Enfant naturel en droit tchadien, étude à la lumière du projet de code des personnes et de la famillepar Modeste BESBA Université de Ngaoundéré. - Master 2016 |
B- La réaffirmation de la prescription de l'action en recherche de paternité naturelleAlors que l'action en recherche de paternité est ouverte sans condition périodique à l'enfant légitime, l'enfant naturel est quant à lui soumis à une prescription extinctive de l'action. Cette affirmation n'est pas fausse, mais elle est inspirée du droit tchadien. La prescription de l'action en recherche de paternité naturelle qui est exprimée par le Code civil est réaffirmée par le législateur dans le PCPFT. L'article 328 du Code civil affirme à haute voix l'imprescriptibilité de l'action en réclamation d'état pour l'enfant légitime en ces termes : « L'action en réclamation d'état est imprescriptible à l'égard de l'enfant ». Pourtant cette imprescriptibilité ne s'applique pas aux enfants naturels qui sont aussi appelés enfants charnels au même titre que le premier. Cette remarque est faite à base des dispositions du même Code civil, puisqu'il ressort de son article 340155(*)que l'action en recherche de paternité devra à peine de déchéance, être intentée dans les deux années qui suivront l'accouchement. Une telle chose affirme entre les enfants l'inégalité de chances dans l'exercice de l'action en établissement de la filiation. Le dernier alinéa de l'article 340 poursuit que si l'action n'a pas été intentée pendant la minorité de l'enfant, celui-ci pourra l'intenter pendant toute l'année qui suivra sa majorité. Les rédacteurs du Code civil ont privilégié l'action en réclamation d'état d'enfant légitime au détriment de l'action en recherche de paternité d'enfant naturel. Comment peut-on ouvrir librement une action pour une personne et la prescrire pour une autre personne ? C'est de telles questions que les rédacteurs du PCPFT devraient résoudre. Mais le constat est que ces derniers ont réaffirmé la prescription de la seule action en recherche de paternité naturelle. Le Projet de Code des Personnes et de la Famille du Tchad (PCPFT) est resté sans réaction pour ce qui est de la prescription de la réclamation d'état d'enfant légitime. Ce silence désigne une tacite reconduction de l'article 328 du Code civil qui dispose : « L'action en réclamation d'état est imprescriptible à l'égard de l'enfant ». Le raisonnement est différent du côté de l'enfant naturel qui, pour intenter l'action en recherche de paternité, doit respecter un certain délai sous peine de forclusion. Selon l'article 310 du PCPFT, l'action en recherche de paternité naturelle doit à peine de déchéance être intentée dans les deux ans qui suivent la naissance ou dans les cinq ans qui suivent la majorité. Passé ces délais, un enfant naturel ne pourra plus agir en justice pour l'établissement de sa filiation, alors qu'un enfant légitime l'exerce toute sa vie. La situation de l'enfant incestueux qui veut intenter une action en indication de paternité semble être pire. Même si l'alinéa 3 de l'article 330 du PCPFT lui accorde, au même titre que l'article 310, deux ans après sa naissance, il est néanmoins lésé par l'alinéa 5 qui dispose : « Lorsque l'action n'a pas été intentée pendant la minorité de l'enfant, celui-ci peut l'intenter pendant les deux années qui suivent sa majorité ». Alors que l'enfant naturel simple ou adultérin intentera l'action dans les cinq ans qui suivent sa majorité, celui incestueux n'aura que deux ans, selon les prévisions du PCPFT. Il est bon que le législateur tchadien convienne que le temps n'est plus à la distinction des enfants basée sur les circonstances de leur naissance, mais à la recherche de l'égalité. C'est vraiment illogique de prescrire une action pour une personne et la laisser sans prescription pour une autre personne. Pour établir l'égalité, il faut qu'il pense à harmoniser la prescription de toutes les actions en établissement de la filiation, soit par la prescription de droit commun qui est de 30 ans, soit les ramener toutes à 10 ans comme le cas de la France depuis l'Ordonnance du 4 juillet 2005. L'Ordonnance conserve le caractère prescriptible des actions relatives à la filiation aux termes de l'article 321-1 du Code civil qui remplace l'ancien article 311-7156(*). La grande innovation de cette Ordonnance française réside dans la durée de cette prescription qui est désormais de 10 ans au lieu de 30 ans157(*). Après avoir démontré l'inégalité qui touche les moyens permettant d'intenter les actions en établissement de la filiation, il faut souligner que l'enfant incestueux ne peut pas intenter ces actions, il bénéficie d'un régime particulier d'action. * 155Art. 340 C.civ. : « La paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée : 1°) Dans le cas d'enlèvement ou de viol, lorsque l'époque de l'enlèvement ou du viol se rapportera à celle de la conception ; 2°) - Remplacé par L. 934 du 15 juillet 1955 (J.O.C., 57, p. 1229) ; 3°) Dans le cas où il existe des lettres ou quelque autre écrit privé émanant du père prétendu et desquels il résulte un aveu non équivoque de paternité ; 4°) Dans le cas où le père prétendu et la mère ont vécu en état de concubinage notoire pendant la période légale de la conception ; 5°) Dans le cas où le père prétendu a pourvu ou participé à l'entretien et à l'éducation de l'enfant en qualité de père. L'action en reconnaissance de paternité ne sera pas recevable : 1°) S'il est établi que, pendant la période légale de la conception, la mère était d'une inconduite notoire ou a eu commerce avec un autre individu ; 2°) Si le père prétendu était, pendant la même période, soit par suite d'éloignement, soit par l'effet de quelque accident dans l'impossibilité physique d'être le père de l'enfant. L'action n'appartient qu'à l'enfant. Pendant la minorité de l'enfant, la mère, même mineure, a seule qualité pour l'intenter. Elle devra, à peine de déchéance, être intentée dans les deux années qui suivront l'accouchement. Toutefois, dans les cas prévus aux paragraphes 4 et 5 ci-dessus, l'action pourra être intentée jusqu'à l'expiration des deux années qui suivront la cessation, soit du concubinage, soit de la participation du prétendu père à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. A défaut de reconnaissance par la mère, ou si elle est décédée, interdite ou absente, l'action sera intentée conformément aux dispositions de l'article 389. Si l'action n'a pas été intentée pendant la minorité de l'enfant, celui-ci pourra l'intenter pendant toute l'année qui suivra sa majorité ». * 156 BERRY (I) et GRIMAUD (V), « La réforme de la filiation, ordonnance n°2005-759 du 4 juillet 2005 », op.cit., p.16. * 157 Ibid. |
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