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Troubles envahissants du développement chez un enfant : quelles répercussions pour sa famille ?( Télécharger le fichier original )par Gaëlle LE MILLER IRFFE - Assistante de service social 2015 |
CHAPITRE4Le handicap liéà la socialisation Mon travail de recherche s'est réaliséà partir d'une question de départ. Afin de tenter d'y répondre, je me suis appuyée sur l'ensemble de mes lectures et sur la réalisation d'une enquête exploratoire. Elle a étéeffectuée auprès de différents professionnels exerçant dans le secteur de la psychiatrie mais aussi auprès de professionnels du secteur de l'enfance et plus particulièrement du diagnostic. Sept familles ayant un enfant souffrant de TED ont étérencontrées afin d'avoir une vision globale de la problématique du handicap. L'enquête m'a permis de faire différents constats. Il est nécessaire de préciser que les résultats de cette enquête sont issus d'un échantillon réduit, je ne cherche pas à généraliser mes constats. Aujourd'hui, ce handicap est un enjeu en France afin de le prendre en charge notamment avec la loi du 11 février 2005. Puis, successivement des plans Autisme ( 2005-2007, 2008-2010 et 2013-2017) ont étéétablis. Ils ont permis de :
Ces différents plans permettent de donner toutes leurs chances ces personnes en les reconnaissant et en permettant de les accompagner. Cependant, la situation des personnes autistes en France est nouvelle. Ce handicap est tardivement diagnostiquéet les interventions semblent peu adaptées. En 20102, seulement 75 000 personnes étaient diagnostiquées autiste ou autres TED et avaient une prise en charge dans le secteur médico-social. De plus, moins de 20% d'entre elles bénéficiaient d'un accompagnement en structures adaptées. Selon un rapport de l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI), en 2012, il y avait «5 000 enfants
Gaëlle Le Miller Formation ASS 41 handicapés à domicile, 20000 enfants handicapés non scolarisés, 13000 enfants handicapés sans solution.» 3 En Picardie, en 2002 et selon l'INSERM, il y avait : «1370 enfants et adolescents autistes ou présentant des TED. Suivant les projections démographiques pour les moins de 20 ans en 2017 et 2022, ce nombre devrait augmenter dans la plupart des territoires.» 4 De plus, en 2014, en Picardie, 705 enfants TED seraient scolarisés dont 334 en classe ordinaire, 134 en Etablissement et Service Médico-Sociaux, 115 en collectif (CLIS ou ULIS) et 70 en temps partagés en classe ordinaire ou collective/ESMS. Pour ces enfants, il y aurait 145 places en IME et 119 en Service d'Education Spéciale et de Soins à Domicile5. D'après le plan Autisme 2013/20176, les enfants, non scolarisés, représentent une part importante des enfants TED. Cette non scolarisation peut créer des répercussions sociales. En effet, de nombreuses familles se trouvent «dans des situations de détresse affective, relationnelle et financière. Trop de parents sont obligés de sacrifier leur vie professionnelle pour s'occuper eux-mêmes de leurs enfants. Plusieurs milliers de familles envoient leurs enfants à l'étranger, notamment en Belgique, signifiant pour les uns un douloureux exil ou pire encore une coupure du lien familial alors qu'il est, selon la HAS et l'ANESM, essentiel à la réussite des interventions pédagogiques et éducatives.» 7 Ce constat a étérepérépar l'ensemble des familles rencontrées. Mme Da. énonce : «il est impossible de trouver un emploi lorsqu'on a besoin d'accompagner notre enfant handicapéet qu'il est nécessaire qu'on soit présent». Pourquoi un des parents arrête-t-il son activitéprofessionnelle? Et pourquoi en majoritéles mères? À ces questions, elles m'indiquent ne pas trouver de moyen de garde. Mme B. m'explique qu'«aucune structure ne souhaitait accueillir son enfant (pas de crèche assistantes maternelle)». Pourtant des aident existent, certaines crèches et les assistantes maternelles bénéficient de place afin d'accueillir des enfants en situation de handicap. La culpabilitédes mères d'avoir mis au monde un enfant différent peut justifier l'arrêt de leur activitéprofes-sionnelle, d'autant plus dans le cas des TED. En effet, pendant longtemps ce handicap
Gaëlle Le Miller Formation ASS 42 était considérécomme «un trouble de la relation mère-enfant.» 8 Par ces éléments, nous avons entendu parler de «mère- frigidaire» ou encore comme pour Mme C. de «mère-crocodile». De plus, même si les rôles sociaux évoluent, les mères s'occupent plus de l'éducation de leur enfant et de leur prise en charge. Cela peut expliquer que ce soit en majoritéles mères qui cessent leur activitéprofessionnelle. Sur sept familles rencontrées, seule Mme C. a optépour une prise en charge en Belgique faute de place en France (Cf. Annexe VII9). Concernant la scolarisation, l'ensemble des familles ont souhaitéune instruction soit en milieu ordinaire ou spécia-lisécar pour elles l'enseignement à domicile est compliquémême si par ailleurs elles peuvent essayer. En effet, comme Mme D. m'explique: «je n'ai pas forcément les outils, la patience et les clés pour l'aider à avancer et à progresser». Pour une scolarisation autre qu'àdomicile, les parents se confrontent à de nombreux freins : manque d'AVS, peu d'enseignants formés, peu de structures. . .J'ai donc repéréqu'elles sont toutes àl'initiative de la scolarisation de leur enfant. Ces parents ont des envies de socialisa- tion, réussite, bien-être, progression pour leur enfant afin de l'inclure dans la société. Cette scolarisation pour les parents est enrichie par différentes prises en charge comme orthophoniste, psychomotricien, psychologue... Pourtant ces parents rencontrent des difficultés dans leurs démarches. Selon Olivia Cattan, Présidente de SOS Autisme France, «600 000 personnes souffrant d'autisme sont privées de leur droit à l'éducation, la culture et au sport.» 10 Face à ces constats, certaines familles décident par l'intermédiaire de Maître Sophie Ja-nois, de lancer une procédure judiciaire pour défaut de prise en charge11. En effet, les familles auraient selon cette avocate des préjudices : moral (pour la personne en situation de handicap mais également pour sa famille), perte de chance pour l'enfant d'évoluer favorablement car il peut bénéficier d'une prise en charge non adaptévoire tardive et financière (les familles trouvent seules des solutions de prise en charge pour leur enfant comme les professionnels libéraux engendrant des coûts supplémentaires) 12. Le scolarisation est un facteur d'intégration et une norme tant pour les enfants «normaux» que ceux en situation de handicap. Il est nécessaire de lui apprendre à s'intégrer et non au contraire attendre qu'il s'intègre de lui-même car c'est la principale manifestation de son handicap. Une intégration en milieu scolaire s'évalue sur le long terme. Nous ne pouvons pas estimer leur souffrance mais interprétons son isolement à de la
Gaëlle Le Miller Formation ASS 43 souffrance. Cependant, nous ne pouvons exprimer ce que ressent l'enfant car lui-même n'est pas en capacitéde l'exprimer. La scolaritéest un moyen, pour l'enfant, d'acqué-rir des compétences de communication. Le terme d'inclusion permet à l'enfant qui est différent de s'insérer dans la société. Les familles peuvent alors reprendre une vie avec un semblant de socialisation. Je constate que les familles ont conscience des difficultés qu'a le handicap sur la vie en sociétémais qu'elles doivent également se reconstruire. Les Troubles Envahissants du Développement sont un handicap du lien social. Ces différents constats m'amènent à poser la problématique suivante : Alors que la loi du 11 février 2005 est le fruit du militantisme des personnes en situation de handicap et de leur famille, en révolutionnant entièrement le champ du handicap et notamment sur l'inclusion de ces personnes, comment expliquer que les parents rencontrent toujours les mêmes difficultés à socialiser leur enfant quel que soit le mode de scolarisation? 44 |
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