Paragraphe 3 :-L'affectation des ressources des
écotaxes
On pourrait envisager une affectation des ressources des
écotaxes distincte du budget de l'Etat, en prenant certaines
libertés avec les principes budgétaires. Une telle affectation
pourrait ainsi rendre la taxe plus acceptable et dégager des recettes
spécifiques pour mener une politique environnementale spécifique.
Certains pays ont par exemple créé une «
Mastère professionnel TCF ISG Gabés
Monaem FATTOUCH Page 20
commission verte » chargée de percevoir et
d'utiliser le produit des écotaxes. Une telle structure est
présentée comme devant favoriser le consentement à «
l'impôt vert » et peut financer des aides publiques. Mais si la taxe
est en elle-même assez incitative, une telle politique d'aide directe
peut s'avérer toutefois relativement inutile puisque la taxe remplit
à moindre coût l'objectif essentiel. On risque alors de voir ceux
qui paient demander un retour sous forme d'aides, au risque de rendre la taxe
inefficace. Si la taxe n'est pas efficace, alors l'aide peut être utile
mais la question de l'existence de la taxe est alors posée.
Affectation distincte ou pas, chaque solution a ses avantages
et ses inconvénients. On peut considérer que la priorité
environnementale fait partie des débats politiques du parlement et ne
doit pas relever d'un fond spécifique. Mais l'affectation au budget de
l'Etat est contradictoire avec le destin d'une écotaxe qui est de voir
son assiette, donc son rendement, baisser. L'équation est simple dans
son principe : si l'élasticité/prix est élevée, la
taxe est efficace et les recettes baissent et si l'élasticité est
faible, la taxe est peu efficace mais les recettes sont pérennes.
Section 3 : Les engagements internationaux en
matière écologique et exemples des éco- taxes
En dehors de quelques cas particuliers, ni le droit
communautaire ni les accords internationaux ne constituent des obstacles
à l'utilisation de la fiscalité pour lutter contre les
pollutions. Dans ce cadre on va voir les engagements internationaux en
matière écologique et exemples des écotaxes.
Paragraphe 1 : Les engagements internationaux
La principale limite posée aux initiatives des Etats
est l'obligation de respecter l'égalité de traitement entre les
entreprises nationales et étrangères, au nom du principe de
concurrence, et de ne pas remettre en cause les normes adoptées par le
droit communautaire en matière fiscale.
Mastère professionnel TCF ISG Gabés
Monaem FATTOUCH Page 21
A-Le droit européen
L'exigence de l'unanimité a contribué à
limiter la mise en place de dispositions fiscales « européennes
», notamment dans le domaine de l'environnement. L'Europe a
privilégié de ce fait l'utilisation de la règlementation
pour inciter les Etats membres à prendre des mesures favorables à
l'environnement.
Dans la plupart des cas, les directives européennes
fixent des objectifs à atteindre en matière de qualité de
l'environnement, laissant aux Etats membres le choix des moyens. L'accumulation
de règles, issue de ces directives, n'empêche pas formellement le
recours aux écotaxes mais elle en limite le développement en
créant un contexte règlementaire très complexe à
gérer.
L'exemple de la lutte contre l'effet de serre en est une
illustration. Ainsi ont été
privilégiés23 au niveau européen :
- les accords volontaires, comme celui conclu en 1998 entre la
commission européenne et l'association des constructeurs
européens de véhicules sur la réduction de CO2 des
voitures particulières neuves24 ;
- le durcissement de la règlementation : ainsi, en
matière d'habitation, une directive européenne impose une
méthode de calcul de performance énergétique des
bâtiments et fixe des exigences de performance énergétique,
avec des objectifs spécifiques, lors de la construction ou de la
rénovation de bâtiments.25
- des subventions et des aides comme celles attribuées
à la production d'énergies « propres » ou renouvelables
sous forme de subventions en application d'une
23 Voir notamment le Programme européen sur
le changement climatique, présenté par la commission en juin 2001
et qui présente 42 mesures pour réduire les émissions
européennes de GES
24 La proposition initiale de l'association a
été approuvée par le Conseil européen en octobre
1998 et un accord avec la Commission a été finalisé
début 1999
25 Directive n°2002/91/CE du 16 décembre
2002
Mastère professionnel TCF ISG Gabés
Monaem FATTOUCH Page 22
directive qui fixe comme objectif l'augmentation à 22%
de la part des énergies renouvelables dans la consommation
d'électricité européenne d'ici 201026.
De même, le choix de recourir à un marché
de droits d'émissions pour limiter les émissions industrielles de
CO2 confirme la place relativement réduite de la fiscalité et
restreint le champ d'application d'une taxe sur le carbone.
S'agissant de la protection de l'environnement, les
principales directives fiscales traitent seulement des accises sur les
combustibles et des taxes sur l'énergie. Compris le gaz et le
charbon27. Elle distingue les taux selon que l'usage est commercial
ou domestique.
Cette directive prévoit trois cas dans lesquels la
consommation de combustibles fossiles est obligatoirement
exonérée de taxation :
- Lorsque les combustibles consommés sont
utilisés à la fois comme combustibles et pour un autre usage
(réduction chimique, procédés métallurgiques...)
- Lorsque les combustibles sont consommés au cours de
procédés minéralogiques de production de produits non
métalliques (notamment verre, carton, plâtre, brique,
céramiques, ciment)
- Lorsque les combustibles sont utilisés pour produire
de l'électricité (toutefois, les combustibles utilisés
dans ce cas peuvent être assujettis à une taxation à
finalité environnementale)
Les Etats ont la possibilité de prévoir des
exonérations, notamment :
- Lorsque les combustibles servent pour la production
combinée de chaleur et
d'énergie.
- Lorsque le gaz naturel ou les combustibles solides sont
consommés par les ménages
- Lorsque les combustibles fossiles sont utilisés dans les
travaux agricoles
- Lorsque les combustibles fossiles sont consommés par
les entreprises grandes
consommatrices d'énergie incluses dans un régime de
quotas négociables
26 Directive 2001/77/CE du 27 septembre 2001. Pour la
France, l'objectif est de 21% contre 15% actuellement.
27 Cette directive remonte les taux minimum de 25 %
par rapport aux taux prévus par la directive de 1992.
Mastère professionnel TCF ISG Gabés
Monaem FATTOUCH Page 23
Mastère professionnel TCF ISG Gabés
Les taux minimaux fixés par la directive sont
inférieurs à la valeur des externalités négatives
généralement associées à l'utilisation des produits
taxés et la hiérarchie des taux entre les combustibles ne
reflète pas parfaitement leur « nocivité » relative.
Minimal sur le gazole est plus faible que celui sur l'essence sans plomb.
En dehors du domaine de l'énergie, les Etats membres de
l'Union européenne gardent une assez grande latitude pour mettre en
oeuvre des mesures fiscales liées à l'environnement.
En effet, la valeur normative du principe «
pollueur-payeur » est incertaine. Même si la question n'a pas
été clairement tranchée, à ce jour, par la CJCE, il
semble qu'il ne doive pas être regardé comme ayant un effet
direct28. Ainsi, il ne peut, a priori, être directement
invoqué par les particuliers à l'encontre d'une
règlementation nationale.
Le principe a toutefois une portée
interprétative : selon la jurisprudence de la CJCE, il est
réputé éclairer, en cas de doute, le sens du droit
communautaire dérivé. C'est ainsi que, saisie d'une question
préjudicielle relative à la directive 91/676/CEE concernant la
protection des eaux contre la pollution par les nitrates, la Cour de Luxembourg
a jugé que la directive, peu claire, ne pouvait avoir entendu faire
supporter aux exploitants agricoles des charges inhérentes à
l'élimination d'une pollution à laquelle ils n'auraient pas
contribué29.
Mais certaines normes européennes limitent les
possibilités d'instaurer des taxes environnementales. Cela vaut pour
celles qui empièteraient sur la compétence communautaire en
matière de taxes sur le chiffre d'affaires et de droits d'accises. En
principe, les Etats membres peuvent instituer, outre les impositions
obligatoires prévues par la directive relative au régime
général des produits soumis à accises, d'autres
impositions indirectes poursuivant des finalités spécifiques. La
jurisprudence de la CJCE se montre toutefois restrictive en la matière.
Ainsi, la Cour de Luxembourg a refusé d'admettre la taxation au niveau
national d'utilisations de produits exonérées par les
dispositions des directives applicables30. Dans le même sens
et allant à l'encontre d'une logique environnementale, la France a
même été contrainte de rétablir une disposition
favorable à l'utilisation du gazole : la possibilité pour les
assujettis à la TVA de déduire à
28 Conclusions de l'avocat général
sous l'affaire CJCE, 20 novembre 2003, Gemo SA, aff. C-126/01, au
Recueil, RJF 2/04 n° 205
29 CJCE, 29 avril 1999, Standley, aff. C-293/97, Rec.
p. I-2603
30 CJCE, 10 juin 1999, Braathens Sverige AB, aff.
C-346/97, au Recueil
Monaem FATTOUCH Page 24
hauteur de 80 % la TVA sur le gazole utilisé dans les
Conclusions de l'avocat général sous l'affaire CJCE, 20 novembre
2003. Cette possibilité avait été supprimée par la
loi de
finances pour 1998 mais cette mesure a été
jugée non conforme à la 6ème directive par la
CJCE31.
La rigueur du principe de prohibition des restrictions
quantitatives aux échanges ou des mesures d'effet équivalent est
tempérée par la prise en compte des exigences inhérentes
à la protection de l'environnement. Ainsi, la CJCE a jugé que
certains obstacles à la libre circulation peuvent être
justifiés par des exigences impératives du droit communautaire,
au nombre desquelles figure, selon elle, la protection de l'environnement, pour
autant, comme il est naturel, que les mesures soient proportionnées
à l'objet visé (en ce sens qu'elles doivent être celles qui
apportent le moins d'obstacles possible) et que la règlementation qui
les institue soit indistinctement applicable aux produits nationaux et aux
produits importés32. L'obligation imposée aux
producteurs et importateurs de mettre en place un système de consigne et
de reprise des emballages vides pour la bière et les boissons
rafraichissantes au Danemark a ainsi pu être admise par la
Cour33.
En Allemagne, une règlementation imposant aux
entreprises chargées de la fourniture d'énergie électrique
d'acheter, à concurrence d'un certain pourcentage, de
l'électricité produite à partir de sources
d'énergie renouvelables à des prix minimaux alors même que
cette obligation d'achat ne pouvait concerner, de fait, qu'un fournisseur
local. Elle n'y a pas davantage vu une aide d'Etat, alors même que
l'obligation d'achat est imposée par la loi, dès lors que la
mesure en cause n'entrainait aucun transfert direct ou indirect de ressources
d'Etat aux entreprises productrices d'électricité provenant de
sources propres34. Naturellement, les régimes fiscaux qui,
sous couvert de finalité environnementale, visent en fait à
protéger la production nationale, sont, à l'inverse,
censurés par la CJCE. Tel a été le cas d'un dispositif mis
en place en Grèce, qui prévoyait une taxe spéciale de
consommation sur les véhicules automobiles, dont le taux était
réduit pour ceux d'entre eux qui étaient équipés de
technologies anti- pollution.
Saisie du cas d'une taxe finlandaise sur l'énergie dont
le taux variait, pour les produits nationaux, en fonction du mode de production
plus ou moins polluant mais qui
31 Arrêt de la CJCE du 14 mai 2001, Commission
des communautés européennes
32 CJCE, 20 septembre 1988, Commission c/ Royaume du
Danemark, aff. C-302/86, Rec. p. 4607
33 CJCE, 13 mars 2001, Preussen Elektra AG, aff.
C-379/88, au Recueil
34 Ce dispositif est à rapprocher de celui mis
en place en France
Mastère professionnel TCF ISG Gabés
Monaem FATTOUCH Page 25
était unique pour l'électricité
importée compte tenu des difficultés techniques
d'identification des modes de production des produits
importés35.
Elle a d'abord rappelé que le droit communautaire ne
restreint pas, en l'état actuel de son évolution, la
liberté de chaque État membre d'établir un système
de taxation différenciée pour certains produits en fonction de
critères objectifs tels que la nature des matières
premières utilisées ou les procédés de production
appliqués, à la condition toutefois que ces systèmes de
taxation poursuivent des objectifs compatibles avec les exigences du
Traité et du droit dérivé et que leurs modalités
soient de nature à éviter toute forme de discrimination, directe
ou indirecte, à l'égard des importations en provenance des autres
États membres. Sur le principe même, la Cour n'a donc pas
condamné le système mis en oeuvre en Finlande. Elle ne l'a
finalement jugé incompatible avec les règles du Traité que
parce que, en l'espèce, le taux unique appliqué à
l'électricité importée puis distribuée à
travers le réseau national, qui était calculé de
façon à correspondre au taux moyen grevant
l'électricité d'origine nationale, était supérieur
au taux le plus bas frappant l'électricité d'origine nationale.
Elle considéra ainsi qu'il fallait comparer la charge fiscale frappant
l'électricité importée à la charge fiscale la plus
réduite frappant l'électricité d'origine nationale.
Le régime des aides d'Etat parait, en première
analyse, imposer moins de contraintes aux Etats membres souhaitant
développer des mesures fiscales à finalité incitative. Il
doit cependant être pris en considération à deux
niveaux.
S'agissant, en premier lieu, des exonérations fiscales,
une définition trop large du champ des exonérations introduites
peut soulever des contestations et appeler une requalification, par la Cour, en
aide d'Etat. Dans l'affaire du projet de TGAP sur les consommations
intermédiaires d'énergie, le gouvernement français avait
d'ailleurs fait valoir, devant le Conseil constitutionnel, que son choix
d'inclure l'électricité dans l'assiette de la taxe se justifiait
notamment par la crainte qu'une exonération générale
aurait été susceptible d'être analysée comme une
aide sectorielle ou une aide d'Etat, et qu'il aurait pu en aller de même
en cas de limitation de la taxation à la seule électricité
d'origine thermique.
En ce qui concerne, en second lieu, les taxes proprement
dites, les règles relatives aux aides d'Etat ne sont susceptibles de
trouver à s'appliquer que dans l'utilisation de leur produit.
35 CJCE, 23 octobre 1997, Commission c/
République hellénique, Rec. p. I-5981
Mastère professionnel TCF ISG Gabés
Monaem FATTOUCH Page 26
Mastère professionnel TCF ISG Gabés
|