filiation. * 162TERRE (F.) et FENOUILLET (D.), Droit civil, Les personnes, La famille, Les incapacités, op.cit., n°670, p.551. * 163 Art.9
CIDE : « 1. Les Etats parties veillent à ce que
l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur
gré, à moins que les autorités compétentes ne
décident, sous réserve de révision judiciaire et
conformément aux lois et procédures applicables, que cette
séparation est nécessaire dans l'intérêt
supérieur de l'enfant. Une décision en ce sens peut être
nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les
parents maltraitent ou négligent l'enfant, ou lorsqu'ils vivent
séparément et qu'une décision doit être prise au
sujet du lieu de résidence de l'enfant. 3. Les Etats parties respectent le droit de l'enfant séparé de ses deux parents ou de l'un d'eux d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant. 4. Lorsque la séparation résulte de mesures prises par un Etat partie, telles que la détention, l'emprisonnement, l'exil, l'expulsion ou la mort (y compris la mort, quelle qu'en soit la cause, survenue en cours de détention) des deux parents ou de l'un d'eux, ou de l'enfant, l'Etat partie donne sur demande aux parents, à l'enfant ou, s'il y a lieu, à un autre membre de la famille les renseignements essentiels sur le lieu où se trouvent le membre ou les membres de la famille, à moins que la divulgation de ces renseignements ne soit préjudiciable au bien-être de l'enfant. Les Etats parties veillent en outre à ce que la présentation d'une telle demande n'entraîne pas en elle-même de conséquences fâcheuses pour la personne ou les personnes intéressées ». |
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