B- Les taxes sur les émissions polluantes
V' La TGAP sur les émissions de
polluants atmosphériques
Une taxe parafiscale sur les émissions de polluants
dans l'atmosphère avait été créée en 1985,
assise initialement sur les émissions de dioxyde de soufre (SO2) ; son
assiette a été progressivement étendue aux
émissions d'oxydes d'azote (NOx), d'acide chlorhydrique (HCl), et aux
composés organiques volatils (COV).
Cette taxe a été remplacée à
compter du 1er janvier 1999 par la taxe générale sur les
activités polluantes (TGAP) et son produit n'a plus été
affecté à l'ADEME. Les assujettis peuvent déduire de leur
contribution les cotisations qu'ils versent aux associations
agréées de surveillance de la qualité de l'air dont ils
sont membres, dans la limite de 152 500 € ou à concurrence de 25 %
du montant de la taxe. Le Conseil s'est interrogé sur cette disposition,
d'autant que les montants en cause ne sont pas négligeables (13,1
millions d'euros en 2002 et 12,6 millions en 2003 représentant 20 % du
montant perçu au titre de la taxe). Le sérieux des organismes
n'est pas en cause, l'agrément préfectoral dont ils doivent
bénéficier offrant une garantie à cet égard.
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Mais l'affectation de ressources importantes à des
associations chargées d'assurer la surveillance de la qualité de
l'air devrait être évaluée pour garantir une utilisation
optimale des fonds publics.
Cette taxe a représenté en 2004 un produit de 58
M€. Les contributeurs sont les exploitants d'installations
d'incinération d'ordures ménagères d'une capacité
de plus de trois tonnes par heure, les exploitants des installations de
combustion d'une capacité supérieure à 20 mégawatts
et des installations rejetant plus de 150 tonnes par an de l'un des produits
qui constitue son assiette.
Les dix plus importants contributeurs paient près de 50
% du produit de cette taxe qui a les caractéristiques d'une
véritable écotaxe. Elle est assise sur la quantité de
pollution émise dans l'air et les taux applicables aux
différentes émissions sont modulés en fonction de leur
nocivité.
Le programme de recherche « Externe » financé
par la Commission européenne a donné les valeurs indicatives des
dommages causés par les émissions de polluants
atmosphériques. Ces valeurs varient d'une zone urbaine à une
autre dans la mesure où elles sont liées à la
densité de la population.
Une étude49 réalisée en
décembre 2002 a estimé le coût marginal de
dépollution atmosphérique pour les entreprises françaises
à partir de données individuelles sur la période
1990-1998. Il en ressort que le coût marginal de dépollution en
dioxyde de soufre des installations assujetties excédait sur la
période le taux de la taxe, ce qui laisse penser que son effet incitatif
était faible. L'analyse économétrique des données
permet d'évaluer le coût marginal de réduction de SO2 entre
310 et 990 €/t alors que le taux de la taxe était de 27,5 € en
1999. Ces coûts de dépollution sont à comparer au prix
à la tonne constaté sur le marché de permis existant aux
Etats-Unis, qui a varié entre 70 et 212 dollars entre la date de
création du marché en 1994 et juin 1999.
Une autre étude économétrique
réalisée en 2003 pour mesurer l'efficacité
environnementale de la taxe parafiscale sur la pollution
atmosphérique50 (reprise dans la TGAP) nuance un peu ce
constat.
49 RIEDINGER Nicolas et Erwan HAUVUY, « Les
coûts de dépollution atmosphérique des entreprises
françaises : une estimation à partir de données
individuelles », in La fiscalité liée à
l'environnement, rapport de la Commission des comptes et de
l'économie de l'environnement, novembre 2003, pp. 219-231.
50 MILLOCK, KATRIN et Céline NAUGES (avril
2003) The French Tax on Air Pollution : some preliminary results on its
effectiveness, note de travail n°44, 2003, de la Fondazione Eni
Enrico Mattei
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Pour trois polluants sur quatre, l'étude observe une
simultanéité entre l'instauration de la taxe et la baisse des
émissions. Mais l'évaluation des effets de la taxe comporte deux
limites que les auteurs reconnaissent eux-mêmes : ne sont pris en compte
ni l'effet de la réglementation, ni l'évolution de
l'activité des sites. Seule une nouvelle étude concentrée
sur les plus gros pollueurs permettrait de clarifier ces résultats.
La baisse sensible des pollutions atmosphériques,
depuis 1970, résulte moins de la taxation que des efforts
d'amélioration de l'efficacité énergétique dans
l'industrie (sous l'effet du coût de l'énergie), de
l'entrée en service des principales centrales nucléaires et de la
réglementation.
Il faut observer que l'industrie ne contribue que dans une
proportion limitée à l'ensemble des émissions
concernées. Le secteur des transports routiers est le premier
émetteur de NOx (près de 50% des émissions totales en
2003) ; le secteur résidentiel tertiaire, les secteurs de l'agriculture
et des transports routiers sont des émetteurs importants de COV. Le
secteur de l'agriculture est l'émetteur principal de N2O (environ 75%) ;
il est également à l'origine de 76% des émissions de
protoxyde d'azote et de 70% des émissions de méthane, ces deux
gaz participant à l'effet de serre.
Le choix de faire porter la taxe sur le secteur industriel
s'explique pour beaucoup par le niveau de concentration des installations
concernées. Les émissions industrielles sont, en effet,
concentrées sur un faible nombre d'installations. Les vingt
établissements les plus importants émetteurs de SO2 causaient, en
1999, 50 % des émissions de l'industrie. Cette concentration des
redevables facilite la mise en oeuvre d'une taxe et en renforce
l'efficacité. Pour qu'elle ait un effet dissuasif, le taux de la taxe
devrait être relevé dans une proportion importante. Le produit
pourrait alors être remboursé, au moins en partie, aux entreprises
du secteur, en fonction de leur production ou de leurs efforts de lutte contre
la pollution, dans un souci d'acceptabilité. La redistribution en
fonction de la production courante, pratiquée en
Suède51, permet d'avantager les entreprises qui polluent
moins pour une production donnée. Elle ne pénalise pas celles
ayant déjà réalisé des efforts importants.
? La taxe sur les nuisances sonores
aériennes
Le 1er janvier 2005, une « taxe sur les nuisances
sonores aériennes » a remplacé la composante de la TGAP
sur les décollages d'aéronefs52 qui avait
généré un produit de l'ordre
51 Cf. développements sur les pratiques de
certains Etats étrangers figurant plus bas
52 Articles 19 et 20 de la loi n° 2003-1312 du 30
décembre 2003 portant loi de finances rectificative pour 2003
Mastère professionnel TCF ISG Gabés
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de 30 M€ en 2004. La nouvelle taxe, dont le redevable et
l'assiette demeurent inchangés, peut, comme auparavant, être
modulée en fonction de l'horaire de décollage et des
caractéristiques acoustiques de l'appareil, dans un rapport,
désormais, de 0,5 à 120 (1 à 50 auparavant). Les
compagnies aériennes et les constructeurs sont ainsi fortement
incités à privilégier des technologies moins bruyantes.
Outre le niveau des taux, le principal changement tient à ce que la taxe
est désormais recouvrée par les services de l'aviation civile, et
non plus par les agents des douanes, et qu'elle est perçue non pas au
profit de l'Etat, mais de personnes publiques ou privées gérant
les aérodromes concernés. Elle est affectée au financement
des aides aux riverains prévues par le code de l'environnement. Son
tarif tient compte des besoins qui résultent des plans de gêne
sonore élaborés dans ce cadre et des coûts
d'insonorisation. Cette tarification ne prend donc en compte qu'une partie des
externalités.
Afin d'assurer le recouvrement de cette taxe, les services de
la direction générale de l'aviation civile peuvent
requérir, en tant que de besoin, la saisie conservatoire des avions
exploités par le redevable auprès du juge du lieu
d'exécution de la mesure.
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