5.4.2.3. Troisième étape : la
période de 1990 à 2000
Le processus de démocratisation du pays a
été engagé avec la tenue de la conférence nationale
qui a duré du 29 juillet à fin octobre 1990. On y note, dans un
premier temps, la suspension de la planification du développement urbain
au profit des programmes d'ajustement structurel et de réformes
économiques privilégiant les mécanismes du marché
pour résoudre les problèmes de déséquilibres
macro-économiques. Cependant, l'intérêt de la ville
apparaît très tôt. Car, désormais, on a conscience
que la ville est le moteur du développement économique du pays.
D'où la nécessité d'engager des réformes de textes
en matière d'urbanisme.
En effet, cette période est particulièrement
marquée par des réformes, à la fois sur le plan
législatif et réglementaire que sur le plan de la simplification
des outils urbanistiques, et de gestion tenant compte de la nouvelle dynamique
caractérisée par l'amorce du processus de décentralisation
effective. Il s'agit en réalité d'une remise en cause de la
logique de généralisation du SDAU. Ces réformes ont
prévu l'installation de plusieurs institutions en vue de leur mise en
application.
Le premier acte en matière d'urbanisme et d'habitat
à cette période, constitue l'élaboration d'un code des
baux à loyer institué, sur l'ensemble du territoire, par l'acte
n° 29/CN du 31 octobre 1991. En effet, au Niger et plus
précisément à Niamey, les particuliers constituent les
principaux bailleurs de logements. Ils sont seuls maîtres du
marché du logement du fait d'un rapide transfert des ressources
foncières en leur faveur et de l'absence d'un contrôle effectif
des loyers ; ce qui n'est pas de nature à sécuriser les
locataires. C'est l'ordonnance n° 96-016 du 18 avril 1996 portant code des
baux à loyer qui en définit les principes généraux
et le champ d'application.
Mais, il faut dire que cela n'a jamais été une
réalité car l'ordonnance reste encore méconnue des
nigériens. De plus, comment réglementer les baux dans une ville
où le permis de construire n'est pas respecté et où les
contrats, en général, verbaux ne font l'objet d'aucune
déclaration ? D'ailleurs et jusqu'à preuve du contraire, le
ministère en charge de l'habitat n'a encore installé ni la
commission nationale, ni les commissions locales de tarification du loyer.
Pour assurer l'amorce d'un véritable processus de
décentralisation du pays, un décret du 4 mai 1995 crée le
Haut Commissariat à la Réforme Administrative. Cet organe engage
le processus de décentralisation favorisé par l'adoption d'un
certain nombre de lois. C'est ainsi qu'on note l'adoption de la loi 96-005 du 6
février 1996, portant création des circonscriptions
administratives et des collectivités territoriales. La loi 96-006 du 6
février 1996 détermine quant à elle, les principes
fondamentaux de la libre administration des régions, des
départements et des communes ainsi que leurs compétences et leurs
ressources. A cet effet, les entités décentralisées sont
dotées d'organes délibérants dont les membres sont
élus au suffrage universel. La volonté d'appliquer ces lois s'est
traduite par l'organisation d'élections municipales le 24 juillet 2004.
Sur le plan de l'élaboration des textes, l'ordonnance
97-005 du 17 janvier 1997 institue les outils d'urbanisme prévisionnel
(planification urbaine), d'urbanisme opérationnel (aménagement),
ainsi que des outils de contrôle de l'utilisation du sol urbain. Ce
texte, qui n'intègre explicitement pas la politique de l'habitat dans
les villes Nigériennes, marque en théorie le point de
départ d'une véritable politique urbaine cohérente. Il
aurait suffi de mettre en application ces textes pour éviter tout
développement anarchique des villes du Niger. Car le but visé est
d'assurer l'équilibre de l'armature urbaine. Pour ce faire, des
décrets d'application de cette réforme ont été
adoptés rapidement, il s'agit :
- du Décret n° 97-304 portant création,
attribution et organisation des organes consultatifs de l'habitat en
matière d'urbanisme et de l'habitat ;
- du Décret n° 97-305 fixant les modalités
d'établissement, d'approbation et de mise en vigueur des documents
d'urbanisme prévisionnel ;
- du Décret n° 97-306 fixant les modalités
d'établissement, d'approbation et de mise en vigueur des plans de
lotissement.
Au titre de ce dernier décret, est
considérée comme lotissement toute opération de division
d'une propriété foncière en vue de l'implantation de
bâtiments. Ce décret stipule que toute opération de
lotissement est subordonnée à l'obtention préalable d'une
autorisation de lotissement délivrée par l'autorité
administrative compétente. L'autorisation de lotir est assortie de
conditions imposant au lotisseur un cahier des charges en matière
d'aménagement et d'équipement des terrains avant toute
opération de vente des lots. Mais la réalité est toute
autre, car les lotissements sans viabilisation continuent de voir le jour et
cela se remarque même au niveau des opérations d'habitat
programmé, qui généralement trouvent l'agrément de
la commission nationale d'urbanisme et de l'habitat.
Malgré ses bonnes intentions, la réforme des
textes de 1997 a aussi buté sur des difficultés de mise en oeuvre
comme l'a si bien démontré I. Alkassoum, conseillé
technique du ministre de l'urbanisme (2005). Les principales difficultés
résultent selon le technicien de :
- l'importance nettement secondaire accordée, pendant
longtemps, au rôle des villes dans la promotion du développement
socio-économique du Niger ;
- la réalisation de nombreuses études et
opérations sans le visa préalable de la direction de l'urbanisme
;
- la non mise en place des commissions régionales et
locales d'urbanisme ;
- la méconnaissance des textes par les acteurs ;
- et le non-respect des clauses, de la procédure de
l'expropriation foncière pour cause d'utilité publique.
Cependant, le talon d'Achille de cette réforme se
trouve dans l'absence d'une réglementation sur l'exercice de la
profession et d'une définition de promoteur immobilier en cette
ère d'émergence et de développement du secteur
privé en la matière.
En 1998, un document cadre de politique nationale de
l'habitat, dont la mise en oeuvre devrait permettre de garantir des logements
convenables pour tous, a été adopté par l'assemblée
nationale à travers la loi n° 98-54 du 29 décembre. Cette
politique de l'habitat propose entre autre la création d'un fonds
national de l'habitat et la viabilisation des extensions urbaines qui fait
cruellement défaut de nos jours. En effet, après avoir
souligné l'existence d'un retard considérable en matière
d'infrastructures et équipements, le document prévoit de rompre
avec l'urbanisme de rattrapage par la réalisation progressive d'un vaste
programme d'équipements et d'actions sociales dans les quartiers
existants. A cela s'ajoute la dotation préalable des futurs lotissements
d'un minimum d'infrastructures et d'équipement avant leur occupation.
Le même texte prévoit la réhabilitation et
la restructuration des anciens quartiers et des quartiers spontanés, et
préconise la dotation des principaux chefs-lieux de région d'un
schéma directeur d'aménagement. Il faut dire que sept ans
après, la situation demeurait inchangée à Niamey et que la
plupart des points inscrits dans cette politique dite de l'habitat ne sont pas
satisfaits. Pire, on a assisté même à des aberrations en
matière de gestion urbaine.
Pour la simplification des outils, il s'agissait de concevoir
de nouveaux instruments appropriés de gestion urbaine adaptés aux
capacités humaines et financières des acteurs étatiques et
communaux à les réaliser, les suivre et les évaluer.
Ainsi, le Projet de Réhabilitation des Infrastructures
Urbaines (PRIU), prévu par la réforme, a contribué
à la mise au point et au test de quelques Plan Urbain de
Référence (PUR), Audits Urbains (AU), Audits Organisationnels et
Financiers (AOF), au niveau d'un certaines communes. Ces instruments doivent
permettre à leur tour aux communes d'élaborer un plan programme
urbain, duquel sera tiré un plan communal d'investissement (PCI). Une
telle démarche doit aboutir à la conclusion des contrats de ville
entre l'Etat et les municipalités. Le contrat de ville fixe
contractuellement les engagements réciproques des deux parties.
Il faut reconnaître que toutes les structures devant
permettre la mise en oeuvre de cette réforme ne sont pas encore
implantées 10 ans après. Ce qui fait qu'en pratique, la situation
urbaine est demeurée inchangée jusqu'en 2004. En effet, les
premiers PUR, audits urbains, organisationnels et financiers, ont vu le jour
après cette date, mais restent à généraliser.
On remarque que le ministère de l'urbanisme, dans
toutes ses démarches essaye d'avoir une main mise sur la planification
urbaine au détriment des mairies. Il en résulte des conflits de
compétence où chacun développe des stratégies de
contournements qui bafouent les règlements de planification. Les textes
ont tendances à toujours donner le dernier mot au ministère en
témoigne la refonte des textes de 1977. Du coup, on assiste à des
difficultés à articuler les différents niveaux de
planification. Ce qui entraîne une certaine discordance entre les
objectifs de la planification et les réalisations.
5.4.2.4. Quatrième étape : à partir
de 2004
Après l'échec ayant marqué l'étape
précédente, il fallait repartir sur de nouvelles bases. Ainsi, la
question urbaine est-elle passée d'une préoccupation
essentiellement spatiale et urbanistique à celle intégrant des
aspects socio-économiques telle que la lutte contre la pauvreté.
De plus, la décennie 2000 constitue la période la plus dynamique
de l'évolution de la planification urbaine au Niger. En effet, cette
dernière période est marquée par l'avènement de la
décentralisation effective du 24 juillet 2004.
Ainsi, à partir 2004, le Ministère de
l'Urbanisme, de l'Habitat et du Domaine Foncier Public, a élaboré
un document de stratégie nationale de développement urbain. Ce
document est, comme de tradition, partie intégrante d'un vaste programme
national intitulé « la stratégie nationale de lutte
contre la pauvreté », engagé par les autorités
de la cinquième république avec l'appui de la Banque Mondiale et
du Fonds Monétaire International.
En effet, après le Programme d'Ajustement Structurel
(PAS) de la décennie 1990-2000 qui a d'ailleurs fait l'objet de beaucoup
de critiques, ces institutions internationales font désormais de la
lutte contre la pauvreté leur credo. Le document élaboré
à cette fin, par le Niger constitue alors, le cadre d'orientation de la
politique du gouvernement de 2002 à 2015. Il considère le secteur
urbain au titre des priorités nationales. De ce fait, c'est seulement en
2002 que le développement urbain est placé véritablement
et effectivement parmi les priorités de l'État nigérien
à travers ce document qui l'inscrit dans une perspective
d'interdépendance avec le monde rural. De plus, ce document confirme la
prépondérance du secteur urbain dans l'économie du pays
contrairement à ce que pensaient les dirigeants.
A la différence des textes de la réforme
d'urbanisme de 1997 qui est partie d'un constat des institutions en charge de
la gestion urbaine, le document de stratégie de développement du
secteur urbain procède d'abord à un diagnostic rigoureux. A cet
effet, il fait le bilan des actions menées en matière de
planification et de gestion urbaine avant de ressortir, l'intérêt,
le rôle combien prépondérant des villes dans le
développement économique national malgré leur poids
démographique faible, par rapport au monde rural qui regroupe 80 % de la
population. Une telle démonstration est certainement l'un des motifs
justifiant l'instauration du développement du secteur urbain, au rang
des priorités nationales. En tant que priorité nationale, la
stratégie de développement urbain vise ainsi les objectifs
suivants :
- promouvoir un meilleur réseau des relations
villes-campagnes ;
- assurer une meilleure gestion foncière par la mise en
place d'outils simples et appropriés de gestion urbaine adoptés
aux capacités des acteurs locaux tels que les audits urbains, les audits
organisationnel et financier, etc. Notons que ces trois outils ont
été mis en place à Niamey en 2009 ;
- renforcer le niveau d'équipement des centres
urbains ;
- et enfin promouvoir une meilleure intégration
socio-économique des groupes pauvres.
Parmi ces objectifs, seul le dernier est une nouveauté,
car la lutte contre la pauvreté n'a jamais été
perçue aussi clairement comme un enjeu fondamental du
développement urbain. Mais toujours est-il qu'il faut compter sur la
volonté politique pour veiller à son application, même si
le document expose de façon détaillée les
éléments constitutifs de la stratégie ainsi que les
dispositifs institutionnels nécessaires à sa mise en oeuvre.
Aussi, a-t-il été dégagé, dans le document de
stratégie du développement urbain (SNDU, 2004), un certain nombre
de plans d'actions prioritaires exprimées cette fois-ci par une grande
diversité d'acteurs. En effet, on y compte non seulement les
ministères techniques et les municipalités jadis
considérés comme seuls responsables de la gestion urbaine, mais
aussi les partenaires au développement, les organisations de la
société civile et le secteur privé dont le rôle est
de plus en plus marquant avec le développement de la coopération
décentralisée.
Il est prévu que ces acteurs seront organisés au
sein d'un Comité National de Pilotage, qui assure la supervision de la
mise en oeuvre de la stratégie, et prend les décisions
nécessaires à toutes modifications ou réadaptations des
orientations et plans d'actions prioritaires. Ce comité
présidé par le ministre chargé de l'urbanisme et de
l'habitat, doit aussi veiller à l'articulation de la stratégie de
développement urbain avec les autres points de la politique nationale de
la stratégie de la réduction de la pauvreté, plus
particulièrement la stratégie de développement rural ; il
est relayé à l'échelle régionale par le
comité régional de pilotage (CRP), présidé par le
gouverneur et à l'échelle communale par le comité communal
de pilotage (CCP) dirigé par le maire. Une cellule dite de coordination
devrait être créée au sein du comité national de
pilotage en vue de coordonner les actions des différents comités
de pilotage et de servir de dispositif de suivi et évaluation permettant
de mesurer le niveau de réalisation des orientations et
d'appréhender les contraintes sur le terrain. La cellule de coordination
élabore des indicateurs à l'aide des rapports annuels que
devraient produire les différents comités de pilotage.
Il convient de rappeler que ce n'est pas la première
fois que l'on pose la question du suivi et de l'évaluation en
matière d'urbanisme au Niger. Néanmoins, on constate, avec
regret, l'inexistence de rapports d'activité annuels dans la
quasi-totalité des services urbains publics. S'agissant du dispositif de
financement, tous les acteurs y seront associés dorénavant en vue
de diminuer la mainmise du politique.
Mais, notons qu'à cette date, la Stratégie
Nationale de Développement Urbain n'est pas encore opérationnelle
parce que son dispositif institutionnel n'est pas mis en place. De plus, elle
ne s'est pas appuyée sur des résultats d'enquêtes. Son
caractère trop général et son plan d'action restent
à repréciser et à hiérarchiser pour les ramener
à l'essentiel. Si le plan d'urbanisme sert de cadre d'intervention dans
la ville, il manque un cadre de coordination efficace des actions des multiples
acteurs. C'est pourquoi, on assiste à des lotissements sans
viabilisation. L'une des limites de la SNDU est qu'elle ne place pas Niamey, la
ville capitale, dans le contexte régional ouest-africain. En effet, la
dimension régionale n'y est pas considérée. Il est
pourtant intéressant de trouver un équilibre entre la
volonté de réduire la macrocéphalie de l'armature urbaine
du Niger et la dimension internationale que doit revêtir Niamey.
La promotion du développement local prônée
par la stratégie de développement urbain, impose comme
préalable la mise en oeuvre d'une véritable politique
d'aménagement du territoire à travers la réalisation de
schémas directeurs de développement régionaux (SDDR)
auxquels vont se greffer les schémas et plans directeurs locaux (PDL).
On constate malheureusement que cette logique n'est pas toujours
respectée. En effet, l'obligation de résultat en si peu de temps
(4 ans) poussent les maires élus à aller plus vite que
l'échelle régionale au moyen, bien sûr, de la
coopération décentralisée. Ils sont ainsi lancés
dans la course à la planification ; c'est le cas de la Commune de Niamey
V qui, avec l'appui du Programme d'Actions Communautaire (PAC), a
réalisé son plan de développement communal. On
relève d'abord que cette initiative n'a pas concerné le
ministère de l'urbanisme alors qu'il est bien question d'un centre
urbain et ensuite qu'elle a précédé les audits urbain et
organisationnel de la CUN qui devrait aboutir à l'élaboration
d'un plan de référence (PUR) pour la CUN et les communes
membres.
Malgré quelques divergences, il convient de relever que
ces deux plans ont le souci de promouvoir la participation des populations et
leur engagement civique pour parer à leur indifférence
vis-à-vis de leurs conditions et cadre de vie qui se traduit par la
dégradation généralisée des équipements
collectifs et de certaines infrastructures techniques. Mais, à la date
d'aujourd'hui, la mobilisation des populations reste problématique vu
leur attitude passive vis-à-vis de la gestion urbaine.
De ce fait, il est impératif d'éduquer cette
population afin qu'elle saisisse le sens de l'intérêt commun, de
l'intérêt particulier et de leur articulation. Il faut qu'elle
sache quand défendre un intérêt commun ou un
intérêt particulier et comment les mettre ensemble. Toutefois, la
passivité de la population est souvent, l'expression d'une crise de
confiance à l'égard des autorités municipales qui font
plutôt le jeu des partis politiques. Dans une telle situation,
l'alternative a été l'éclosion des organisations de la
société civile favorisée par la constitution du 18 juillet
1999, réaffirmant la reconnaissance des droits à la
liberté de pensée, d'opinion, de réunion et de
manifestation.
La forte participation des populations aux actions des projets
de développement et ONG est l'effet d'une certaine
crédibilité et de la disposition de moyens des ces institutions.
D'autre part, ces dernières les considèrent comme des partenaires
et non comme bénéficiaires tel que le conçoivent le plus
souvent les institutions municipales. Il y a aussi le fait que les ONG et
projets de développement local ont un champ d'action limité par
rapport aux institutions municipales qui se doivent de traiter de tous les
aspects de la vie quotidienne.
Cependant, leurs activités doivent cadrer avec les
objectifs du PDC ou du PUR qui sont les outils de développement des
communes. D'où la nécessité d'associer ces institutions de
la société civile dans l'élaboration des plans de
développement des communes. Ce qui n'est pas toujours le cas comme on
l'a constaté à Niamey lors de l'élaboration des PUR.
En marge du document stratégique de
développement urbain, il a été adopté un
décret, instituant un programme de rénovation du centre ville de
Niamey. Il s'agit du décret n° 2006-188/PRN/MUH/C du 26 mai 2006.
Ce programme est déclaré, à l'article 5 dudit
décret d'utilité publique. Ce qui suppose que toute construction
nouvelle ou modification d'immeuble ainsi que les travaux de réalisation
de voiries et réseaux divers dans la zone, doivent être soumis
à l'autorisation préalable du ministère de l'urbanisme, de
l'habitat et cadastre. En dépit de ce décret, on constate que la
transformation anarchique du centre ville se poursuit sous l'effet des
mutations foncières qui prennent une allure inquiétante. A cela
s'ajoutent les difficultés de financements des communes nouvellement
créées. Il s'agit d'une situation qui porte un coup dur sur le
fonctionnement des collectivités territoriales qui forment la ville de
Niamey ; ces dernières se voient obligées de faire davantage
de lotissements pour payer leur agents et assurer le financement de certains
services de souveraineté. Pour pallier ce problème, un certain
nombre d'initiative ont été prises.
C'est ainsi que dans le cadre de la décentralisation et
pour renforcer son processus, un certain nombre d'événements ont
vu le jour. En effet, après les élections municipales des 24 et
25 juillet 2004 qui consacrent l'avènement d'une décentralisation
effective, le Haut Commissariat à la Modernisation de l'Etat remplace le
Haut Commissariat à la Réforme Administrative, depuis 2005.
Cette nouvelle institution devrait permettre d'encadrer les régions et
les communautés urbaines (devenues villes en 2011) de concert avec le
comité interministériel sur la décentralisation, le haut
conseil des collectivités territoriales et le ministère de
l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Mais,
d'entrée de jeu les nouvelles communes se heurtent à un
problème de financement. Les autorités locales se plaignent que
le transfert de compétence ne soit pas accompagné d'un
réel transfert de ressources financières. Devant une telle
situation, la solution des maires consiste à opérer des
lotissements comme moyen de financement du fonctionnement des communes. Cela
encourage les lotissements systématiques et la production d'un stock de
parcelles exorbitant. En conséquence, on dénote un tissu urbain
lâche plus à la périphérie de la ville et une
faible densité.
Néanmoins, dans le cadre de la décentralisation,
faute d'un réel transfert de ressources financières, les communes
peuvent faire recours à l'emprunt. La pratique a démontré
qu'en cas d'incapacité de la commune à payer le du, elle utilise
la parcelle comme moyen de remboursement ; les collectivités
territoriales font recours à trois types d'emprunt qui sont :
o les crédits bancaires ou emprunts octroyés par
d'autres organismes financiers ;
o les emprunts publics par émission d'obligations ;
o les emprunts inter-collectivités.
Le recours à l'emprunt est réglementé au
Niger par le droit budgétaire. L'emprunt est destiné à
l'investissement et doit être sous-entendu par la capacité
financière de la collectivité. Mais dans la
réalité, cet emprunt ne sert nullement à
l'investissement ; il est plutôt utilisé pour payer les
salaires et les activités courantes.
Pour les subventions, la loi 2002-17 du 11 juin 2002
déterminant le régime financier des régions, des
départements et des communes en prévoit deux types à
savoir :
- la subvention pour les travaux d'édilité est
accordée aux collectivités territoriales pour soutenir les
travaux d'urbanisme programmés par celle-ci ;
- la subvention pour l'investissement.
Dans les faits, ces subventions ne sont pas toujours
accordées aux collectivités territoriales. Les investissements
qu'elles réalisent sont plutôt soutenus par des fonds externes
relevant de projets de développement et de la coopération
décentralisée. Toutefois, les communes doivent agir avec prudence
afin d'éviter un éventuel surendettement ou suréquipement.
Aujourd'hui, les municipalités déploient beaucoup d'initiatives
pour le développement de la coopération
décentralisée notamment avec des villes ou municipalités
du Nord (la ville de Niamey et Paris, le 2ème Arrondissement
et Fada N'Gourma).
Quant à la création de l'Association des
Municipalités du Niger (AMN), elle vise à améliorer les
conditions d'existence, de financement et de gestion des municipalités
du Niger afin de promouvoir un développement local durable inscrit dans
le cadre global de la lutte contre la pauvreté. Pour cela l'AMN se
présente comme une association autonome et apolitique qui a un but non
lucratif. Il est ainsi un instrument de formation, d'information, d'animation
et de coordination des actions transversales de ses membres qui sont les
communes et communautés urbaines du Niger. De ce fait, il apparaît
comme un outil efficace dans l'enracinement et le renforcement de l'exercice de
la démocratie.
Pour sa part, le Haut Commissariat aux
Collectivités Territoriales est un organe consultatif de suivi de la
politique de décentralisation et de déconcentration au Niger.
Créé par la loi n° 2005-25 de juillet 2005, le HCCT a pour
mission principalement d'appuyer la mise en oeuvre de la réforme
actuelle de l'Etat à travers la décentralisation et la
déconcentration. Les missions assignées au HCCT par la loi sont
: - étudier et donner des avis sur les orientations, sur toutes les
questions portant sur la politique de décentralisation ;
- recevoir et apprécier le bilan annuel de
l'application des règles de la décentralisation et
l'évolution des régions, départements et communes et
l'état de la coopération décentralisée ; -
suivre la conduite de la politique de décentralisation et de
déconcentration ;
- et faire un rapport périodique à travers le
comité interministériel de l'Administration Territoriale
créé par décret.
Par ailleurs, l'Assemblée Nationale a adopté une
loi portant orientation de l'urbanisme et de l'aménagement foncier, le
25 mars 2008, dans le but de restructurer l'armature urbaine du pays
conformément à la loi 2001-032 du 31 décembre 2001, et de
maitriser la production des espaces résidentiels en vue
d'améliorer le cadre de vie des populations ainsi que les rapports entre
acteurs.
En définitive, on note que les quatre étapes de
la planification au Niger correspondent certes aux différentes
étapes de la vie politique du pays, mais traduisent aussi des modes
d'urbanismes différents dans la pratique comme le résume le
tableau suivant (cf. tableau n° 5.2).
La lutte contre l'étalement urbain n'est donc
généralement pas perçue comme une priorité,
même si la maîtrise des formes que prend l'urbanisation de la ville
apparaît nécessaire aux yeux du planificateur (l'Etat à
travers le ministère chargé de l'urbanisme et les
collectivités territoriales). Pourtant, l'étalement urbain doit
être de mieux en mieux perçu comme un enjeu important dans une
optique de développement durable des territoires urbains au Niger.
Etape
|
Structures
|
Acteurs
|
Outils
|
Action pour la ville
|
Développement spatial de la ville de Niamey
|
Période coloniale
|
Administration coloniale
|
|
Plan d'extension spatiale
|
Exécution des plans d'Urbanisme
|
Maîtrise du développement spatial
|
Indépendance- décennie 90
|
Ministères ; Crédit du Niger ;
SONUCI
|
L'Etat du Niger
|
Plans de développement socio-économique ; le
SDAU(1984) pour maîtriser l'extension spatiale des villes.
|
Début d'un urbanisme de rattrapage pendant la
décennie 80.
Urbanisme de rattrapage de 1980 à 1990.
|
Faible maitrise du développement urbain
Spéculation foncière
Problèmes de logement
|
Décennie 90-2000 : période de démocratie
|
Ministère de l'urbanisme ;
Haut commissariat à la réforme
administrative
|
L'Etat du Niger
Collectivités territoriales
|
Reforme des Textes d'Urbanisme de 1997 (reformes sans
changement)
Elaboration d'une politique de l'habitat.
|
Urbanisme sans repère
Urbanisme tous azimuts
|
Croissance urbaine anarchique
Problèmes d'équipement
|
Depuis 2004 : L'ère de la décentralisation
|
Le ministère chargé de l'urbanisme. (ses directions
régionales) ; Ministère du développement
communautaire et de l'Aménagement du territoire (ses directions
régionales) ; Haut Commissariat à la modernisation de
l'administration ; HCCT; AMN ; Communes et communautés
urbaines
|
Etat
Conseil communal
Acteurs privés
Société civile
Partenaires extérieurs
|
PDC, PUR, Audits urbains
|
Retour timide à la planification :
SNDU avec Intégration de la dimension social (lutte
contre la pauvreté) à la dimension spatiale ; la
LOUAF ; la coopération décentralisée.
|
Etalement urbain
Constitution d'un stock important de parcelles non mises en
valeur
|
Tableau n° 5.2 : Les étapes de la
planification au Niger
Au regard de ce qui précède, on peut dire que la
planification urbaine au Niger est d'abord à situer dans une
planification globale du pays marquée par des réformes
administratives et territoriales, et par des plans de développement
socio-économique des différentes localités. On ne
relève pas une politique spécifiquement urbaine en tant que telle
dans la pratique.
Cependant, des actions ponctuelles de la part des
différents acteurs ont été relevées. Il en
résulte une dispersion des efforts, des énergies et des acteurs
qui ne conçoivent pas la ville comme un système ou
sous-système dont les éléments solidaires sont
interdépendants.
De plus, comment comprendre qu'alors que les acteurs urbains
se diversifient, le processus de planification et sa mise en oeuvre continuent
d'être le travail des seuls services publics et municipaux à
charge de la gestion urbaine ? L'impact d'une telle situation sur
l'étalement de la ville réside dans le fait qu'elle favorise une
production informelle d'espaces résidentiels (issus de lotissements
informels) de la part des autres acteurs.
En somme, on constate que la question de la gestion de ces
flux résidentiels du centre vers la périphérie ne figure
pas parmi les différentes planifications urbaines. Pourtant, Vennetier
(1989) a bien démontré que :
« Les quartiers péricentraux accueillent
le flot issu de l'exode rural ; surpeuplés, très densément
bâtis, ils redistribuent sans cesse leurs excédents de population
vers les quartiers plus éloignés, où les citadins vont
chercher un cadre de vie moins dégradé, et ont une chance plus
grande d'accéder à la propriété de leur parcelle et
de leur maison. Cette mobilité résidentielle est le moteur
principal de la croissance spatiale des villes».
Cela entraîne une consommation d'espace qui se fait
essentiellement dans le domaine périurbain que la planification doit
permettre de protéger (espaces agricoles, espaces naturels) dans une
optique de développement durable de la ville. Dans ce cas, que
l'étalement urbain devient clairement comme un enjeu de l'action
publique.
Par ailleurs, on peut considérer que planification urbaine
a un impact sur l'étalement, puisqu'elle détermine les
stratégies des acteurs urbains. Ces derniers s'adonnent à la
spéculation foncière et à l'auto-construction face
auxquelles les documents d'urbanisme ont eu du mal à assurer le maintien
des activités agricoles dans le milieu périurbain.
|