4.2. Paupérisation des agents et comportements non
éthiques
4.2.1. Système de rémunération
dans la fonction publique
Les salariés de la fonction publique sont
classés suivants une grille indiciaire et des échelons repartis
par catégories. A chaque grille et /ou échelon, correspond une
fourchette de salaires. Ce classement correspond à des niveaux scolaires
et académiques différents. Le grade le plus élevé
équivaut au diplôme le plus grand. Ce qui confère au
système de rémunération de la fonction publique une
certaine équité. Plusieurs études ont montré que le
sentiment d'équité est un antécédent de la
motivation pour les individus sensibles à ce critère.
Si les agents du MTFPRAI-DS s'accommodent bien à ce
point de vue, il demeure un aspect sur lequel ils sont tous d'accord : les
bases de la rémunération des fonctionnaires du secteur public,
même si elles suivent une logique d'équité, les taux
appliqués sont plutôt bas. Ceci, aux dires de nombre
d'enquêtés, ne leur permet pas de se positionner socialement
vis-à-vis des défis quotidiens auxquels ils font face. Or, la
rémunération, en tant qu'élément de motivation du
fonctionnaire doit lui permettre de se situer professionnellement et
socialement (Chauchard, 1989). A cet effet, Bidias (1971) soutient que le
traitement du fonctionnaire doit lui permettre de maintenir le rang social
correspondant à ses fonctions. Il y a de ce fait, un objectif que la
rémunération devrait permettre au fonctionnaire de satisfaire,
mais qui manque à l'appel.
La rémunération sera donc un déterminant
de l'effectivité et de l'efficacité du service public si et
seulement si elle parvenait à combler les attentes des fonctionnaires.
Pour Marjolein Dieleman (2003), si les salariés et leurs
conditions de travail sont insatisfaits, ils auront tendance à
rechercher des voies et moyens pour compenser ces manquements.
4.2.2. Salaire versus comportements non
éthiques
Dans l'analyse des comportements non éthiques, la
question de la paupérisation des salariés intervient de
façon itérative. Pour nombre de chercheurs, leur prégnance
est un facteur de pauvreté monétaire. Dans cette logique, la
pauvreté est perçue comme un manque de ressources
économiques pour assurer sa survie (Médard, 2004). Un travailleur
pauvre est donc une personne dans l'impossibilité de vivre du revenu de
son activité ou se trouvant dans un équilibre financier sommaire
et très fragile. Dans ces conditions, le travailleur est enclin à
développer des pratiques et stratégies anti-éthiques pour
compenser ces manques en termes de ressources pécuniaires. La propension
à développer de tels comportements est d'autant plus forte que le
fonctionnaire se sent lésé dans son traitement vis-à-vis
de ses collègues qui, parfois, avec des grades et statuts
inférieurs, jouissent des mêmes privilèges sinon, plus que
lui. Cette situation d'iniquité perçue, selon Benraïss et
Peretti (2001), fait naître un sentiment de frustration et
d'insatisfaction chez le fonctionnaire.
Les pratiques non éthiques, envisagées dans
cette dimension, sont perçues par les fonctionnaires non seulement comme
un acte de survie, mais aussi comme un acte de restauration de
l'équité ou de justice dans son traitement. La
réalité qui en découle, ce sont les retombées
socio-économiques de cette pratique sur le bien-être financier de
ces personnes. Ici, les conduites anti-éthiques sont
considérées comme un moyen d'améliorer, voire de
créer, un cadre permettant aux acteurs de cette pratique de lutter
contre leur situation socio-économique précaire (Dommel, 2003).
Dans cette perspective, les retombées
financières des actes non éthiques se présentent comme
l'une des raisons de leur persistance et de leur généralisation.
Les tendances de cette recherche confirment bien cette conclusion en ce
qu'elles permettent de dire que le niveau bas des salaires est une variable
explicative fondamentale à ne pas négliger dans la
compréhension des comportements non éthiques dans
l'administration. Par exemple, dans le Rapport des Résultats de
l'Enquête Diagnostic sur la Corruption et la Gouvernance au Bénin
de 2007, la corruption, également envisagée comme un comportement
non éthique, a pour principale ressort les bas salaires des
fonctionnaires. Viennent ensuite et de façon consécutive, le
manque de système efficace de dénonciation, le manque de
transparence et de responsabilité dans le processus politique, le manque
de mécanisme efficace de motivation et de promotion pour les
fonctionnaires méritants, le manque de système judiciaire
indépendant et efficace, le manque de média indépendants
et efficaces, etc.
Tout semble donc confirmer que la persistance des conduites
non éthiques ressort principalement des conditions financières
des fonctionnaires. C'est dire ces comportements apparaissent dans
l'administration lorsque celle-ci est faible, incapable de satisfaire les
attentes pécuniaires des agents et d'assurer un contrôle efficace
de leurs actes.
Il faut ajouter que l'absence de politique de protections
sociales est aussi une incitation potentielle aux pratiques déviantes,
dans la mesure où elle crée une précarité des
conditions de vie des fonctionnaires de l'administration publique. Autrement
dit, les motivations à se laisser corrompre ou à corrompre sont
grandes dans les administrations lorsque celle-ci est défaillante ou
inexistante.
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