6.3. Assainissement
différentiel selon les strates de la ville
Le problème de l'assainissement se pose de façon
différentielle dans les strates de la ville et en fonction de la
typologie de l'habitat. Dans les strates 1 et 2, on note un nombre assez
élevé d'ouvrages d'assainissement. Les grandes artères
sont bitumées et dotées de caniveaux. On retrouve à
l'intérieur des quartiers certaines rues pavées ou dotées
de caniveaux. Le problème qui s'y pose est surtout lié à
l'usage et à l'entretien des ouvrages existants. En effet, faute
d'entretien les équipements d'assainissement deviennent
généralement des facteurs de dégradation de
l'environnement et de l'écologie urbaine à l'image du caniveau
qu'on voit sur la photo n° 6.6, qui est toujours bouché par les
déchets domestiques ; il en est de même pour la rue
pavée insalubre illustrée par la photo n° 6.7.
Photo n° 6.6 : Caniveau rempli de déchets
solides dans la strate 2 (Kalley-Nord Abidjan)
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Photo n° 6.7 : Rue pavée insalubre dans
la strate 2 (Soni)
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Dans les quartiers centraux traditionnels, les populations ont
tendance à verser leurs déchets solides et liquides lors des
averses, dans les eaux de ruissellement qui les charrient vers les caniveaux.
Ces déchets s'agglutinent et finissent par boucher des caniveaux
devenant ainsi de véritables dépotoirs sauvages de
déchets. Dans certains quartiers du centre ville, le caniveau est
transformé en lieu d'aisance. Il en résulte une pollution de
l'air due à une odeur nauséabonde.
Photo n 6.8 : Rue pavée difficilement
praticable dans la strate 2 (Soni)
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Photo n°6.9 : Caniveau mal entretenu
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Dans la strate 3 ou zone intermédiaire, les ouvrages
d'assainissement sont rares voire inexistants. Ici, la population a
commencé à s'installer depuis plus de deux décennies alors
que les équipements n'ont pas suivi. Faute de ces équipements,
elles continuent de déverser leurs eaux usées et leurs
déchets dans la rue.
Dans strate 4 qui constitue la zone périphérique
de la ville, les ouvrages d'assainissements sont quasi-absents. Faute de
viabilisation, les habitants des quartiers récents utilisent leurs
déchets domestiques pour remblayer les trous d'eaux stagnantes. Le
mélange qui en résulte ressemble à la tourbe en saison
pluvieuse et rend impraticables les rues. Le problème qui se pose ici
est surtout celui de comblement régulier des eaux stagnantes avec du
sable fin et non de la latérite ou des déchets. De plus, il
s'avère impératif d'implanter des dépotoirs dans cette
strate qui reçoit de plus en plus de ménages.
Photo n°6.10 : L'insalubrité dans un
quartier périphérique
En outre, il y a le problème des lotissements qui
attendent plusieurs années avant d'être viabilisés pendant
que le prix de cession de la parcelle est supposé prendre en compte les
coûts de cette opération. Cet état de fait réduit le
lotissement à un simple découpage en lots pour ne pas dire un
plan sommaire.
On note également le lotissement de zones impropres
à l'habitat comme les ravins, les zones inondables (une partie de Banga
Bana), les anciennes carrières, les koris, etc. Cela n'est pas sans
conséquence sur la vie des habitants qui doivent faire face à
l'inondation, au manque d'hygiène, au manque d'adduction d'eau potable,
au manque de réseau d'électricité, de
téléphone, de transport et d'évacuation des ordures
ménagères ainsi qu'au manque d'infrastructures socio-collectives.
Notons que la vitesse d'urbanisation de ces quartiers
périphériques est fortement dépendante de la progression
des travaux de viabilisation de ces zones (PUR de la CUN 2009, p. 88).
Sur le plan environnemental, chaque année, la ville
grignote en tache d'huile plus de 305 hectares (soit plus de 3 km2)
sur les terres agricoles et les espaces naturels des alentours
immédiats. Ce mitage se fait essentiellement au profit des habitations
aussi bien formelles à l'issue d'un lotissement de la mairie
qu'informelles par l'achat auprès des propriétaires coutumiers
des champs en question. La photo n° 6.11 expose ce problème de
grignotement en montrant des habitations qui avoisinent voire débordent
dans les champs de culture. Il faut ajouter que le grignotement concerne aussi
les espaces naturels et les jardins qui se trouvent à l'intérieur
de la ville notamment dans les vallées. C'est ainsi que la photo n°
6.12 met en exergue des habitations construites dans le coeur de la
vallée de Gounti Yéna qui sert aussi de décharges
pour les ordures ménagères.
Photo n° 6.11 : Grignotement de l'espace
agricole par les parcelles
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Photo n°6.12 : Occupation de la vallée de
Gountou Yena par les habitations
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C'est le même sort qui est réservé
à la ceinture verte. Face à l'agression de l'urbanisation, ce
massif forestier artificiel fait l'Object de coupes frauduleuses des arbres, de
décharges d'ordures solides et liquides et d'un développement
inquiétant de l'habitat informel de type rural (photo n° 6.13 et
6.14).
Photo n°6.13 : Habitat spontané dans la
ceinture verte
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Photo n° 6.14 : Dégradation de la
ceinture verte par la coupe frauduleuse des arbres
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Mais les prélèvements de bois de la ceinture
verte et les espaces naturels immédiats ne satisfont pas les besoins de
la population de la ville, qui se voit dans l'obligation de recourir à
des massifs forestiers plus ou moins lointains. Ainsi, dans
une Etude sur l'approfondissement du diagnostic et
l'analyse des systèmes de production agro-sylvo-pastoraux dans le cadre
de la mise en oeuvre de la stratégie de développement rural dans
Région de la Communauté Urbaine de Niamey, Younoussa S. et
al. (2004) montrent que, ne disposant pas de forêt
potentiellement exploitable, la ville est approvisionnée en bois
d'énergie par les massifs forestiers des régions de
Tillabéry et Dosso ; ils précisent que l'évaluation
faite en 2001 par le Projet Energie Domestique (PED) sur un rayon de 150 km
autour de la ville, a révélé un volume de bois exploitable
de l'ordre de 1.000.000 de stères (équivalent à 250.000
tonnes) par an, dont plus de la moitié est consommée par la Ville
de Niamey. En prenant en compte la consommation moyenne en bois énergie
par personne/jour estimée à 0,6 kg et les chiffres du dernier
recensement de la population (2001), ils ont estimé la consommation en
bois de la ville de Niamey en 2004 autour de 164.000 tonnes soit 656.000
stères.
Mieux, les auteurs démontrent que dans
l'hypothèse où cette tendance serait maintenue, le déficit
entre les prélèvements et les capacités de
régénération des formations forestières passera de
250.000 tonnes en 2001 et plus de 300.000 tonnes en 2015 pour la seule Ville de
Niamey, si aucune mesure de substitution n'est prise à court terme.
Figure n°6.1 : Production, Consommation, Bilan Bois
2001-2O15
Source : CNEDD/2004
En définitive, en même temps qu'elle occasionne des
prélèvements exorbitants sur les ressources forestières,
la ville poursuit son étalement au point de menacer le Kori Ouallam qui
la ceinture au nord-est avec ses multiples jardins (carte n° 6.1).
Face à cet étalement de plus en plus rapide de
la ville, certains acteurs préconisent de suspendre les lotissements
jusqu'à nouvelle ordre.
Carte n°6.1 : Kori Ouallam menacé par
l'étalement de la ville de Niamey
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