Conclusion partielle
Quatre facteurs expliquent la défaillance de la
planification ; il s'agit :
- du caractère brut des textes d'urbanisme ;
- de leur rigidité qui résulte du fait qu'ils
ne prennent pas toujours en compte les réalités
socio-financières des ménages ;
- du surcoût qu'aurait engendré leur respect
pour un ménage niaméen en plus du prix de plus en plus
élevé du foncier et des matériaux de
construction ;
- et enfin de la non-installation de certaines structures
chargées de leur application.
Dans l'ensemble, la planification urbaine est centrée
sur l'accès au foncier et la régulation de son usage. Ce qui
implique beaucoup de limites dont les principales résident dans le fait
qu'elle présente rarement une dimension sociale et qu'elle n'a pas pour
objectif la lutte contre l'étalement de ville.
Il est curieux de constater qu'il y a eu plusieurs reformes
des textes d'urbanisme alors même que ceux-ci ne sont pas
appliqués. On se demande alors ce qui peut justifier de telles
réformes si ce n'est par mimétisme suivant le modèle
français ou parce que les commissions mises en place à cette fin
constituent une manne financière pour les fonctionnaires du
ministère de l'urbanisme. Une réforme s'impose normalement quand
la pratique des textes en vigueur révèle des limites. Dans tous
les cas de figure, la non application ou la non applicabilité des textes
d'urbanisme a ouvert la voie à une mauvaise gestion urbaine qui implique
une forte spéculation foncière et un accroissement de l'habitat
informel.
Chapitre 6 : Mauvaise
gestion urbaine sur fond d'une forte
spéculation
Introduction
L'inobservance des orientations mentionnées dans les
plans favorise l'anarchie et le pseudo-urbanisme dans la ville de Niamey
soumise à une croissance démographique et spatiale spectaculaire.
Il en résulte une spéculation foncière très forte,
une faible mise en valeur des parcelles produites. Cela contribue à
maintenir le problème de logement à Niamey et un
équipement différentiel des différentes strates de la
ville.
6.1. Production du
logement ne respectant pas les clauses de mise en valeur des parcelles
La construction du logement à Niamey repose d'abord sur
une forte spéculation foncière due au fait que la maison
constitue pour les Niaméens en général, un projet
personnel dont la finalité est de dire « la place de son
propriétaire ». Cela veut dire qu'elle a une signification
sociale. De plus, l'immobilier est un secteur stratégique d'accumulation
et de reproduction du capital ou tout simplement de sécurisation pour
les ménages parmi lesquels avoir son propre
« chez-soi » est aussi un indice de citadinité. Dans
ce cas, le statut d'occupation du logement est conçu comme partie
intégrante de l'identité du citadin.
K.H. Motcho relève en 1996 que la production de
l'habitat à Niamey est basée sur une dualité
marquée par des constructions urbaines et un habitat populaire à
plusieurs variantes. Si les premières incarnent la modernité de
la ville, le second est plutôt le produit d'une auto-construction
réalisée à travers des filières informelles. Mieux,
le même auteur démontre que la répartition de ces types
d'habitats est très déterminante dans l'organisation spatiale de
la ville, du moment où le cadre de vie reflète le niveau de
vie.
Il faut dire que la production du logement est surtout
l'oeuvre des promoteurs privés (particuliers) qui dominent le secteur.
Ces sont soit des spéculateurs, soit des chefs de ménage en
quête d'une sécurité foncière. Mais, on note de plus
en plus des sociétés para-étatiques et services
étatiques qui participent à la construction de logements.
La production de l'habitat s'articule autour de plusieurs
questions parmi lesquelles on peut citer : le problème de
l'accès au sol, le problème de mise en valeur, le problème
de financement de l'habitat ainsi, que les problèmes de son accès
et de son usage.
6.1.1. Rude
compétition pour accéder au sol
Il s'agit pour les promoteurs spéculateurs, de
développer des stratégies et des réseaux leur permettant
d'accéder à plusieurs parcelles voire construire autant de
maisons qu'autorisent leurs capacités financières dans un
contexte de non-respect des normes d'aliénation de parcelles.
Ces stratégies favorisent le cumul de
propriétés chez les uns et l'absence de propriété
chez le plus grand nombre de Niaméens. En effet, les pratiques
foncières et les modes d'acquisition de la parcelle sont fonction du
rapport de forces entre acteurs. Ainsi, les relations sociales, le revenu, la
représentation au sein de l'appareil étatique ou communal et la
fonction, sont des atouts pour un individu ou un groupe pour dominer le
marché foncier, en grande partie informel. Ce qui fait qu'aujourd'hui,
le foncier se trouve entre les mains de spéculateurs
incontrôlables à savoir les propriétaires coutumiers, les
hauts fonctionnaires et les grands commerçants de plus en plus
majoritaires.
Il n'est pas rare de voir des particuliers qui disposent d'une
vingtaine (voire plus) de maisons de tous types, villas, habitats de cour en
banco ou en dur. Ceux qui ont fait de cette spéculation leur profession
sont de véritables promoteurs immobiliers informels, qui en dehors de la
vente de parcelles ou maisons s'appliquent à mettre en location un
certain nombre de logements dans différents quartiers de la ville (c'est
le cas à Dar es-Salaam, Karadjé).
Au tout début, avoir plusieurs maisons était
uniquement motivé par le souci de sécuriser ses héritiers,
sans quoi, on aurait vécu inutilement. Car dans cette ville, la maison
remplace le champ du village pour l'héritage. De ce fait, le prestige
d'un chef de famille peut se mesurer par le nombre de maisons dont il
dispose.
Mais, cette logique tend à laisser la place à
celle d'une pure et simple spéculation du bail encouragée par
l'accroissement de la demande de logements. Aujourd'hui, il est facile de
constater que des secteurs entiers d'un lotissement appartiennent à une
même personne (notamment à Dar es-Salaam et à
Karadjé). De plus, les plus riches et plus stratèges de ces
spéculateurs sont en train d'investir le centre ville à leur
gré.
Il faut dire que cette spéculation est aussi
liée au fait que les habitants de Niamey trouvent plus sécurisant
d'avoir une parcelle ou une maison bâtie que d'avoir un compte garni dans
une banque ou une mutuelle qui peut faire banqueroute (Banque de
Développement de la République du Niger , Taïmako,
Addache, etc.) ou dont la monnaie peut être dévaluée.
Il convient de préciser que tous les demandeurs de
parcelles ou acheteurs de maisons ne sont pas des spéculateurs, car les
individus à revenu moyen arrivent aussi, après plusieurs
années d'épargne et de privations, à accéder
à la propriété. Cette propriété peut non
seulement abriter leur famille mais aussi être mise en location
d'appoint. A cette catégorie de propriétaires s'ajoutent ceux qui
ont hérité ou bénéficié de parcelles ou de
maisons. Une fois la parcelle acquise, l'acquéreur se doit de
procéder à sa mise en valeur ; ce qui n'est pas sans
difficultés.
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