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Mobilité résidentielle et processus d'étalement de la ville de Niamey (Niger).

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par Abdoulaye ADAMOU
Abdou Moumouni Dioffo - Doctorat de Géographie 2012
  

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3.2.2. Trajectoire résidentielle centrifuge ne répondant pas aux transformations du ménage

L'observation de la trajectoire résidentielle des ménages niaméens met en évidence des contraintes dans leur mouvement qui, certes, est centrifuge à travers l'espace urbain. Les contraintes sont liées à la faiblesse des revenus des ménages, aux difficultés qu'ils rencontrent pour accéder à la propriété, aux restrictions dans la recherche et la collecte de l'information pour l'accès au logement, à l'accessibilité au logement reliée à la cherté du loyer imposée par les bailleurs et enfin à l'offre limitée du type de logement désiré.

En observant la figure 3.8, on se rend compte que le nombre de ménages décroît du centre ville à la périphérie lors de leur première installation à Niamey. Aussi, 33 % des nouveaux venus sont-ils accueillis dans le centre ville contre seulement 15 % dans la zone périphérique. Cela veut dire que le centre ville accueille deux fois plus de nouveaux venus que la périphérie et qu'il demeure la source de la mobilité résidentielle intra-urbaine pour la plupart des ménages enquêtés.

A l'inverse, à partir du cinquième quartier, c'est la strate 4 qui est le premier pôle d'accueil des ménages puisque 31 % d'entre eux s'y installent-ils contre 24 % aussi bien dans la strate1 que dans la strate 2, la strate 3 n'accueillant que 21 %. A partir de cette étape, la majorité des ménages en mouvement s'installent dans les deux dernières strates de la ville, c'est-à-dire dans les zones intermédiaires et la zone périphérique. Mais, il convient de préciser que c'est la strate 4 qui constituent le pôle de la mobilité résidentielle à cette étape. Cette tendance se confirme jusqu'à l'avant dernière étape de la trajectoire résidentielle et corrobore la démonstration de P. Vennetier (1989) selon laquelle la mobilité résidentielle se fait en général dans un mouvement centrifuge dans les villes d'Afrique noire.

Figure n°3.8 : Trajectoire résidentielle des ménages observée au niveau des strates de la ville de Niamey

Il faut rappeler que dès la deuxième étape migratoire, la strate 2 prend le rôle de pôle d'accueil des ménages niaméens. Mais, les installations dans la strate 1 demeurent encore significatives. Cette tendance se maintient jusqu'au quatrième quartier d'habitation. A travers cette trajectoire résidentielle, il convient de noter que la strate 3 n'a jamais été un pôle d'accueil pour les ménages de la ville. Ce qui fait qu'elle est appelée à se densifier en même temps que la strate 4 dont les quartiers naissent surtout du fait de la spéculation et du rythme effarant des lotissements donnant lieu à un tissu urbain lâche. De ce dernier résulte un étalement urbain dont l'impact sur la situation et les conditions résidentielles des ménages est évident.

Notons qu'à la fin de leur trajectoire résidentielle intra-urbaine, les ménages se concentrent dans les strates 1 et 4. Le retour dans la strate 1 se constate pour certains ménages à partir de la sixième étape de leur trajectoire résidentielle ; il s'agit de ménages qui n'ont pas pu arriver jusqu'au bout la mobilité résidentielle ascensionnelle qu'ils ont amorcée depuis 20 voire 30 ans de vie à Niamey. Quant au huitième quartier d'habitation, il concerne surtout les ménages qui n'ont pas réussi à accéder à la stabilité résidentielle ; il s'agit de ménages pauvres dont les conditions sociales sont en dégradation ou demeurent inchangées. Pour eux, la tendance est de retourner à la case de départ qui est le centre ville. Ce retour ne marque pas un processus de gentrification en ce sens qu'il n'est pas opéré par des ménages de la classe moyenne mais bien par de ménages en situation de précarité qui ne peuvent qu'accéder aux logements vétustes du centre ville. Or la gentrification suppose une transformation de l'habitat du centre ville de taudis en quartier résidentielle souvent appelé `cité'. Nous sommes, dans ce cas de figure, en présence de ménages dont la mobilité résidentielle subit des contraintes liées aux difficultés d'évoluer vers la propriété faute d'une mobilité sociale ascensionnelle. Les causes de leurs déménagements résultent plutôt de leur insolvabilité s'ils sont locataires, de la ruine de leur logement, de la volonté de retour du propriétaire dans son logement, etc. A propos des contraintes liées à l'accès à la propriété, Sidikou dénonce dès 1980, une injustice qu'il décrit en ces termes : « l'accession à la propriété comporte bien des écueils que franchissent seulement quelques rares privilégiés, toujours les mêmes qui s'accaparent les terrains à bâtir alors que la grande majorité des Niaméens sont condamnés à être des éternels locataires aux conditions difficiles voire humiliantes»

D'ailleurs, les contraintes dans la décision s'observent à toutes les étapes de la trajectoire des ménages niaméens. Aussi, leur installation dans les strates de la ville relève-t-elle, en grande partie, de l'opportunité de logement que du choix. Car, 68 % des installations sont dus aux opportunités contre seulement 22% dont la décision émane d'une raison liée au choix.

Nous entendons par opportunité tout accès au logement qui ne relève pas du choix du ménage : être hébergé dans une famille, avoir accès à un logement gratuit, habiter dans un logement familial, accepter un logement qui n'est pas convenable aux aspirations du ménage. L'installation par opportunité n'est pas celle qui conduit à l'accès à la propriété. Pire, elle ne conduit pas toujours à un changement de statut d'occupation (le locataire reste locataire après le déménagement), à une amélioration des conditions de logement après un déménagement (pas de changement de type d'habitat, pas changement de nombre de pièces du logement, pas d'amélioration des équipements dans le logement) ou à l'accès à un environnement souhaité (pas de changement de type de quartier).

A l'inverse, l'installation par choix doit émaner d'une volonté du ménage à n'occuper qu'un logement qui convient à ses besoins et à ses exigences qui peuvent être l'accès à la propriété, l'accès à un logement convenable (commodité, nombre de pièces nécessaires au ménage), la localisation et le type de quartier à habiter (quartier résidentielle, quartier périphérique, etc.). L'installation par choix correspond à une mobilité sociale et résidentielle ascensionnelle contrairement à l'installation par opportunité qui coïncide avec une mobilité sociale et résidentielle stable ou descendante. Qu'elle soit ascensionnelle ou descendante, la mobilité résidentielle peut s'accompagner d'un changement de statut matrimonial chez une personne.

Pour les chefs de ménage, ce statut évolue de celui de célibataire à celui de marié ; à cet effet, on enregistre presque autant de célibataires que de mariés parmi les chefs de ménage arrivant à Niamey (49 et 48 %) mais la tendance sera marquée par une augmentation rapide du nombre de mariés. A partir du sixième quartier d'habitation, plus de 3/5 des chefs de ménage sont mariés. Il arrive que le statut matrimonial du chef de ménage évolue à celui de polygame. Dans tous les cas de figure, le ménage ainsi fondé peut revêtir des caractéristiques complexes au cours de son évolution. En effet, autant que le ménage évolue dans l'espace urbain, sa taille, sa structure sont aussi sujettes à des modifications. Ainsi, le ménage niaméen qui ne compte qu'en moyenne 4 personnes dans le premier quartier d'habitation, enregistre une augmentation de sa taille qui atteint en moyenne 5,8 personnes au niveau du quatrième quartier et jusqu'à 6,8 au sixième (cf. tableau 3.5).

 

Quartier1

Quartier2

Quartier3

Quartier4

Quartier5

Quartier6

Quartier7

Quartier8

Taille

4

4,9

5,4

5,8

6,4

6,8

5,3

6,5

Tableau n°3.5: Evolution de la taille du ménage pendant sa trajectoire résidentielle intra-urbaine

A partir du sixième quartier, on constate que la taille du ménage fléchit et baisse de 6,8 personnes à 5,3 au septième quartier avant de remonter à 6,5 personnes en moyenne au niveau du huitième quartier. La baisse de la taille du ménage à partir du sixième quartier d'habitation s'explique au fait qu'à ce niveau la plupart des enfants ont quitté le ménage parental suite à un mariage ou suite à une simple décohabitation. Dans ce cas, le ménage ne s'alimente que de collatéraux parmi lesquels on note les petits-enfants.

En dehors du premier quartier, on remarque que la taille du ménage est assez élevée dans les autres étapes de la trajectoire ; l'enquête montre qu'il y a des ménages de plus de 30 personnes. Ce qui ne semble pas être adapté à la vie urbaine surtout qu'il s'agit, le plus souvent, de ménages modestes. On voit que l'idée de la famille nombreuse tant prônée en campagne survit encore en ville alors que l'évolution de la taille du ménage n'est pas toujours accompagnée d'une évolution du logement, notamment en termes de nombre de pièces ; en conséquence, on assiste souvent à une promiscuité au sein des logements.

S'agissant de l'évolution du type de logement au cours de la trajectoire résidentielle des ménages de Niamey, on note une régression du banco au profit de l'habitat de cour en dur. En effet, dans le premier quartier habitation, 50 % des ménages ont vécu dans une maison en banco contre 34 % dans une maison dur. Mais, dès le deuxième quartier d'habitation, les ménages vivant dans l'habitat en dur deviennent plus nombreux. D'ailleurs, à partir du troisième quartier, plus de la moitié de ménages vivent dans l'habitat en dur tandis que la proportion de ceux qui vivent dans l'habitat en banco à tendance à diminuer comme on peut l'observé sur la figure suivante.

Figure n°3.9 : Evolution du type de logement au cours de la mobilité résidentielle du ménage à l'intérieur de la ville de Niamey

Au niveau du septième quartier d'habitation, 64 % des ménages habitent dans une maison en dur contre seulement 14 % vivant dans une maison en banco et autant dans une villa. Dans le dernier quartier constituant la fin du parcours résidentiel à la date de l'enquête, les ménages vivent presque exclusivement dans l'habitat en dur et dans une moindre mesure dans l'habitat en banco. Aussi, 3 ménages sur 4 vivent-ils dans l'habitat construit en dur et seulement 1 sur 4 dans l'habitat en banco. Les ménages vivant dans l'habitat en banco sont ceux qui ont dû effectuer le retour aux zones d'habitat plus centrales de la ville, faute d'une mobilité résidentielle ascensionnelle. C'est en effet dans ces zones qu'on relève une prédominance de l'habitat de cour en banco. Pour les ménages enregistrés dans l'habitat en dur au niveau du huitième quartier d'habitation, ils se rencontrent plutôt dans les dernières strates de la ville. Quant aux autres types d'habitat tels que la case et la baraque, ils sont d'une proportion marginale.

En somme, on note une amélioration du type de construction du logement du ménage qui passe du l'habitat en banco à l'habitat en dur en passant par le semi-dur ; cette amélioration du type de construction ne traduit pas une amélioration du statut d'occupation du ménage. Aussi, l'évolution du statut d'occupation du ménage, au cours de sa trajectoire résidentielle, paraît-elle peu reluisante.

En effet, cette évolution ne mène pas la plupart des ménages à la propriété à la fin de leur trajectoire mais les gardent plutôt dans la location. Ce qui fait que les locataires qui constituent 40 % des ménages au premier logement, voient leur taux passer à 64 % au niveau du septième quartier.

Figure n°3.10 : Evolution du statut d'occupation du ménage au cours de sa mobilité résidentielles intra-urbaine à Niamey

Quant à ceux qui sont devenus propriétaires, même si leur taux a doublé du premier au septième logement, ils ne forment que 1/5 des ménages (21 %) à l'avant dernière étape de la trajectoire résidentielle. On compte parmi ces ménages beaucoup d'ayants droit qui deviennent propriétaires non pas suite à un parcours migratoire ascensionnelle personnelle mais seulement par héritage. Cela s'observe surtout dans les quartiers centraux comme Liberté et Lacouroussou. Le maintien de la plupart des ménages dans la location et dans une moindre mesure dans le logement gratuit relève du fait que ces ménages n'ont pas joui d'une mobilité sociale ascensionnelle. Le pire est que certains d'entre eux ne travaillent pas la même strate où se trouve leur lieu d'habitation. Ce qui leur impose beaucoup d'investissement dans le transport pour joindre domicile et lieu de travail.

La profession des chefs de ménage de Niamey au premier quartier se présente comme suit : 6 % de sans emploi, 36 % d'artisans et commerçants, 4 % d'ouvriers, 12 % de cadres moyens, 11% de cadres supérieurs, 1 % de retraités, 1 % d'indépendants, 8 % de femmes au foyer et 19 % d'étudiants. Cette répartition dominée par les artisans et commerçants va évoluer au cours de la trajectoire résidentielle des ménages.

Figure n°3.11 : Mobilité socioprofessionnelle du chef de ménage au cours de sa trajectoire résidentielle à Niamey

Comme il est aisé de l'observer sur la figure 3.11, au fur et à mesure que leur trajectoire se prolonge, la part des artisans et commerçants tend à baisser tout comme celles des étudiants. En revanche, la part des cadres supérieurs, des cadres moyens et des femmes au foyer a tendance à croître. Ainsi, à partir du cinquième quartier, on remarque que ce sont les cadres supérieurs qui deviennent plus nombreux au lieu des artisans et commerçants. La part de ces derniers qui est de 36 % au premier quartier baisse à 29 % au cinquième quartier et à 25 % au huitième. Alors que la part des cadres supérieurs passe de seulement 11 % des chefs de ménage au premier quartier à 31 % au niveau du cinquième quartier et à 50 % au niveau du huitième. Cela veut dire que les ménages, qui présentent la plus longue trajectoire, sont surtout ceux dont le chef est un cadre supérieur. Il s'agit de gens qui n'ont pas leur lieu de travail dans la même strate. En conséquence, il leur arrive de parcourir de longue distance pour joindre lieu de résidence et lieu de travail.

Figure n°3.12 : Localisation du lieu de travail du chef de ménage selon les étapes de sa trajectoire résidentielle intra-urbaine

Cela est d'autant vrai qu'au niveau de toutes les étapes de la trajectoire résidentielle, le lieu de travail des chefs de ménage se trouve concentré au centre ville. Il en résulte un décalage très fort entre lieu de travail et lieu d'habitation pour ceux qui habitent la périphérie et la zone intermédiaire. Ce décalage pose, avec acuité, la question de transports urbains plus efficients.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite