6.1.2. Problème de mise
en valeur de la parcelle
Dans les charges et conditions de l'acte de cession d'immeuble
non bâti, il est précisé que l'acquéreur d'une
parcelle doit se conformer aux prescriptions en vigueur de voirie,
d'esthétique, de salubrité et d'urbanisme de la ville. Pour ce
faire, il doit déposer une demande d'autorisation de construire dans le
délai de trois mois sachant que ce dossier, qui fait état de plan
de situation, doit avoir le visa d'un architecte. Passé le
délai, il est souhaitable que le service des affaires domaniales
prévoit et applique des sanctions immédiates, aux contrevenants
à cette procédure.
A cet effet, il lui suffit, par exemple, de dresser la liste
de ces derniers et de leur faire part de la menace de résiliation de la
vente en cas de non respect des clauses résolutoires. Il convient
néanmoins de reconnaître que les acquéreurs de parcelles,
mêmes lettrés, prennent très rarement la peine de lire le
contenu des actes de cession. Ils ne lisent que le nom du lotissement, le
numéro de l'îlot, puis celui de la parcelle. D'où leur
méconnaissance des dispositions y afférentes. C'est pourquoi, il
serait indispensable de leur remettre les actes de cession, concernant un
lotissement donné, le même jour afin de pouvoir les rassembler et
les encadrer en leur rappelant oralement toutes les clauses contenues dans les
actes en leur possession. Ainsi, ils pourraient aussi être
informés qu'aucune construction ne doit être entreprise avant
d'avoir obtenu l'autorisation de construire.
Une fois l'autorisation obtenue l'acquéreur devrait
être averti qu'il a un délai de quatre ans, à compter de la
date d'approbation de l'acte, pour mettre en valeur sa parcelle et que toute
modification architecturale de l'édifice devrait aussi être
signalée à la mairie. Cela aurait permis d'éviter la
faible mise en valeur de parcelles surtout périphériques et la
présence de parcelles non bâties dans les quartiers d'installation
ancienne comme on le constate au Plateau où des parcelles non
bâties font office d'enclave de maisons en paillote. Il faut trouver un
moyen efficace qui permettrait d'amener les spéculateurs à
privilégier la construction au lieu de laisser les parcelles vacantes.
Cela passe par exemple par la taxation (ou imposition) des parcelles non
bâties. La taxe levée sur les parcelles laissées vacantes
doit augmenter chaque année. Ainsi faisant la ville de Niamey
d'augmenterait également ses recettes fiscales.
La question de la mise en valeur des parcelles a
été abordée par I. Mamoudou (2007), dans son
mémoire de maîtrise intitulée « Losso goungou :
du village au quartier périphérique ». Il y montre que
la plupart des parcelles du quartier sont peu ou pas suffisamment mises en
valeur. Cette situation qui peut être généralisée
aux quartiers périphériques de la ville, s'explique non
seulement par la spéculation foncière mais aussi par le manque de
moyens des ménages dans un contexte d'absence de crédits ou de
subventions pour l'habitat accessibles à tous. D'où
l'intérêt de mettre en place la banque de l'habitat prévue
dans le cadre de la politique nationale de l'habitat. En outre, l'accent doit
être mis désormais non pas seulement sur l'accès au sol
(foncier) mais surtout sur la construction et la sécurité du
logement.
Au quartier Lazaret, sur un lotissement de 1997, on observe
encore en 2008, sept parcelles adjacentes, appartenant à un même
propriétaire, toutes emmurées au parpaing mais sans la moindre
construction à l'intérieur ; ces parcelles vides ont finalement
vu pousser des cases. Cet exemple illustre les aberrations dans la gestion
urbaine à Niamey. Pourtant, la notion de mise en valeur est d'une grande
importance tant dans le processus de production du tissu urbain que pour son
contrôle et sa maîtrise.
Mais, à partir de quand peut-on dire qu'une parcelle
est insuffisamment mise en valeur ? Comment estimer le degré de mise en
valeur d'une parcelle ? Est-ce que planter un arbre, mener une activité
artisanale (garage par exemple, magasin..), emmurer une parcelle sont des
formes de mise en valeur suffisantes ? Ces questions montrent qu'il est
indispensable de définir clairement la notion de mise en valeur. Cela
revient à préciser un seuil à partir duquel une parcelle
peut être considérée comme non ou insuffisamment mise en
valeur et la sanction à encourir pour chaque cas. Le fait que la plupart
des acquéreurs ne demandent pas un permis de construire rend difficile
le contrôle et l'estimation de la mise en valeur. De plus, dans la
plupart des cas, l'habitat est plutôt évolutif, donc sans plan
préconçu. Cette forme de mise en valeur, qui est dominante
relève généralement de l'auto-construction. Or,
l'appréciation de la mise en valeur doit en principe se
référer au plan agréé par la commission
d'autorisation de construire. La photo n° 6.1 montre une parcelle
emmurée mais qui est restée vide plus d'une décennie
après son acquisition dans le quartier Kouara Mé, situé
dans la strate 3. L'ampleur du phénomène de non mise en valeur,
notamment en zones péricentrale et périphérique, laisse
croire à une absence de règlement en la matière.
Photo n° 6.1: Parcelle non mise en valeur dans un
quartier de la zone intermédiaire
Pourtant, plusieurs textes ont été
adoptés dans ce sens. Ainsi, la loi n° 64-16 du 16 juillet 1964
stipule à son article premier que tout terrain ou immeuble non mis en
valeur de manière suffisante ou abandonné depuis plus de dix ans
à compter de la date de sa dernière mutation, est
considéré comme vacant et incorporé au domaine
privé de l'Etat sans indemnité et libre de toutes charges et
dettes.
En dépit de cette loi, des terrains restent vacants
plus d'une vingtaine d'années, même en centre ville ; l'astuce
consiste à y implanter une activité alors qu'ils devraient
être destinés à l'usage d'habitation (exemple des parcelles
qui font office de garage auto dans les quartiers traditionnels du centre
ville).
Néanmoins, l'arrêté n° 86/MF du 10
avril 1989 fixe la valeur de l'investissement à réaliser sur un
terrain à bâtir en zone lotie et les conditions
d'exigibilité. Au titre de l'article 9 de cet arrêté, tout
bénéficiaire d'un permis d'habiter ou d'un acte de cession
pourra obtenir un titre définitif de propriété si son lot
remplit les conditions suivantes :
a) être élevé sur fondation de 80
centimètres de profondeur ;
b) les murs sont en dur ou s'ils sont en banco d'une
épaisseur minium de 40 centimètres sur fondation de 80
centimètre ;
c) ne pas comporter de toitures en chaume ou en carton
bitumé ;
d) les eaux usées sont s'écoulées dans un
puisard de 1,80 m de profondeur sur 0, 80 m de diamètre : ce
puisard est rempli de cailloux, puis de sable jusqu'au niveau de 1,50 m. Les
puits est hermétiquement clos et comporter une margelle de 0,80 m. Les
fosses sont suffisamment éloignées du puits et des cuisines. Le
puisard devra être suffisamment éloigné du puits et
obligatoirement situé à l'intérieur de la parcelle
occupée.
e) les fondations de toutes constructions ne seront
entreprises que suivant les plans coupe et façades préalablement
établis approuvés par la commission des autorisations de
construire.
f) le permissionnaire se conforme au plan d'alignement ;
g) si l'affectation donnée à la construction
comporte l'installation d'un établissement dangereux incommode et
insalubre, il accepte les obligations qui lui seront spécialement
imposées.
h) Il entretient constamment en bon état sur le terrain
concédé les bâtiments tels qu'ils sont définis aux
dispositions ci-dessus ?.
L'Article 10 stipule que l'intéressé adressera
au maire ou au chef de circonscription administrative une demande de constat de
mise en valeur, en joignant son permis d'habiter et une pièce
d'identité.
Si une construction est jugée conforme aux indications
du permis de construire, il sera alors délivré au
propriétaire de la maison un certificat de conformité qui lui
permet de déposer un dossier pour le titre foncier au niveau des
services du cadastre et plus précisément au niveau du service
d'immatriculation du domaine. Contrairement au permis de construire, le titre
foncier n'est pas obligatoire, mais elle donne lieu à une
propriété privée inviolable et définitive.
Il faut rappeler que dans la pratique, les différentes
étapes de cette procédure sont rarement respectées par les
pétitionnaires dont une bonne partie ignore les textes ou les trouvent
trop exagérés pour être honorés. Dans tous les cas,
le non-respect de ces normes explique la présence de bars-dancing, de
garages et de caves au coeur des îlots d'habitation ; il est aussi
à la base de beaucoup de problèmes de cohabitation et de
voisinage car on construit n'importe comment, souvent sans tenir compte des
conditions de vie des habitants : nombre insuffisant de latrines,
insuffisance de l'espace cour, absence d'eau courante,
d'électricité, etc.
Aussi, est-il fréquent de voir derrière
certaines constructions une fosse septique ouverte, régulièrement
remplie d'eau vanne. Ce qui pose des problèmes d'environnement,
d'hygiène et d'assainissement.
Le non-respect du permis de construire explique
également la mauvaise exploitation de la parcelle occasionnant des
pertes d'espace, d'argent, d'énergie et de temps que le constructeur
aurait pu éviter en consultant un architecte. Mais, certains promoteurs
préfèrent brûler les étapes sous prétexte
d'éviter la lourdeur de procédures administratives avant de se
régulariser plus tard. Ceux qui respectent la réglementation en
la matière le font le plus souvent pour avoir accès à un
prêt bancaire ou en prévision d'un éventuel contentieux sur
la parcelle mise en valeur en cas de double affectation. En outre,
jusqu'à une date récente, on constate l'absence d'architecte dans
les commissions d'urbanisme qui attribuent le permis de construire et
certificat de conformité. Cela constitue un grave bémol montrant
que les personnes exerçant cette fonction ne sont pas
considérées comme un maillon important dans la construction de la
ville. Une telle situation ne permet ni de maitriser l'évolution du
tissu urbain, ni de valoriser le métier d'architecte au Niger. Fort
heureusement, l'ordre des architectes a pu obtenir une participation à
cette commission, pour sauver la ville et le métier d'architecte.
Cependant, il est judicieux de noter que la question de mise en valeur des
parcelles est aussi confrontée aux difficultés de financement du
logement.
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