Mobilité résidentielle et processus d'étalement de la ville de Niamey (Niger).

3.2. Mobilité résidentielle illustrant des contraintes dans la décision de « migrer » à l'intérieur de la ville

La trajectoire résidentielle intra-urbaine des chefs de ménage de Niamey se compose en moyenne de huit lieux de séjour successifs. L'analyse de cette trajectoire associe plusieurs critères de lecture qui sont : les causes de l'installation dans les quartiers, la durée de séjour, le statut matrimonial, le statut d'occupation du logement, la taille des ménage, la typologie de l'habitat, l'emploi et la zone d'emploi. En effet, la cause de l'installation peut être tributaire du statut d'occupation du logement et de la typologie de l'habitat qui a un lien avec la durée de séjour. Et tout cela est en relation avec l'emploi qui peut être en lien étroit avec le statut matrimonial qui est en relation avec la taille du ménage, la zone d'emploi. On voit que les critères sont nombreux, mais il convient de préciser que l'analyse se fait selon une porte d'entrée qu'est le statut d'occupation du logement des ménages. Car le fait d'être propriétaire, locataire, logé gratuitement, hébergé ou ayant droit, est déterminant dans les relations entre le ménage et l'espace urbain.

3.2.1. Aperçu global de la mobilité résidentielle des ménages niaméens

En moyenne, les ménages de Niamey ont vécu dans 2,5 quartiers. Mais cette moyenne cache des disparités ; la plus importante fréquence enregistrée concerne les ménages qui ont vécu dans 2 à 3 quartiers de la ville en ce sens qu'ils forment 48% des enquêtés. Par ailleurs, le tableau n°3.1 montre que 31% des ménages n'ont connu qu'un quartier ; il s'agit de gens qui n'ont jamais déménagé.

Nombre	%
1	31%
2à 3	48%
4 à 5	17%
6 à 9	5%
10 et plus	0%
TOTAL	100%

Tableau n°3.1: Nombre de quartiers habités dans la ville de Niamey

Les ménages de la strate 4 ont été les plus mobiles dans la ville avec 3 quartiers habités, puis viennent ceux de la strate 2 avec 2,6 quartiers. Quant à la strate 1, elle abrite les ménages qui ont vécu en moyenne dans 2,4 quartiers. Mais les ménages les moins mobiles se retrouvent dans la strate 3 avec seulement 2,1 quartiers habités en moyenne. Chaque quartier habité constitue un lieu de séjour plus ou moins important.

Les ménages enquêtés vivent à Niamey depuis en moyenne 17 ans. D'après le tableau n°3.2, c'est la strate 1 qui abrite les ménages qui ont duré plus longtemps à Niamey avec une moyenne de 24 ans puis ceux de la strate 3 avec 20 ans. Les ménages de la strate 2 ont 10 ans de moins que ceux de la strate 1 et 7 ans de moins que ceux de la strate 3. Quant aux ménages de la strate 4, ils n'habitent à Niamey que depuis seulement 11,7 ans, soit deux fois moins longtemps que ceux de la strate 1.

strate	strate1	strate2	strate3	strate4	Niamey
Durée moyenne	23,9	13	19,5	11,7	17

Tableau n°3.2 : Durée moyenne du dernier séjour à Niamey

La lecture de ce tableau rend compte d'une certaine stagnation des ménages au niveau des strates 1 et 3 ; il s'agit, souvent, de ménages dont le chef est né à Niamey voire dans le quartier actuel. Le tri social résultant de la mobilité résidentielle oblige les ménages les plus pauvres à se stagner dans la strate 1 ou à se mouvoir entre ses quartiers traditionnels tandis que les ménages de la strate 3 en provenance des strates antérieures de la ville se sont stagnés dans le même logement. En outre l'analyse du parcours migratoire a montré que les chefs de ménage des strates 1 et 3 sont ceux dont la trajectoire résidentielle intra-urbaine est moins entrecoupée par des migrations. En ce qui concerne les chefs de ménage de la zone péricentrale (strate 2), leur vie à Niamey est entrecoupée par plusieurs séjours à l'intérieur du pays ou à l'étranger ; ce sont eux qui ont le parcours migratoire le plus long et le profil le plus développé. Quant à la strate 4, elle constitue la zone qui accueille le plus souvent les ménages qui sont de retour à Niamey, mais dont mobilité sociale est ascensionnelle, comme en témoigne la figure n° 2.26 qui articule la mobilité résidentielle intra-urbaine et le parcours migratoires de monsieur Ibrahim. De plus, la strate 4 accueille des ménages récemment installés à Niamey. Cela s'observe aussi au niveau du tableau n° 3.3 qui présente le taux de ménage de moins d'un an dans le logement actuel.

En 2008, 10 % des ménages ont moins d'un an dans la ville de Niamey. C'est la proportion des logements dont la dernière occupation ne dépasse pas un an. On relève de fortes disparités entre les strates de la ville. Ainsi, la strate 4 est la zone qui présente le plus fort taux de ménages nouvellement installés à Niamey avec 13 % d'installations de ménages de moins d'un an suivi de la strate 2 avec 10 %. Le plus faible taux s'observe au niveau des strates 1 et 3 ; c'est un taux qui est autour de 8 % des ménages. Cela veut dire que les strates 2 et 4 sont soumises à une instabilité résidentielle. Dans la strate 2 cette instabilité résidentielle est liée surtout au départ des ménages (déménagements) suite à la densification de la zone tandis que la strate 4 le doit aux nouvelles installations de ménages (accueil dû aux nouvelles constructions).

strate	strate1	strate2	strate3	strate4	Niamey
taux	8,2	10,3	8,1	13	9,9

Tableau n°3.3: Taux de ménages de moins d'un an dans la strate actuelle en 2008

Par contre, on note une stabilité résidentielle dans la strate 1 et surtout dans la strate 3 du fait de la longue durée de séjour des ménages. Dans la strate 1 la stabilité se fait après densification et dégradation des quartiers. En revanche, il s'agit une stabilité résidentielle sans densification dans la strate 3.

L'analyse de la trajectoire résidentielle permet également de saisir des tendances du premier lieu d'habitation du ménage à sa situation résidentielle actuelle. Cela permet de voir l'inscription spatiale de ses mouvements. A cet effet, chaque logement fréquenté par le ménage est localisé dans l'espace urbain afin de ressortir son itinéraire résidentielle. Aussi, convient-il de rappeler que, dans l'ensemble, 63 % des chefs de ménage de la strate 4 ont eu leur premier quartier d'accueil dans les strates antérieures de la ville (surtout dans strate 2). Cela suppose que 3/5 des ménages de la strate 4 proviennent de l'intérieur de la ville. Mais, seule une analyse détaillée des échanges entre les différentes strates de la ville permet de ressortir les divers aspects de la mobilité résidentielle intra-urbaine. Aussi, l'examen des mouvements des ménages dans l'espace urbain procède-t-il d'une observation au niveau de leur lieu de départ et de leur lieu de destination pour révéler les liens d'échanges entre les quatre strates qui composent l'espace urbain niaméen.

Dans cet ordre d'idée, on note que les ménages qui quittent la strate 1 ont tendance à s'installer d'abord dans la strate 2, puis circulent dans des quartiers situés dans leur strate de départ (strate1) avant de s'installer dans un quartier de la strate 3 ; la strate 4 est leur dernier lieu d'installation. Il faut préciser que 45 % des ménages ayant quitté la strate 1 se sont installés dans la strate 2. Parmi les ménages vivant au centre ville rare sont ceux qui proviennent des quartiers périphériques de la ville.

Ainsi, la strate 2 est le premier fournisseur de la strate 1 en termes de nouvelles installations de ménages. En effet, 40 % des ménages qui s'y vivent actuellement proviennent de la strate 2 contre 28 % d'un autre quartier de la même zone (strate 1), 19 % de la strate 3 et seulement 14% de la strate 4.

Quand les ménages quittent la strate 2, ils ont tendance à circuler dans la même strate d'abord, entre les quartiers, avant de s'installer dans la strate 3 puis dans la strate 4. La strate 1 est leur dernier lieu d'accueil. Il faut préciser que 31 % des ménages de la strate 2 changent de quartier dans la même zone tandis que 29 % ont tendance à s'installer dans la 3^e strate, 20 % dans la 4^e et seulement 19 % dans la première. Il faut dire que souvent l'accès à la propriété pousse certains ménages de la strate 2 à s'installer dans les strates périphériques de la ville.

Concernant les ménages qui s'installent dans la strate 2, la plupart ont effectué un mouvement intra-strate. Ainsi faisant, le ménage quitte un quartier de la zone d'habitat péricentrale pour un autre localisé dans la même sphère ; c'est ce type de mouvement qui y prédomine. Après les mouvements intra-strates, l'enquête révèle que les strates 3 et 1 fournissent plus la strate 2 en ménages. La strate 4 est, pour sa part, le dernier fournisseur de la strate 2 en ménages. Cela s'observe à travers les statistiques puisque 34 % des ménages qui se sont installés dans la strate 2 proviennent d'autres quartiers de la même zone d'habitat. La proportion des ménages de la strate 2 en provenance de la strate 1 et de la strate 3 est de l'ordre de 28 % ; cette proportion est bien plus importante que celle des ménages provenant de la strate 4 qui n'est que de 11 %.

L'observation de la mobilité résidentielle des ménages de la strate 3 est une autre réalité. Aussi, les ménages qui quittent la strate 3 s'installent-ils en priorité dans la strate 2, puis dans un autre quartier de la strate de départ avant de s'installer dans la strate 4 ; la strate 1 ne les accueille que très faiblement. On note que 39 % des ménages partant de la strate 3 reviennent dans la strate 2 contre 24 % qui s'installent dans leur strate de départ (strate 3), 22 % dans la strate 4 et seulement 14 % dans la strate 1. La tendance des ménages de la strate 3 à redescendre vers la strate 2 ou zone péricentrale est due à un besoin de se rapprocher de leur lieu de travail et de mieux accéder services socio-collectifs. Mais, notons que ce type de mouvement ne concerne que les ménages locataires de leurs logements et ne donne guère lieu à un changement de statut d'occupation.

Par contre, plus de 2/5 des ménages qui habitent dans la strate 3 proviennent de la strate 2 ; il s'agit de ménages qui sont dans une logique de mobilité résidentielle ascendante^23(*) pouvant donner lieu à un accès à la propriété. En revanche, ceux qui proviennent de la strate 4 constituent 25 % des ménages vivant actuellement dans la strate 3. Pour ces derniers, l'enjeu est plutôt de se mettre à l'abri du manque d'équipements et de Voirie Réseaux Divers (VRD) ; ils sont plus nombreux que ceux provenant des autres quartiers de la strate 3 dont la proportion ne dépasse guère 22 %. Mais, la plus faible proportion est formée de ménages provenant directement de la strate 1 ; il s'agit seulement de 12 % des ménages de la strate 3.

Enfin, les ménages qui se déplacent de la strate 4 s'installent d'abord dans un autre quartier de la même strate, puis dans les strates 3 et 2. Ils vont rarement dans la strate 1. En effet, 40 % des ménages circulent dans la même strate 4 tandis que 32 % s'installent dans la strate 3 ; ceux qui s'installent dans la strate 2 forment 17 % des ménages et seulement 12 % pour ceux qui se sont installés dans la strate 1.

En ce qui concerne l'installation des ménages dans la strate 4, on remarque que 35 % sont dans une logique de déplacement intra-strate ; c'est l'exemple d'un ménage qui a déménagé du quartier Bobiel pour s'installer dans le quartier Lazaret. Hormis les flux intra-strate, on peut dire que c'est la strate 2 qui fournit plus de ménages à la strate 4 ; en effet, 31 % des ménages ont dû séjourner d'abord dans la strate 2 avant de s'installer dans la strate 4. Ceux qui ont déménagé de la strate 3 pour s'installer dans la strate 4 forment 21 % des ménages  de la zone d'habitat périphérique ; quant à ceux provenant directement de la strate 1, ils ne forment que 13 % des ménages vivant actuellement dans la périphérie de la ville de Niamey.

Au regard de ce qui précède, il y a lieu de préciser que l'analyse de la mobilité résidentielle à l'échelle de la ville de Niamey distingue bien les strates. Ainsi, la strate 2 est la plus dynamique de la ville avec 29 % de l'ensemble de mouvements inter-strates des ménages, sachant que ces mouvements sont liés aux déménagements et aux installations observés dans les différents quartiers. Mais, le dynamisme de cette strate relève plus des déménagements vers les autres strates comme le montre la figure n° 3.2. Cela est dû au fait que la plupart des quartiers de cette zone sont déjà densifiés. Pour éviter une éventuelle surdensification, certains ménages préfèrent déménager pour aller dans les strates postérieures de la ville. Ainsi, Pour 33 déménagements, la strate 2 n'enregistre que 25 nouvelles installations de ménages ; ce qui lui donne un solde migratoire de -8. Contrairement à la strate 2, la strate 4 doit son dynamisme à de nouvelles installations de ménages provenant pour la plupart des autres espaces résidentiels de la ville ; aussi, enregistre-t-elle un solde migratoire positif de +9, soit 29 nouvelles installations pour 20 déménagements. Cette situation s'explique par le fait que la strate 4 est un espace résidentiel en construction (de nouveaux logements s'y créent et bien d'autres sont en chantier). Malgré cela, le poids de la strate 4 est moins important que celui de la strate 2 dans l'ensemble des flux des ménages observés à l'échelle globale de la ville ; en effet, la strate 4 occupe 25 % de ces flux contre 29 % pour la strate 2.

Figure n°3.2 : Déménagements et installations des ménages de la ville de Niamey

Dans la strate 1, la tendance est à la stabilisation des flux car on n'y note qu'un solde migratoire de -1 du fait que pour 24 déménagements, on enregistre seulement 23 nouvelles installations. Cette situation stationnaire s'explique par le fait que la zone d'habitat centrale n'arrive pas à attirer les ménages des autres espaces résidentiels de la ville de Niamey malgré l'existence des équipements et infrastructures. Il s'agit d'une zone de forte densité dont l'habitat vétuste est en dégradation ; les déménagements qu'on y enregistre sont de plus en plus liés à la mutation foncière qui consiste à l'achat des maisons vétustes situées au bord des grandes artères par des opérateurs économiques. Ces derniers construisent des immeubles de un à deux étages pour accueillir des commerces et autres petits services comme on peut le constater sur les photos suivantes.

Photo n°3.1: Habitat vétuste dans le quartier Liberté (centre ville)		Photo n°3. 2 : Mutation foncière au centre ville, 2008

Photo n° 3.3 et 3.4: Immeubles construits à la place de maisons en banco dans le centre ville 

Cela réduit la fonction résidentielle des quartiers du centre ville qui se caractérisent actuellement par une certaine mixité de fonctions (habitation, commerce, artisanat, etc.). Cependant, la zone continue d'accueillir des personnes nouvellement venues à Niamey parmi lesquelles on enregistre des ménages d'origines étrangères dont le souci est plutôt d'être à côté des grands marchés de la ville. Or ces derniers sont concentrés dans la strate 1. Dans l'ensemble, la strate 1 occupe 24 % des flux ; ce qui est plus important que ceux enregistrés au niveau de la strate 3. De ce fait, la strate 3 apparaît comme la zone la moins dynamique en matière de mobilité résidentielle intra-urbaine à Niamey car n'occupant que 22 % de l'ensemble des échanges. Elle enregistre le plus faible taux d'installations de ménages. Elle est d'ailleurs sujette à une certaine stabilité résidentielle car enregistrant autant d'installations de ménages que de déménagements. Ainsi, son solde migratoire est nul.

En ce qui concerne l'articulation entre mobilité résidentielle et migrations internes et internationales des chefs de ménage enquêtés, la strate 2 se présente comme une plaque tournante. Quand les ménages immigrent à Niamey, 1/3 s'installent directement dans la strate 2 avant de se disperser dans les autres strates au gré de leur trajectoire résidentielle. Après la strate 2, c'est la strate 1 qui constitue le lieu qui accueille plus de ménages migrants, puis la strate 3. Moins d'un sur cinq ménages s'installent directement à la périphérie quand ils immigrent à Niamey.

La trajectoire résidentielle de monsieur Souleymane (cf. encadré n°3.1) montre comment ce chef de ménage passe du statut d'hébergé, à son arrivée à Niamey, à celui de locataire, avant de devenir propriétaire à la périphérie notamment dans le quartier Kouara Kano. Mieux, il dispose d'une autre parcelle non mise en valeur dans la grande périphérie de la ville. Cela montre qu'il a non seulement contribué à l'extension de la ville en demandant une parcelle à la périphérie mais aussi qu'il participe au stock de parcelles de la ville. Ce stock qui fait l'objet de spéculation ne favorise pas la création de logement dans l'immédiat.

Encadré n°3.1 : Trajectoire résidentielle de Monsieur Souleymane à l'intérieur de la ville de Niamey

Je suis né en 1955 à Dogon Doutchi où j'ai fréquenté l'école primaire et le Collège d'enseignement Général (CEG). A l'âge de 16 ans, suite à l'obtention du Brevet d'Etude du Premier Cycle (BEPC), je quitte ma ville natale pour venir en 1971 poursuivre mes études à Niamey au Lycée Issa Korombé. J'ai été accueilli par mon oncle qui habite au centre ville plus précisément au quartier Kalley sud où j'ai été hébergé pendant 4 ans avant de migrer vers Bamako en 1975 pour des études à l'Ecole Nationale d'Ingénieurs (ENI), filière topographie. A l'issue de cette formation qui a duré 4 ans, j'obtiens le diplôme d'ingénieur géomètre. De retour à Niamey en 1979, j'obtiens un emploi au service du cadastre sis au centre ville dans la zone administrative ; cette fois-ci je deviens locataire en louant, à 10 000 FCFA, un logement de 2 pièces dans un habitat de cour en dur couramment appelé célibatorium dans le quartier Poudrière à partir duquel je joins mon service en taxi puisque je n'avais pas de moyen de locomotion.

J'y suis resté seulement 1 an et en 1980, je m'installe dans le quartier traditionnel du centre ville, en l'occurrence Lacouroussou qui est plus proche de mon lieu de travail ; ici je n'ai pas besoin d'un taxi pour me rendre au travail. Néanmoins, mon séjour n'a duré que 6 mois car le quartier ne me convient pas ; ce qui fait que, dans la même année, je retourne dans mon ancien quartier qui est Poudrière sans avoir changé de statut d'occupation ou de statut matrimonial.

Après un séjour de 2 ans au quartier Poudrière, je déménage pour m'installer à Boukoki en 1982, un quartier traditionnel de la zone péricentrale pour un séjour de 2 ans avant de revenir au quartier Poudrière en 1983 ; mes déménagements du quartier Poudrière sont seulement dus à un souci de réduire la distance entre mon lieu de travail et mon lieu d'habitation ; mais chaque fois que je m'installe dans les quartiers traditionnels plus centraux, je vois que le mode de vie ne me convient pas et je quitte.

Cette fois-ci, je me marie, m'achète un véhicule et loue une maison en dur de 3 pièces (2 chambre salon) à 25 000 FCFA parce que mon revenu a augmenté. Mais là aussi, mon séjour ne dépasse pas 8 mois et dès le début de l'année 1984, je déménage pour m'installer au quartier Route Filingué qui est pourtant plus excentré que Poudrière. Mais, suite à l'élargissement de ma famille qui compte désormais 4 personnes à savoir ma femme, moi et nos deux enfants, je dois trouver un logement plus grand et de meilleure qualité ; c'est pourquoi j'ai quitté les 2 chambres salon du quartier Poudrière pour louer une villa de 4 Pièces à 30 000FCFA. Il s'agissait d'un loyer abordable puisqu'en ce moment Route Filingué apparaissait un quartier purement périphérique de la ville.

J'ai séjourné dans ce quartier jusqu'en 1986, soit 2 ans avant de migrer à destination de Toulouse en France pour un stage d'études professionnelles de 18 mois à la fin duquel je suis revenu à Niamey pour m'installer dans le quartier Yantala à partir duquel ma trajectoire résidentielle intra-urbaine a été interrompue, à nouveau, par une migration interne suite à une affectation, en 1991, à Maradi qui est l'une des grandes villes du Niger ; ici j'ai vécu dans un logement administratif (une villa) jusqu'en 1997, soit un séjour de 6 ans ; par la suite, je suis réaffecté à Tillabery où j'ai travaillé de 1997 à 1999 ; là aussi j'ai bénéficié également d'un logement administratifs (villa de trois chambres salon soit 4 pièces, avec toutes les commodités). A la fin de l'année 1999, je suis rappelé à Niamey au Ministère de l'économie et des finances.

De retour dans la capitale, je reprends ma trajectoire résidentielle en m'installant à Yantala pour 3 ans en tant que locataire dans une villa de 4 pièces alors que la taille de ma famille qui était de 5 personnes passe à 7.

Enfin, j'accède à la propriété dans le quartier Kouara Kano où j'habite depuis 2002 dans ma propre maison ; aujourd'hui ma famille compte 8 personnes dont une nièce qui est venue du village. Je suis satisfait de mon logement actuel du fait de mon statut de propriétaire ; de plus la maison est spacieuse et dispose de toutes les commodités (douches et WC internes et dans la cour.

En dehors de cette maison, j'ai acquis une parcelle à Dan zama Kouara, dans la périphérie nord de la ville de Niamey ; cette parcelle n'est pas encore mise en valeur. Par ailleurs, j'ai trois parcelles à l'intérieur du pays dont une est en construction à Dogon Doutchi. J'avoue que je me sens bien à Kouara Kano et n'envisage pas déménager. Cependant, je souhaite que mon quartier actuel soit viabilisé à travers le bitumage ou le pavage de certaines rues ensablées où stagne l'eau de pluie, la construction d'un marcher, d'un dispensaire et d'un commissariat ainsi que l'installation d'éclairage public.

En ce qui concerne mon logement, je souhaite faire des extensions notamment des annexes pour les garçons qui ont grandi et envisage aussi d'installer un cabinet privé d'ingénierie à la devanture.

A l'issue d'une telle description, il est possible d'établir un modèle de mobilité centrifuge d'un ménage de la ville de Niamey dont le chef a bénéficié d'une mobilité résidentielle et sociale ascensionnelle (figure 3.3). Il s'agit d'un modèle marqué par une promotion socioprofessionnelle, une amélioration du statut d'occupation et des conditions de logements du ménage. Mais un tel modèle est aussi vecteur d'un étalement urbain continu.

Figure n°3.3 : Modèle d'une mobilité résidentielle intra- urbaine centrifuge et ascensionnelle d'un ménage de Niamey

Quelque soit le modèle de mobilité résidentielle intra-urbaine, les déménagements et emménagements du ménage sont toujours liés à un motif. A cet effet, l'enquête réalisée dans le cadre de cette étude montre que l'installation des ménages dans les différents quartiers de la ville relève surtout de l'opportunité. C'est le cas pour 47 % des emménagements et seulement 1/5 des emménagements relèvent du choix des ménages. Quant à l'accès à la propriété, il n'a motivé que 1/10 des emménagements.

Raison	%
hébergé	22%
propriété	11%
opportunité	47%
choix	19%
Total	100%

Tableau n°3.4 : Raison de l'installation des ménages

Si les installations sont plus liées aux opportunités de logement, les déménagements s'effectuent le plus souvent sous contraintes comme l'illustre la figure 3.4. En effet, moins de un sur trois déménagements s'effectue dans le but d'un changement de statut d'occupation du logement ou de statut matrimonial de la part du chef de ménage (16 % pour les changements de statut d'occupation, 14 % pour le changement de statut matrimonial).

Figure n°3.4 : Motif du déménagement à Niamey

En revanche, les migrations (le plus souvent dues aux affectations) et la non satisfaction du logement constituent les premiers motifs des déménagements avec 22 % chacune. A cela s'ajoutent les déménagements relevant de l'obligation qui sont de l'ordre de 10 % ; il s'agit de déplacements qui sont imposés aux ménages suite à la vente de la maison, au retour du propriétaire dans sa maison, à un déguerpissement, à une dispute avec d'autres occupants de la parcelle ou suite au décès de l'époux. Ces motifs évoqués déterminent la durée de séjour que le ménage passe dans les différents lieux de résidence qui constituent sa trajectoire résidentielle intra-urbaine.

La durée de séjour se définit comme le temps passé entre deux déménagements ; elle rend compte de la stabilité ou de l'instabilité résidentielle dans une ville ou un espace résidentiel de la ville. La durée de séjour des chefs de ménage dans le premier quartier d'habitation est de 4 ans en moyenne, le temps que le jeune migrant s'imprègne de la vie urbaine afin de découvrir des opportunités d'emploi et de logement indépendant. Notons que seulement 12 % des personnes enquêtées ont quitté leur premier quartier d'habitation avant d'y avoir passé un an et que 47 % y séjournent depuis 10 ans au moins. Dans l'ensemble, les durées de séjour les plus fréquentes sont observées entre 2 et 9 ans. La durée de séjour est longue du moment où le premier quartier d'habitation est aussi le lieu où le nouveau migrant prépare son insertion dans la ville. Par contre, elle est moins importante dans le deuxième quartier d'habitation où seuls 22 % des chefs de ménage ont séjourné 10 ans ou plus, soit 2 fois moins que dans le premier quartier. Cela est dû au fait que dans le deuxième quartier, le migrant prend son envol pour sa mobilité résidentielle intra-urbaine et qu'à cette étape, il n'est pas toujours bien outillé pour assumer cette indépendance. On y note une certaine instabilité du logement en conséquence.

La tendance se maintient dans le troisième quartier car 1/4 des séjours y durent au plus un an et au total, 54 % des ménages n'y séjournent pas plus de 4 ans. Cela témoigne de la courte durée de séjour à ce stade. D'ailleurs seuls 1/5 de séjours durent 10 ans ou plus dans le troisième quartier. A cette étape, la plupart des chefs de ménage sont mariés (il s'agit de ¾ des chefs de ménage).

Il faut dire que dans le quatrième quartier d'habitation, la durée de séjour remonte pour atteindre en moyenne de 3 ans. Ici, 29 % des ménages séjournent 10 ans ou plus contre 21 % dans le troisième quartier d'habitation. Toutefois, la baisse de la proportion de célibataires parmi les chefs de ménage se poursuit ; ce qui fait que les mariés atteignent 76 % des chefs de ménage dans le quatrième quartier. En plus, à cette étape, le ménage y prend le temps de se développer et de se complexifier du fait de l'arrivée des enfants dans le couple et de bien d'autres collatéraux.

Dans le cinquième quartier d'habitation, la durée moyenne de séjour est de 2,7 ans. Ce qui est plus faible qu'au niveau de l'étape précédente. D'ailleurs, 28 % des ménages y ont résidé moins d'un an et ceux qui y ont passé dix ans ou plus sont de l'ordre de 25 %. On observe la même durée moyenne de séjour dans le sixième quartier d'habitation que dans le cinquième mais à la différence que la proportion des ménages ayant passé 10 et 14 ans est très élevée. Cela est du fait que le ménage atteint sa taille maximale au niveau du sixième quartier (6,8 personnes/ménage) et que la proportion de ménages propriétaires connait une certaine augmentation.

Enfin, on note une légère hausse de la durée de séjour dans le septième quartier ; elle remonte à 2,8 ans, soit un peu moins de celle enregistrée dans le quatrième quartier. Mais, il faut dire qu'ici la stabilité résidentielle observée chez certains ménages est due plutôt à des difficultés de mobilité ; le ménage se voit alors contraint de rester dans le même logement. Il s'agit de la situation de 1/4 des ménages qui ont un séjour de 10 ans et plus. Parmi ces derniers, on trouve 14 % de veufs (veuves) et 7 % de divorcés. Ces deux taux sont les plus forts enregistrés jusqu'ici. Pour le huitième quartier qui est la fin de la trajectoire résidentielle, il est hors de question de parler de durée de séjour puisque le ménage y réside encore. Cependant, il est possible d'y mesurer le risque de déménager à travers des calculs de taux.

Le taux de mobilité résidentielle exprime un risque de déménager calculé d'après la durée de séjour (Voir Courgeau et Lelièvre, 2004). Mais, le risque de démanger peut aussi se mesurer à partir de l'intention de migrer de la part des ménages. C'est cette démarche simple que la présente analyse utilise pour mesurer le taux de mobilité résidentielle dans les différents espaces résidentiels de la ville de Niamey.

D'après la figure n°3.5, le taux de mobilité résidentielle est important au niveau de toutes les strates. Cependant, il est plus important dans la strate 1 où il est de 40 %, puis la strate 3 avec un taux 38 % ; quant à la strate 2, elle enregistre un taux de mobilité résidentielle semblable à celui observé dans la strate 4 (autour de 31). On relève également des nuances entre les quartiers ; ces nuances s'expliquent par trois facteurs essentiels qui sont le type d'habitat du quartier, son statut et sa localisation. La pluralité de ces facteurs complexifie la classification des différents quartiers de la ville. Néanmoins, on remarque que le taux de mobilité résidentielle est très élevé dans les quartiers traditionnels (du centre ville comme Lacouroussou et Liberté dans lesquels prédomine l'habitat de cour en banco) ; dans la strate 3 ou zone intermédiaire, ce sont le village urbain de Gamkallé et le quartier mixte de Dar es-Salaam qui présentent les plus forts taux de mobilité résidentielle. Quant à la zone périphérique, le taux de mobilité résidentielle est surtout élevé au niveau de Kirkissoye dont la zone d'extension est très mal intégrée à la ville. Dans tous ces quartiers, le taux de mobilité résidentielle est d'au moins 40 %.

Figure n°3.5 : Intention de déménager par quartier (en pourcentage)

En revanche, ceux qui ne souhaitent pas déménager se retrouvent surtout dans les quartiers résidentiels à l'image de Cité Fayçal et Kouara Kano, dans les quartiers spontanés comme Pays-Bas à cause certainement de la forte proportion de ménages propriétaires de leur logement, et enfin dans les quartiers périphériques mixtes (c'est le cas de Lazaret où la vie sociale semble très développée malgré tout).

Dans tous les cas de figure, les chiffres interpellent à plus d'un titre puisqu'ils indiquent que la mobilité résidentielle n'est pas près de faiblir tant que le ménage est maintenu dans la logique actuelle de trajectoire résidentielle intra-urbaine centrifuge. En conséquence, il faut s'attendre à un développement soutenu de l'étalement de la ville dans les prochaines décennies et à une aggravation du sous-équipement dans les nouveaux espaces résidentiels qui seront créés à cet effet.

Le fait paradoxal est que le taux de mobilité résidentielle soit aussi élevé dans la strate 4 où les ménages sont d'installation récente. Il y a donc lieu d'examiner les raisons qui motivent cette forte intention de déménager.

Précisons qu'à l'échelle de la ville, le taux de mobilité résidentielle est égal à 35,5 %. Ce fort taux s'explique par diverses raisons évoquées par les ménages qui souhaitent déménager. Les principales raisons qui commandent à cette intention sont le souhait d'accéder à la propriété et la qualité de logement du ménage. Comme l'illustre la figure n°3.6, le quartier et sa localisation déterminent moins de 1/5 des intentions de déménager.

Figure n°3.6 : Raison de l'intention de déménager des ménages

La même figure laisse présager que la spéculation foncière a de l'avenir tant que les conditions de gouvernance et de gestion de la ville ne s'améliorent pas. Cela est d'autant vrai que l'accès à la propriété constitue le souci le plus exprimé par les ménages pour justifier leur intention de déménager. De ce fait, la lutte pour l'accès au sol serait davantage rude pour les ménages surtout que la forte concurrence qui en résulterait pourrait également intéresser les ménages qui n'envisagent pas de déménager à la date de l'enquête.

Les ménages qui ne souhaitent pas déménager sont de l'ordre de 64,5 %. Ils évoquent comme raisons principales l'absence de problème notamment en ce qui concerne les relations entre propriétaire et locataire et la propriété. La figure n°3.7 montre que les relations bailleur-locataire constituent la première raison de sécurité du logement. Ainsi, 32 % des ménages enquêtés qui ne souhaitent pas déménager évoquent cette raison. En effet, Si le ménage locataire entretien de bonnes relations avec son bailleur (le propriétaire de la maison), il se sent en sécurité et peut rester aussi longtemps dans la maison jusqu'à ce que lui aussi accède à une parcelle. Cependant, ils déménagent dès que sa parcelle est habitable ; dans ce cas, le ménage procède aux travaux de finition du logement (crépissage, tyrolien, peinture, sanitaires internes, etc.) pendant qu'il y habite.

Quant aux ménages qui sont propriétaires de leur logement, ils souhaitent rarement déménager. C'est ainsi qu'on enregistre, dans l'ensemble, 29 % de ménages qui perçoivent la propriété comme une marge de sécurité importante dans une ville où se multiplient des difficultés d'accès au sol et des problèmes de logement. Cela fait de l'accès à la propriété un indicateur important de la stabilité résidentielle des ménages ; il épargne le ménage du caprice des bailleurs qui fixent unilatéralement le prix du loyer et qui peuvent à tout moment réclamer sont logement sans préavis. Une telle situation est relative au caractère informel du contrat de bail qui puisse sécuriser à la fois le bailleur et le locataire. L'absence d'une réglementation effective dans ce sens favorise les conflits entre les deux acteurs.

Figure n°3.7 : Raison de la non intention de déménager

En revanche, près de 16% des ménages qui ne souhaitent pas déménager déclarent n'avoir pas le choix. On trouve parmi eux la majorité des logés gratuitement, des squatters et des locataires qui n'ont pas les moyens d'accéder un jour à la propriété ou à un meilleur logement. Dans ce cas de figure, l'attitude du ménage peut être comprise comme une résignation.

En somme, l'aperçu global rend compte d'une mobilité résidentielle intra-urbaine plutôt contrainte des ménages parmi lesquels le risque de déménager demeure très élevé. Il ne reste plus qu'à examiner les étapes de la trajectoire résidentielle intra-urbaine des ménages afin de mieux cerner ses implications dans le développement de la ville de Niamey.

* ²³ Mobilité résidentielle ascendante : dans ce cas, le ménage passe du statut de locataire ou d'hébergé à celui de propriétaire de son logement.